A l’ombre de ses grands voisins européens, le Luxembourg poursuit sa croissance économique de manière soutenue et affiche un rythme de croissance de 2,7 % pour 2019 et de 3,3 % en 2020 (dernières estimations du PIB publiées par le STATEC). Ce dynamisme économique combiné aux autres atouts du pays (notamment sa position géographique, ses infrastructures, le multilinguisme, le soutien à l’innovation) attirent beaucoup de jeunes actifs de la Grande Région et d’ailleurs ainsi que les cadres dirigeants étrangers.

A ce jour, environ 200.000 frontaliers exercent une activité professionnelle au Luxembourg (plus de 105.000 résidents français, environ 47.000 résidents belges et 47.000 résidents allemands) et la tendance est clairement à la hausse pour les années à venir. D’ici 2035, le Luxembourg devrait avoir créé entre 110.000 et 178.000 nouveaux emplois, dont 56.000 devraient être comblés par la hausse attendue de sa population active résidente, toujours selon les prévisions du STATEC. Selon l’agence Eurostat, la population luxembourgeoise (hors population transfrontalière) devrait dépasser le million d’ici à l’horizon 2061 ou 2062, soit un bond de plus de 66 % par rapport au niveau d’aujourd’hui.

Dans ce contexte de forte croissance de l’économie et du marché de travail, le pays peine parfois à suivre dans certains secteurs (notamment en matière de logements), aussi il est intéressant de faire un tour d’horizon sur les enjeux et la situation du pays à l’heure où les retombées positives d’un potentiel Brexit se font déjà sentir au Luxembourg.

Brexit, LuxIn ?

Selon une analyse publiée plus tôt cette année par le groupe de réflexion New Financial, 275 entreprises du Royaume- Uni ont déjà déménagé ou sont en train de transférer une partie de leurs activités et employés du Royaume-Uni vers l’UE, ceci en préparation du Brexit. Parmi ces 275 entreprises, 250 ont même déjà défini des « hubs post-Brexit » spécifiques pour leurs activités dans l’UE.

La compétition des capitales financières européennes pour accueillir les entreprises britanniques est forte, chacune jouant de ses atouts pour attirer les capitaux et les salariés britanniques. Le Luxembourg semble se faire une place de choix dans l’esprit des décideurs britanniques quant à la relocalisation de leurs activités sur le continent. Selon les dernières études, le Luxembourg se positionne à la 3e place parmi les places financières européennes ayant le plus bénéficié du mouvement de relocalisation.

Le secteur de l’assurance semble être celui qui profite le plus de cette situation. Sur les six premiers mois de l’exercice 2019, l’encaissement global enregistre une croissance de 69,55 %. Les primes sont en augmentation de 39,39 % en assurance vie et de 210,97 % dans les branches de l’assurance non-vie. Cette croissance est surtout gonflée par les transferts de sociétés dans le contexte du Brexit.

L’importance de préparer les salariés

La bonne préparation et gestion des employés est la clef de la réussite de la relocalisation des entreprises.

Dans un nouveau cadre réglementaire, fiscal, légal et social, les employés devront en effet s’assurer de la continuité de l’activité de l’entreprise et de son développement.

Il est donc essentiel de bien les accompagner ainsi que leur famille sur les aspects découlant de l’arrivée au Luxembourg (notamment en matière de fiscalité, sécurité sociale, droit du travail, immigration). L’assistance fiscale, l’accompagnement du conjoint, les cours de langue, l’aide à la recherche du logement, d’écoles adaptées, sans être exhaustif, sont des éléments cruciaux pour que le défi soit relevé.

Un environnement fiscal stable et favorable

La récente réforme fiscale a surtout eu pour objectif de diminuer la charge fiscale des ménages et d’augmenter la compétitivité des entreprises.

En effet, le Luxembourg et sa compétitivité fiscale sont continuellement mis en concurrence avec d’autres Etats, dans l’Union européenne et d’ailleurs. Des réformes sont nécessaires pour que le Luxembourg puisse conserver son statut de lieu d’investissement privilégié pour les sociétés et qu’il puisse répondre aux pressions des pays concurrents voisins (notamment France, Suisse, Allemagne et Royaume-Uni) et plus globalement de la communauté internationale.

Au niveau des ménages, malgré un taux d’impôt sur le revenu marginal s’élevant à 45,78 % (y inclus la cotisation pour le Fonds pour l’emploi), le Luxembourg reste compétitif par rapport à ses pays voisins. Le système de retenue actuel permet déjà de se rapprocher d’une imposition pour la plupart des contribuables (cf. tableau comparatif).

Du fait de sa position géographique centrale et de son dynamisme, les contribuables se retrouvent souvent dans un contexte de fiscalité transfrontalière et internationale, à laquelle ils doivent être sensibilisés. En effet, des accords ont été signés entre le Luxembourg et les pays voisins, et ont un impact direct sur leur fiscalité personnelle et la législation sociale applicable. Les salariés ainsi que les employeurs doivent donc être vigilants à ces aspects, notamment dans le cadre du télétravail, des missions à l’étranger (comme c’est souvent le cas pour les sociétés implantées au Luxembourg).

