A l’heure où de plus en plus de start-up technologiques mettant en place des systèmes de paiement sont constituées à Luxembourg, un outil pouvant les aider et faciliter leur essor est en pleine expansion : Bitcoin, Ethereum, Litecoin… Ces dernières années, ces « monnaies virtuelles » ont envahi les marchés financiers malgré les dangers inhérents à leur absence de cadre légal et réglementaire.

Si aujourd’hui, le Bitcoin est accepté dans de nombreuses transactions commerciales, il n’en demeure pas moins qu’un nombre important d’investisseurs restent sceptiques face aux problématiques engendrées par ces nouvelles « monnaies » : risque de volatilité et de bulle de prix, absence de protection due au manque de cadre légal et réglementaire, absence de protection des investisseurs… Les risques pris par les investisseurs en valent-ils le coup ?

Que sont les « monnaies virtuelles » ?

Que ce soit au niveau national ou européen, il n’existe aucune définition officielle de la « monnaie virtuelle ».

Le projet de la 5e directive anti-blanchiment définit par exemple le terme « monnaie virtuelle » comme désignant « des représentations numériques d’une valeur qui ne sont émises ni par une banque centrale ni par une autorité publique, qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une monnaie à cours forcé, mais qui sont acceptées comme moyen de paiement par des personnes physiques ou morales et qui peuvent être transférées, stockées ou échangées par voie électronique » (1).

La Banque centrale européenne considère cependant que la « monnaie virtuelle » ne peut être considérée comme étant (i) de la monnaie puisque l’Union européenne ne reconnaît comme seule monnaie que l’euro, et (ii) un moyen d’échange plutôt qu’un moyen de paiement puisqu’elle n’a pas de cours légal(2).

L’absence de définition légale de la « monnaie virtuelle » atteste bien du flou juridique actuel dans lequel celle-ci évolue ainsi que les implications néfastes qu’elle peut engendrer.

Les risques financiers liés à ces « monnaies virtuelles »

L’utilisation des « monnaies virtuelles » entraîne des enjeux cruciaux en termes de risques financiers.

La CSSF, dans un communiqué(3) avertissant de leur danger, les a considérées comme étant des investissements hautement volatils et spéculatifs, comportant un certain nombre de risques, y compris une perte totale de l’investissement.

Il est possible de résumer les risques propres à investir dans les « monnaies virtuelles » en deux points :

  • d’une part, elles sont, de par leur volatilité importante, un investissement extrêmement risqué et spéculatif. Preuve en est le cours du Bitcoin qui atteignait pratiquement 20.000 USD en décembre 2017 et qui est passé fin mars 2018 sous la barre des 7.000 USD.
  • d’autre part, n’étant pas considérées comme un réel produit financier, elles ne bénéficient d’aucune protection particulière et ne sont, à cet égard, pas régulées par la CSSF.

Ainsi, l’investissement dans les « monnaies virtuelles » est à la portée de tout investisseur, qu’il soit de détail ou professionnel, contrairement à certains produits financiers qui, de par leur volatilité, ne sont réservés qu’à des investisseurs professionnels, ceci afin de protéger les investisseurs de détail de leur méconnaissance du système financier.

Conclusion

Les « monnaies virtuelles » peuvent être considérées comme une bulle qui pourrait potentiellement éclater à tout moment, laissant le capital investi partiellement ou totalement perdu.

Si l’accroissement du cours de certaines « monnaies virtuelles » peut inciter certains investisseurs à se tourner vers ce type d’investissement, toujours faut-il garder à l’esprit le risque pris par une telle décision.

La solution serait sans doute que les régulateurs financiers européens définissent un cadre strict des monnaies virtuelles. Le Luxembourg, précurseur en la matière, a agréé ces dernières années deux plateformes de monnaies virtuelles, la société américaine SnapSwap et la société japonaise bitFlyer, comme établissements de paiement électronique. Malgré le nombre grandissant de start-up technologiques et leur évolution rapide, les législations luxembourgeoise et européenne relatives aux « monnaies virtuelles » restent floues à l’heure actuelle. Il serait nécessaire d’établir un cadre spécifique permettant de résoudre les problématiques évoquées.

Me Emmanuelle Ragot, Partner – Head of IP/TMT, Wildgen S.A.
Me Emmanuelle Ragot, Partner – Head of IP/TMT, Wildgen S.A.
Me Florence Delille, Senior Associate, Wildgen S.A.
Me Florence Delille, Senior Associate, Wildgen S.A.
Me Brice Bertolotti, Junior Associate, Wildgen S.A.
Elisabeth Guissart, Associée, Wildgen S.A.

(1) Article 1er, point 2, c) de la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, et la directive 2009/101/CE.

(2) Avis de la Banque centrale européenne du 12 octobre 2016 sur une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, et la directive 2009/101/CE.

(3) CSSF, Avertissement sur les monnaies virtuelles publié le 14 mars 2018.