La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) est une taxe sur la consommation habituellement collectée pour les États par les entreprises fournissant des biens et des services, mais qui est supportée par le consommateur final.

La directive 2006/112/CE de l’Union européenne (ci-après « l’UE ») relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, également appelée directive TVA, définit une série d’obligations administratives, telles que l’immatriculation à la TVA, l’émission de factures, la tenue d’une comptabilité adéquate et la déclaration de la TVA. Ces obligations entraînent un « coût de conformité » pour les entreprises.

Ces obligations administratives en matière de TVA représentent en effet des charges fixes, proportionnellement plus élevées pour les petites et moyennes entreprises (ci-après « PME ») que pour les grandes. Ces charges peuvent représenter jusqu’à 2,6 % des recettes des petites entreprises contre seulement 0,02 % pour les grandes.

La problématique

Si des simplifications et des dispenses d’obligations administratives existent dans la plupart des pays de l’UE pour les PME, les critères d’application de ces mesures varient d’un pays à l’autre, laissant apparaître une inégalité de concurrence entre les PME des différents États membres, et plus particulièrement dans la mesure où certaines PME sont plus ou moins « avantagées » en fonction du pays. À titre d’exemple, le seuil de simplification administrative pour les petites entreprises (régime de franchise) au Luxembourg est de 30.000 EUR, de 25.000 EUR en Belgique et de 17.500 EUR en Allemagne. Par ailleurs, dans le régime actuel, les petites entreprises non établies ne peuvent pas bénéficier de cette simplification. Dans un contexte transfrontalier, un artisan français, belge ou allemand par exemple qui effectuerait des activités au Luxembourg est obligé de s’identifier à la TVA au Luxembourg et d’y remplir l’ensemble des obligations administratives qui incombent à un assujetti normal, alors que l’artisan luxembourgeois pourrait en être dispensé. En d’autres termes, les conditions de concurrence ne sont pas égales pour toutes les PME qui exercent leurs activités au sein de l’UE.

Les règles actuelles liées au traitement de TVA des PME entraînent 3 problèmes principaux :

  • des coûts de conformité disproportionnés pour les PME exerçant des activités commerciales transfrontalières ;
  • une inégalité de concurrence parmi les PME de l’UE qui fournissent le même marché et ne peuvent, par conséquent, pas tirer le meilleur parti des opportunités offertes par le marché unique. Au niveau national, l’emploi de seuil peut également entraîner un ralentissement de la croissance car les PME peuvent être tentées d’éviter de franchir le seuil de franchise ;
  • un manque d’harmonisation des règles au sein de l’UE qui ne facilite pas le respect volontaire des règles et pourrait entraîner par conséquent des pertes de recettes de TVA pour les États membres. Les petites entreprises représentent 98 % des entreprises de l’UE et 65 % de l’emploi dans le secteur privé. Elles représentent la colonne vertébrale de l’économie européenne.

Aussi, afin de contribuer au développement des petites entreprises et faciliter leurs échanges au sein de l’UE, la Commission souhaite résoudre ces problèmes, à plus forte raison dans le cadre d’un système TVA qui passe à une imposition au lieu de destination.

Les mesures

Afin de réduire les coûts de conformité en matière de TVA pour les petites entreprises et renforcer l’attrait commercial de l’UE, certaines mesures ont été proposées par la Commission sous la forme d’une directive en date du 18 janvier 2018. Les mesures qu’elle contient font partie intégrante du plan d’action sur la TVA de la Commission et doivent entrer en vigueur à partir du 1er juillet 2022. Le plan d’action de la Commission vise à moderniser le système de TVA afin de le rendre plus simple, plus étanche à la fraude et plus propice aux entreprises.

Les principales dispositions de la proposition visent à permettre à l’ensemble des entreprises éligibles de l’Union (établies ou non dans l’État membre dans lequel la TVA s’applique) de bénéficier du régime de franchise, et aux Etats membres d’actualiser le niveau maximal des seuils de franchise nationaux et de permettre le dépassement temporaire du seuil de franchise. Enfin, la directive prévoit également la mise en place d’obligations simplifiées pour l’ensemble des « petites entreprises », bénéficiant ou non de la franchise.