Les enjeux de la sécurité sociale

La fiscalité reste souvent le premier argument mis en avant lorsque l’on parle de transfert de salariés.

La sécurité sociale est négligée, à tort ! Le Luxembourg est l’un des pays européens les plus généreux en matière de prestations avec un faible niveau de cotisations. Dans le chef du salarié, les prélèvements sociaux s’élèvent à 11,05 %, dont 8 % sont dédiés à la pension légale(1). L’employeur et l’Etat luxembourgeois viennent compléter ces contributions d’assurance pension à hauteur de 8 % chacun.

Dans le cas où la personne remplit les conditions d’obtention à la retraite légale, le taux de remplacement peut atteindre plus de 95 % pour les salariés ayant cotisé au salaire social minimum pendant toute leur carrière. Rares sont les pays en Europe qui offrent un tel niveau de retraite.

A noter toutefois que le salarié doit avoir cotisé au moins 120 mois (les fameux 10 ans) dans les pays de l’Union européenne ou dans les pays conventionnés, et au moins 12 mois au régime luxembourgeois pour pouvoir bénéficier de la retraite selon les règles luxembourgeoises.

Enfin, rappelons que la retraite de base peut être complétée par la mise en place de plan de pension complémentaire au niveau de l’entreprise (2e pilier) qui a récemment été réformée pour s’adresser notamment aux indépendants et administrateurs délégués.

Sur le volet prestations sociales et familiales, nous pouvons aussi évoquer le remboursement des actes médicaux (jusqu’à 80 % de nomenclature sociale), les bourses d’études pour les enfants dans l’enseignement supérieur, les allocations familiales (cf. tableau comparatif) ou les compensations salariales pour le congé maternité.

A venir…

Il est important de noter la réelle volonté du pays d’attirer des talents et salariés qualifiés, ceci dans un environnement très compétitif.

En effet, à l’instar de nombreux autres pays européens, le Luxembourg a introduit un régime fiscal spécifique applicable aux salariés impatriés. Sous certaines conditions et pour une durée définie, certains éléments de la rémunération peuvent ainsi être exonérés d’impôt sur le revenu.

Cette mesure peut se révéler très intéressante pour une entreprise venant s’installer au Luxembourg, car elle vient réduire les coûts fiscaux liés au transfert souvent pris en charge par l’employeur (déménagement, logement, frais de scolarité des enfants...). Le gouvernement a d’ailleurs fait part de sa volonté de rendre ce régime encore plus compétitif.

Par ailleurs, le gouvernement a également partagé sa volonté de vouloir réformer les plans de stock-options, ce qui peut offrir de nouvelles perspectives aux employeurs qui pourront ainsi fidéliser leurs employés-clés et les intéresser à la performance de l’entreprise.

Conclusion

En conclusion, une stabilité fiscale et réglementaire, un coût du travail compétitif, un système social généreux et équilibré..., autant d’ingrédients qui permettent au Luxembourg d’attirer les talents et les entreprises soutenant sa croissance économique, et son attractivité notamment dans le contexte de possible Brexit.

Le cycle vertueux est ainsi bouclé, mais la poursuite du développement économique fera face à certains défis (notamment la problématique des infrastructures transfrontalières et le développement de l’offre immobilière) auxquels le Luxembourg devra répondre afin de continuer à rayonner au coeur du marché européen et à l’international.

Séverine Moca, Managing Director, PwC Luxembourg
Séverine Moca, Managing Director, PwC Luxembourg

(1) Les prélèvements de sécurité sociale sont plafonnés au Luxembourg. Le plafond est fixé à 125.385 EUR pour l’année 2019 ; tout euro supplémentaire gagné par le salarié est ainsi exonéré de prélèvements sociaux (hors contribution dépendance).

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Coût employeur 56.860 EUR 70.904 EUR 59.913 EUR 62.841 EUR 55.647 EUR
Rémunération brute 50.000 EUR 50.000 EUR 50.000 EUR 50.000 EUR 50.000 EUR
Impôt sur le revenu - 6.589 EUR - 1.879 EUR - 5.212 EUR 0 EUR - 9.347 EUR - 5.071 EUR - 13.332 EUR - 7.313 EUR - 7.260 EUR - 7.260 EUR
Contributions sociales - 6.138 EUR - 6.138 EUR - 11.166 EUR - 11.166 EUR - 10.038 EUR - 9.913 EUR - 6.502 EUR - 6.502 EUR - 4.866 EUR - 4.866 EUR
Rémunération nette 37.273 EUR 41.983 EUR 33.622 EUR 38.834 EUR 30.615 EUR 35.016 EUR 30.166 EUR 36.185 EUR 37.874 EUR 37.874 EUR
Allocations familiales 0 EUR 6.360 EUR 0 EUR 1.578 EUR 0 EUR 4.896 EUR 0 EUR 3.277 EUR 0 EUR 1.968 EUR
Total net 37.273 EUR 48.343 EUR 33.622 EUR 40.412 EUR 30.615 EUR 39.912 EUR 30.166 EUR 39.462 EUR 37.874 EUR 39.842 EUR