L’insuffisance professionnelle est souvent invoquée à la base d’un licenciement avec préavis, voire même avec effet immédiat, suivant la gravité des faits.

L’insuffisance professionnelle peut se définir comme une quantité insuffisante de travail fourni ou comme une mauvaise qualité du travail fourni due à une incompétence du salarié ou à une inadaptation de ce dernier aux fonctions qui lui sont attribuées.

De manière générale, hormis la présence sur le lieu de travail qui constitue pour le salarié une obligation de résultat, à moins que des résultats soient attendus du salarié, ce dernier n’est tenu à l’égard de son employeur que d’une obligation de moyens. Aussi, pour que l’insuffisance professionnelle puisse valoir comme motif de licenciement, encore faut-il qu’elle revête certaines caractéristiques. Ainsi, l’insuffisance professionnelle peut être considérée comme cause réelle et sérieuse pour justifier un licenciement si elle est établie par des faits précis et concrets, constatés sur une certaine durée.

Lorsque la quantité de travail fourni est insuffisante, la jurisprudence exige également que l’insuffisance professionnelle soit établie par comparaison aux résultats antérieurs de l’intéressé et/ou au rendement d’autres salariés. A ce propos, la jurisprudence exige que la comparaison se fasse par rapport à des situations comparables. La comparaison doit être faite par rapport à plusieurs salariés se trouvant dans la même situation de travail que la personne licenciée, ou dans une situation similaire. La comparaison ne doit donc pas être arbitraire.

L’insuffisance professionnelle peut également résulter en un manquement du salarié dans la réalisation d’objectifs fixés. Dans ce cas, l’insuffisance ne peut être invoquée à l’appui d’un licenciement que si des résultats sont attendus d’après les termes du contrat, d’un avenant, d’un business plan ou de la nature même des fonctions du salarié.

Plusieurs conditions doivent être réunies

Pour être opposable au salarié, la fixation d’objectifs est subordonnée à la réunion cumulative de plusieurs conditions rappelées récemment par la Cour d’appel dans un arrêt du 24 avril 2014 (n° 37948 du rôle) :

1. les objectifs doivent être réalistes, autrement dit raisonnables et réalisables ;

2. les critères et les modalités d’application des objectifs professionnels imposés au salarié ne doivent pas dépendre de la seule volonté de l’une des parties au contrat de travail et, en l’occurrence, de celle de l’employeur ; et

3. le principe même de ces objectifs doit avoir été préalablement accepté par le salarié concerné.

La Cour d’appel a relevé deux conditions supplémentaires :

4. l’inexécution par le salarié des objectifs professionnels lui assignés, doit lui être largement imputable et l’employeur doit être en mesure de le prouver, en démontrant la réalité de la faute volontaire ou de la négligence commise par ce salarié et la défaillance qui en est résultée dans la réalisation de ces objectifs ; et

5. un écart significatif et non pas dérisoire doit pouvoir être constaté entre les objectifs acceptés par le salarié et ceux qu’il a réalisés.

Il incombe donc dans un premier temps à l'employeur de caractériser l'insuffisance professionnelle. L’insuffisance doit être documentée par des pièces ou par des témoignages. L’énoncé du motif lié à l’insuffisance professionnelle doit révéler la nature exacte du manquement reproché. Ensuite, la charge de la preuve de la raison à l'origine du grief ayant motivé le licenciement du salarié incombe à ce dernier.

La présence, dans un contrat de travail, d’une clause d’objectif suivant laquelle sa non-réalisation sera considérée comme un motif de licenciement ne peut en aucun cas lier un juge en cas de litige sur le bien-fondé d’un licenciement sanctionnant la non-réalisation d’objectifs. En effet, le caractère sérieux du motif de licenciement relève toujours de l’appréciation souveraine du juge saisi. A ce titre, le juge doit vérifier si les objectifs sont réalistes et si leur non-réalisation résulte d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute, vérification qui se fera notamment en fonction de la conjoncture économique.

Il est important de noter qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle notifié peu après l’expiration de la période d’essai risque d’être qualifié d’abusif dans la mesure où le juge relèvera dans une pareille hypothèse que l’employeur, en ne mettant pas fin à la période d’essai, justement destinée à s’assurer de l’aptitude professionnelle du salarié, n’a lui-même pas jugé ce motif comme réel et sérieux.

De même, dans la pratique, il arrive parfois que certains actes de l’employeur aillent à l’encontre des griefs formulés contre un salarié dans le cadre d’un licenciement. Ainsi, l’insuffisance professionnelle ne peut valoir comme motif réel et sérieux de licenciement lorsque des primes et augmentations de salaires sont versées au salarié indépendamment de toute obligation contractuelle. En effet, l’octroi de tels avantages démentirait l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur contre son salarié.

Enfin, en cas d’évaluations annuelles, l’employeur est avisé de vérifier les commentaires inscrits dans les précédents rapports d’évaluation afin de ne pas se trouver en contradiction avec une évaluation positive ou avec la reconnaissance d’un marché peu propice.

Me Gabrielle Eynard
Senior Associate

Allen & Overy Luxembourg