La composition d’un package salarial compétitif et attrayant pour les salariés fait partie intégrante de toute politique RH moderne.  Lors de l’élaboration du package salarial, il convient de tenir compte des divers besoins et attentes du salarié, mais également des possibilités et nécessités de l’employeur.  Un package salarial optimal est celui qui tend à concilier les deux.

Pour le salarié, un revenu disponible immédiatement forme la base de tout package salarial. Cela comprend bien évidemment un salaire mensuel de base, qui n'est plus qu'un composant parmi d'autres dans un package de rémunération, mais également d’autres avantages tels que des avantages en nature qui peuvent permettre à l’employeur de réaliser une économie financière importante grâce à un traitement (para)fiscal intéressant de ces avantages.

La mise à disposition du salarié d’outils de communication tels que tablettes, ordinateurs portables, connexions VPN, bluetooth ou autres smartphones fait de plus en plus partie du package salarial, même si d’après une étude du STATEC (1), en  2009, le poids moyen des avantages en nature dans la rémunération globale des salariés ne dépassait pas 1 %. Cela peut être un moyen pour un employeur d’augmenter l’attractivité d’un emploi ainsi que de fidéliser ses collaborateurs en leur proposant des avantages extralégaux augmentant la valeur du package salarial sans trop alourdir le budget.

Il s’agit cependant de bien plus que le seul aspect financier. Le package salarial offert peut permettre :
  • de récompenser l’investissement personnel ou des compétences particulières ;
  • de motiver un travailleur individuel à contribuer aux résultats du groupe ;
  • d’inciter un travailleur à la loyauté vis-à-vis de l’entreprise.
Ces avantages liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) constituent un défi pour le droit du travail et plusieurs questions se posent.

Et si les téléphones, tablettes, smartphones… ne font pas directement partie du package salarial, mais répondent à des besoins de services, les règles applicables ne sont pas à négliger.

Conciliation vie privée – vie professionnelle

Avec les NTIC, le travail peut s’immiscer de plus en plus dans la vie privée : finir un dossier ou recevoir des appels professionnels à son domicile, voire sur son lieu de villégiature, sont des choses devenues possibles grâce à la transportabilité des outils de travail. On peut retrouver ce même risque de dérive dans le recours au télétravail qui, certes, a des côtés positifs tant pour l’employeur que pour le salarié (ne fût-ce qu’en termes de diminution des temps de déplacement). Le temps de repos est nécessaire pour assurer le bien-être du salarié…

Durée du travail

Le corollaire évident de cette immixtion est bien entendu l’augmentation de la durée du travail : combien de salariés disposant d’outils de travail mobiles n’exercent-ils pas un plus grand nombre d’heures de travail ? Cela pose bien entendu une série de questions également :

-          ces heures de travail supplémentaire sont-elles réalisées à la demande de l’employeur, auquel cas ce dernier doit les compenser soit en temps de repos, soit en espèces ?  Mais si tel est le cas, l’employeur a-t-il correctement satisfait à la double obligation légale de consulter la délégation du personnel ou, à défaut, les salariés concernés et de notifier préalablement ces heures supplémentaires à l’Inspection du Travail et des Mines ?

-          quand bien même ces heures ne sont pas effectuées à la demande de l’employeur, le salarié ne risque-t-il pas de considérer comme un devoir moral d’être disponible sans limites au motif que son employeur lui a donné les moyens de l’être ? En effet, l’accès à ces technologies offert par l’employeur constitue la preuve d’une relation de confiance entre l’employeur et le salarié, et ce dernier veut se montrer digne de cette confiance. Si le salarié assimile parfois la remise de NTIC à une récompense et les utilise volontiers dans les périodes de motivation élevée, cela peut devenir plus compliqué dès que la notion de contrainte apparaît ;

-          le dépassement régulier des heures de travail et le non-respect des temps de repos a également des conséquences sur la santé et la sécurité du salarié : dans quelle mesure l’employeur peut-il être tenu responsable d’un éventuel accident que subirait le collaborateur, comment peut-il faire en sorte que ce dernier ne risque pas le surmenage, la démotivation ou l’insatisfaction ? Mais encore, comment l’employeur peut-il détecter de tels risques de surcharge de travail alors que par définition il n’y a plus de management de proximité ?

Il est essentiel de bien délimiter, dès le départ, le temps de travail pour l’ensemble des utilisateurs. Cela permettra également de limiter l’usage de ces outils uniquement à des fins professionnelles.

Situation sociale et fiscale des frontaliers

Avec une population non résidente d’environ 44 %, il est fréquent que les collaborateurs « hyper-connectés » travaillent en dehors du Luxembourg. Or, si l’utilisation nomade des outils de communication semble faire disparaître les frontières, il n’en reste pas moins que les frontières étatiques restent bien réelles. Cela peut également s’avérer problématique si les administrations fiscales des pays concernés venaient à considérer que ces heures constituent bien des heures de travail soumises à imposition dans le pays de résidence. La partie du salaire relative à ce temps de travail devrait dès lors être déclarée comme revenu imposable dans le pays de résidence, avec des conséquences fiscales non négligeables dans les pays qui appliquent l’exemption avec réserve de progressivité.

Protection des données

Une protection efficace des données est indispensable pour empêcher la mise en place de données transparentes alors que celles-ci sont à l’origine confidentielles, surtout dans un contexte transfrontalier.

Tant l’employeur que le salarié doivent s’assurer que la transmission des données via les outils de communication soit sécurisée : à quoi cela sert-il d’utiliser une connexion VPN codée si le réseau WiFi utilisé par le salarié chez lui ou en déplacement n’est pas sécurisé ?

Au-delà du cadre législatif, les mesures préventives doivent être étendues. La méthode la plus efficace consisterait à attirer l’attention de chaque utilisateur (employeur et salarié) sur les risques engendrés par une utilisation non sécurisée de leur moyen de communication.

Il est dès lors important de définir une politique RH tenant compte de ces risques de dérives et garantissant, par exemple, le respect de plages horaires pendant lesquelles le collaborateur n’est pas disponible. L’employeur n’est pas seul responsable de ce fait et le collaborateur lui-même doit comprendre que sa disponibilité totale n’est pas un gage de performance de travail accrue et constitue à terme un danger pour sa santé et son équilibre de vie.

L’employeur doit évaluer la capacité de chaque détenteur de ces outils afin de limiter leur utilisation et de ne pas tomber dans le piège de la disponibilité permanente. Le salarié devrait accepter ce type d’équipement en ayant obtenu l’information préalable concernant les règles d’utilisation, la possibilité de refuser ou de se déconnecter, les risques, les bonnes pratiques, des conseils, etc. La remise d’un smartphone, outil de connexion à distance… devrait s’accompagner de la mise en place de règles de conduite pour que l’usage en soit limité aux activités professionnelles absolument indispensables et que les limites ne soient pas dépassées.

Si l’intégration des NTIC dans les packages salariaux peut être vue au départ comme un  moyen de motiver, d’attirer des talents, de gagner en flexibilité… cela peut très vite représenter un piège pour les salariés et pour l’entreprise en général.

 

 

Joël de Marneffe
Tax & Legal Manager

Séverine Schwander
Responsable du Luxembourg Learning Center
Senior HR Consultant

SD Worx

 

(1) Regards sur les avantages en nature des salariés, disponible sur http://www.statistiques.public.lu/catalogue-publications/regards/2011/PDF-7-2011.pdf