Sur base de cette directive, les « petites entreprises » sont définies comme l’ensemble des entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dans l’Union ne dépasse pas 2.000.000 EUR (ou sa contre-valeur en monnaie nationale). Pour l’ensemble de ces petites entreprises (qui sont soit au-dessus du seuil de la franchise des PME ou en dessous, mais qui optent pour l’application de la TVA), des mesures de simplification administrative seront prévues. Ces mesures devraient comprendre une immatriculation simplifiée et des dépôts de déclarations de TVA moins fréquents.

Deux définitions du chiffre d’affaires sont également introduites par la directive afin de faciliter l’application des seuils de franchise nationaux pour les différents acteurs économiques de l’UE : le chiffre d’affaires annuel dans l’État membre qui représente le montant total annuel des livraisons de biens et des prestations de services, hors TVA, effectuées par un assujetti sur le territoire de cet État membre (par exemple le seuil national), ainsi que le chiffre d’affaires annuel dans l’Union qui correspond au montant total annuel des livraisons de biens et des prestations de services, hors TVA, effectuées par un assujetti sur le territoire de l’UE.

Aussi, si le régime de la franchise reste facultatif pour les États membres, la Commission propose « d’européaniser » le seuil national à hauteur d’un maximum de 85.000 EUR par an. Les États membres auront donc la possibilité de fixer, sur la base d’éléments objectifs, leur seuil au niveau qui correspond le mieux à leur contexte économique et juridique, sans dépasser le seuil maximum de 85.000 EUR.

La franchise sera accessible à l’ensemble des entreprises éligibles de l’Union (établies ou non dans l’État membre dans lequel elles souhaitent bénéficier du régime de franchise), pour autant que son chiffre d’affaires annuel dans l’Union ne dépasse pas 100.000 EUR.

Enfin, en cas de dépassement provisoire du seuil national au cours d’une année donnée, les PME devraient être autorisées à continuer à faire usage de la franchise pour cette année, à condition que leur chiffre d’affaires n’excède pas le seuil applicable de plus de 50 % durant cette année.

Pour illustrer ces points, imaginons la situation suivante : une entreprise X établie au Luxembourg réalise un chiffre d’affaires annuel de 80.000 EUR/an au sein de son pays. Le seuil national au Luxembourg pour l’application du régime de la franchise est de 30.000 EUR (pour autant que celui-ci ne soit pas modifié lors de l’adoption des dispositions de la directive en droit national, le seuil maximal étant fixé à 85.000 EUR). Elle ne bénéfice par conséquent pas du régime de franchise au Luxembourg. Néanmoins, si elle réalise en plus un chiffre d’affaires de 17.000 EUR en Allemagne (ou le seuil du régime de franchise est actuellement fixé à 17.500 EUR), elle pourra bénéficier du régime de franchise de TVA en Allemagne (ce qui n’est actuellement pas possible).

En revanche, si cette société X réalise un chiffre d’affaires de 90.000 EUR/an à Luxembourg et continue de réaliser en plus un chiffre d’affaires de 17.000 EUR en Allemagne, elle ne pourra normalement plus bénéficier du régime de franchise de TVA en Allemagne, mais aura la possibilité de bénéficier des simplifications liées aux obligations précédemment évoquées pour les « petites entreprises », car son chiffre d’affaires reste inférieur au seuil de 2.000.000 EUR. Au-delà de ce montant, cette entreprise n’aurait plus droit à une telle simplification.

En conclusion

Dans une région transfrontalière comme la nôtre, ces mesures devraient principalement bénéficier à nos plus petites entreprises, ce qui semble être une bonne nouvelle. La mise en place d’un tel régime nécessitera néanmoins une collaboration accrue entre les autorités fiscales luxembourgeoises, allemandes, françaises et belges, avec, à la clé sans doute, davantage de contrôles visant à une diminution des risques de fraude.

Olivier Lambert, Associate Partner et Samuel Choukroun, Consultant fiscaliste chez EY Luxembourg
Olivier Lambert, Associate Partner et Samuel Choukroun, Consultant fiscaliste chez EY Luxembourg