La réforme du bail commercial, dont le régime était demeuré inchangé depuis 1936, est
devenue nécessaire suite à la série de faillites qui a frappé les commerces du centre-ville de
Luxembourg en 2013.

L’exposé des motifs du projet de loi rappelle que le manque de protection du preneur, qui parfois a consenti des investissements importants, fragilise la situation des commerces et conduit à leur disparition.

La loi réformant le régime du bail commercial a été adoptée en date du 17 janvier 2018.

Champs d’application

Aux termes de l’article 1762-3 du Code civil, le bail commercial est le contrat de location qui unit le commerçant, l’artisan ou l’industriel exploitant une entreprise dans un local et le propriétaire des lieux.

Sont néanmoins exclus du champ d’application de la loi les baux relatifs à la location d’un local pour une durée inférieure à un an, afin de ne pas freiner le développement de nouveaux concepts commerciaux tels que les pop-up stores ou magasins éphémères.

La durée du bail commercial

Afin d’assurer la plus grande liberté contractuelle des parties, la loi a retenu que les contrats de baux commerciaux pouvaient être conclus pour une durée déterminée ou une durée indéterminée.

A défaut d’indication des parties, le contrat sera réputé conclu pour une durée indéterminée.

Résiliation et tacite reconduction

La loi consacre la jurisprudence et fixe désormais le délai de résiliation à 6 mois au minimum. La résiliation doit être notifiée à l’autre partie par courrier recommandé avec avis de réception.

A l’issue du terme initial du bail et à défaut de résiliation par le bailleur, le bail est reconduit tacitement pour une durée indéterminée.

Suppression du sursiscommercial et instauration d’un sursis à déguerpissement

Le régime particulièrement complexe du sursis commercial a été abandonné au profit d’une procédure de sursis à déguerpissement, à l’instar du régime du sursis à déguerpissement en matière de bail à usage d’habitation.

Dans un souci d’efficacité procédurale, le preneur ou le sous-locataire pourra dorénavant, lorsqu’il a été condamné à déguerpir, solliciter devant le juge de Paix un sursis à déguerpissement. Toutefois, ce sursis unique à déguerpissement ne pourra excéder la durée maximale de 9 mois, sous réserve que le preneur ou le sous-locataire soit à jour du paiement des loyers et des charges dus aux termes du contrat à la date d’introduction de la requête et que l’activité du preneur ou du sous-locataire présente une difficulté quant à la nature des locaux recherchés. Cette décision rendue par le juge de Paix est insusceptible d’appel.La pratique du pas-de porte est désormais explicitement prohibée par l’article 1762-5 du Code civil. Tout supplément de loyer payé au bailleur ou à un intermédiaire est nul de plein droit, ce qui signifie que le preneur pourra en obtenir judiciairement remboursement.

dessin de vitrine d'un magasin

Renforcement de la protection des preneurs

La refonte du régime du bail commercial s’inscrit dans une volonté du législateur de renforcer la protection des preneurs au travers de la réforme du droit au renouvellement préférentiel et de l’instauration d’une indemnité d’éviction.

Dorénavant, le preneur bénéficie d’un droit au renouvellement de son bail pendant une durée de 9 années, sous réserve d’avoir formulé sa demande auprès du bailleur 6 mois avant l’expiration du bail.

Le bailleur est tenu durant les 9 premières années du bail de faire droit à la demande du preneur, sauf dans les hypothèses d’inexécution des obligations contractuelles du preneur, d’occupation personnelle par le bailleur ou ses descendants au premier degré, en cas de changement de la destination de l’immeuble ou en cas de reconstruction ou rénovation de l’immeuble.

Au terme de cette période de location de 9 ans, le bailleur est en droit de s’opposer au renouvellement du bail sans devoir motiver sa décision sous réserve que lui-même ou un tiers s’acquitte d’une indemnité d’éviction.

Le montant de cette indemnité d’éviction est contractuellement convenu par les parties dans le contrat de bail. A défaut d’indication contractuelle, son montant sera fixé par une décision du juge de Paix à la lumière d’une estimation de la valeur marchande du fonds de commerce.

