Dans le cadre des mesures liées à la mise en place de la Troisième Révolution Industrielle, le ministère des Finances a décidé de créer et de coordonner, sous la supervision d’Isabelle Gourin, une plateforme d’intermédiation de financement du développement durable appelée Luxembourg Sustainable Development Finance Platform. Véronique de la Bachelerie, administrateur délégué de Société Générale Bank & Trust et représentante de l’ABBL au sein de la plateforme, nous explique les enjeux de cette initiative qui devrait être opérationnelle en 2018.

Véronique de la Bachelerie, administrateur délégué, Société Générale Bank & Trust, et représentante de l’ABBL au sein de Luxembourg Sustainable Development Finance Platform.
Véronique de la Bachelerie, administrateur délégué, Société Générale Bank & Trust, et représentante de l’ABBL au sein de Luxembourg Sustainable Development Finance Platform
  

Pouvez-vous nous expliquer brièvement le contexte de la création de Luxembourg Sustainable Development Finance Platform ?

Suite à l’étude stratégique de Troisième Révolution Industrielle réalisée par Jeremy Rifkin, un modèle de gouvernance a été défini par le gouvernement luxembourgeois, prévoyant notamment la création de plateformes thématiques. C’est ainsi que, pour la composante finances, le ministère des Finances a lancé l’initiative Luxembourg Sustainable Development Finance Platform dans le but de réfléchir à de nouveaux modes de financement pour les projets à impact positif.

Qu’est-ce qu’un projet à impact positif ?

Les projets à impact positif sont de trois ordres : économiques (énergie, mobilité, logistique, agroalimentaire, industriel, infrastructures techniques pour mesurer les impacts…), sociaux (formation, éducation, santé publique, soins aux seniors, intégration des migrants…) et environnementaux (amélioration climatique, gestion de l’eau, des déchets, de l’air, biodiversité…).

Comment cette plateforme fonctionnera-t-elle ?

Avant de répondre à la question, je voudrais parler du contexte dans lequel elle s’intègre. Au regard du financement des projets à impact positif qui est colossal, le système financier ne peut y répondre seul. En effet, nous sommes actuellement dans une phase de transition où les business models sont amenés à évoluer significativement puisque les risques changent ainsi que la nature des porteurs de projets. Les grands producteurs d’énergie, par exemple, sont bien conscients qu’ils vont devoir s’adapter au fonctionnement des Smart Cities de demain, avec des particuliers (prosumers), qui disposeront d’électricité via leurs panneaux solaires, qui vendront leur surplus ou en achèteront… Ces grands producteurs continueront à produire, mais uniquement pour faire face au manque des consommateurs et seront surtout des intermédiaires de contact entre consommateurs. Leur rôle va évoluer et nécessitera le financement de nouvelles plateformes de gestion d’électricité. Quel sera le nouveau modèle de revenu associé à la prise de risque entre le prosumer, le gestionnaire de la plateforme d’échanges d’électricité et le producteur traditionnel d’électricité ? Cette réflexion peut s’appliquer à de nombreux secteurs d’activité. Pour faciliter cette évolution, dès lors qu’elle a un impact positif pour la société, la plateforme à visée internationale aura donc comme mission première de mettre en contact des porteurs de projet, qui seront sélectionnés selon certains critères que nous allons définir, et des investisseurs, qui devront se positionner en fonction de ce qu’ils attendent comme retour sur investissement et/ou impact qualitatif du projet. Le but est donc de faciliter la structuration des projets (échanges d’informations, reporting…) afin que ceux-ci trouvent plus aisément des financements.

Quels sont les profils des investisseurs pressentis ?

Ce peut-être des investisseurs institutionnels (gouvernements, BEI, Fonds Européen d’Investissement, compagnies d’assurances…), des organismes publics, des family offices, des fonds de pension, des philanthropes, qui accepteront de prendre plus ou moins de risques en fonction d’un retour attendu sous forme de rendement et surtout d’impact qualitatif. La plateforme pourra jouer aussi un rôle de facilitateur en regroupant de petits projets qui trouveraient difficilement des investisseurs (mutualisation des coûts de structuration, diversification des risques).

Est-ce important que cette plateforme soit ancrée au Luxembourg ?

Même si la visée est internationale, l’ancrage luxembourgeois est très important car le Luxembourg est un petit pays, au coeur de l’Europe, capable de réunir dans les plus brefs délais des représentants du gouvernement, des ONG, des banques, des start-up, notamment liées aux FinTech, des investisseurs, des porteurs de projet… Le Luxembourg est donc un excellent laboratoire au sein de l’Union européenne pour ce type d’initiative.

Propos recueillis par Isabelle Couset
Photo-Olivier Minaire