Dorénavant, le preneur bénéficie d’un droit au renouvellement de son bail pendant une durée de 9 années, sous réserve d’avoir formulé sa demande auprès du bailleur 6 mois avant l’expiration du bail. Au terme de cette période de location de 9 ans, le bailleur est en droit de s’opposer au renouvellement du bail sans devoir motiver sa décision sous réserve que lui-même ou un tiers s’acquitte d’une indemnité d’éviction.

Prohibition de la pratique des pas-de-porte

La pratique des pas-de-porte correspond à un droit d’entrée versé par le preneur lors de son entrée dans les lieux et s’analyse comme un supplément de loyer. L’utilisation répétée de cette pratique a conduit à des abus auxquels sont partiellement imputés une série de faillites qui ont frappé les boutiques du centre-ville au courant de l’année 2013.

Cette pratique est désormais explicitement prohibée par l’article 1762-5 du Code civil. Tout supplément de loyer payé au bailleur ou à un intermédiaire est nul de plein droit, ce qui signifie que le preneur pourra en obtenir judiciairement remboursement.

Par ailleurs, le contrat de location ne pourra plus imposer au preneur un intermédiaire dans l’hypothèse d’une sous-location ou d’une cession du bail.

Plafonnement de la garantie locative

A l’instar du régime du bail à usage d’habitation, le montant de la garantie locative est désormais plafonné. Dans un souci légitime de préservation de l’intérêt du bailleur, le montant de la garantie locative est fixé à un maximum de 6 mois de loyer.

Néanmoins, le bailleur ne pourra pas s’opposer à la mise en place d’une garantie bancaire à première demande ou de tout autre type d’instrument visant à couvrir le risque de défaillance du preneur. Cette mesure vise à préserver la trésorerie des preneurs. Cession et sous-location Sont entachées de nullité les clauses qui défendent la cession du bail ou la sous-location. Cependant, la cession ou la sous-location doit être notifiée au bailleur qui dispose d’un délai de 30 jours pour s’y opposer, le cas échéant, en vertu de justes motifs. En pareil cas, le preneur dispose d’un délai de 8 jours pour saisir le juge de Paix.

Hormis dans l’hypothèse d’investissements spécifiques réalisés par le preneur, le loyer payé par le sous-locataire au preneur ne pourra en aucun cas excéder celui payé par le preneur au bailleur. Ces hypothèses légitimes de majoration de loyer visent notamment le cas des investissements réalisés par les preneurs au profit de leurs sous-locataires dans les débits de boissons et les stations-service.
 

Droit de préemption pour le preneur de longue durée

L’exercice du droit de préemption par le preneur de longue durée, c’est-à-dire le preneur ayant loué les lieux pendant 18 ans, est semblable à celui existant dans le bail à usage d’habitation.

Toutefois, la vente par adjudication, la cession à un membre de la famille du bailleur, parent ou allié jusqu’au troisième degré, ou la donation font obstacle à l’exercice du droit de préemption par le preneur.

L’application de la loi au contrat en cours

Au regard des dispositions transitoires, la loi s’appliquera aux baux commerciaux en cours à l’exception de deux de ses dispositions.

La première exception a trait à la pratique du pas-de-porte qui est désormais prohibée par l’article 1762-5, paragraphe 1er du Code civil. En effet, le législateur n’a pas souhaité que cette disposition rétroagisse sur les contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi.

La seconde exception concerne la disposition relative à l’interdiction de percevoir en cas de sous-location un loyer supérieur à celui versé par le preneur initial au bailleur en dehors de l’hypothèse d’investissements spécifiques. Cette disposition ne prendra effet que 12 mois après l’entrée en vigueur de la loi.

La réforme du bail commercial consacre une série d’avancées dans la protection des preneurs tout en ménageant les intérêts des bailleurs et des investisseurs.

Yasmina Maadi, Avocat, DBB LAW
Yasmina Maadi, Avocat, DBB LAW