Le 20 novembre dernier, l’Observatoire Interrégional du marché de l’Emploi (OIE) a organisé dans les locaux du Luxembourg Institute of Socio Economic Research (LISER) à Esch/Belval une conférence- débat consacrée à la situation des travailleurs âgés sur le marché du travail dans la Grande Région. Petit coup de projecteur sur les principaux enseignements retirés des discussions. 

L’année 2012 avait été proclamée « Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle ». Il y a donc 5 ans d’ici, ce thème a été placé sous les feux de l’actualité européenne et a fait l’objet de nombreux colloques.

Selon un rapport(1) produit à l’époque par les autorités de l’Union européenne, l’Année thématique 2012 a contribué à transmettre une image plus positive du vieillissement de la population en soulignant le potentiel des personnes âgées et en promouvant leur participation active dans la société et l'économie. Elle serait aussi parvenue à mobiliser de nombreux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, et bon nombre d'États membres et d'organisations de la société civile ont utilisé l'Année européenne pour lancer de nouvelles initiatives ou approfondir des initiatives existantes.

Toutefois, ajoutait le rapport, les activités inspirées par l’Année européenne 2012, « doivent être considérées uniquement comme un premier pas dans la bonne direction ». Il apparaissait donc important de maintenir la dynamique qui s’était établie alors.

Une priorité des politiques européennes

Depuis 2012, l’Union européenne, au regard de la problématique des travailleurs âgés, a adopté plusieurs outils dont certains sont toujours en cours d'élaboration. On pense bien entendu ici aux lignes directrices relatives au vieillissement actif, surtout.

Les dirigeants des États membres ont d’ailleurs été invités à tirer le meilleur parti de ces outils. L'Union européenne s’est engagée à continuer à les soutenir au moyen d'une orientation politique, notamment dans le contexte du semestre européen, au cours duquel des recommandations sur des carrières plus longues ont été transmises à la plupart des États membres.

Le vieillissement actif ne se limite pas au bilan de l’année 2012 et à ses suites. Il est également un important domaine de l'investissement social, comme le souligne d’ailleurs la communication de la Commission Investir dans le domaine social en faveur de la croissance et de la cohésion(2). Le vieillissement actif et en bonne santé a constitué par conséquent l'une des priorités d'investissement du Fonds social européen pour la période de programmation 2014-2020.

Maintenir à l’emploi les travailleurs âgés est une préoccupation qui est de plus en plus présente dans les politiques européennes. Pour y parvenir, il est important de considérer cette problématique de façon multiple et d’engager des actions à plusieurs niveaux : dans les politiques européennes, dans les politiques nationales, au sein des entreprises et bien sûr avec les travailleurs eux-mêmes.

Les entreprises et les travailleurs ne sont probablement pas toujours conscients de la marge de manoeuvre dont ils disposent pour relever le défi. Les stéréotypes demeurent certainement également persistants. Comment peut-on mener, au niveau de l’entreprise, une politique permettant aux travailleurs âgés de rester actifs sur le marché du travail et cela dans les meilleures conditions ? Voilà une bien vaste question…

Que signifie « âgé » ?

Il est intéressant de constater que différents vocables sont utilisés pour désigner les travailleurs dits âgés. Lors du colloque du 20 novembre, Aline Muller, directrice générale du LISER, a fait remarquer cette chose importante. On peut parler successivement en effet de « travailleurs expérimentés », de « seniors actifs » ou de « travailleurs âgés ». Le choix de l’expression n’est sans doute pas innocent en fonction du type d’acteur qui emploie telle ou telle tournure de langage. Une entreprise désireuse de valoriser ses ressources humaines et de maintenir son personnel parlera davantage de ses travailleurs « expérimentés » plutôt que de « travailleurs âgés ». Ces derniers mots seront certainement plus usités dans une firme désireuse de se défaire de son personnel.

Cette remarque entraîne aussitôt une question dont la réponse est moins évidente qu’il n’y paraît. Quand un travailleur est-il considéré comme « âgé » ? Là aussi, les réponses varient. La problématique utilise différentes classes d’âge selon les cas. Globalement, les recherches et les études qualifient comme travailleurs âgés des personnes ayant, au sens le plus large, entre 55 et 65 ans. Certains travaux situent même le début à 45 ans ! On peut d’ailleurs remarquer qu’à l’intérieur de cet intervalle, des réductions de celui-ci se font au cas par cas, selon les pays, en fonction de l’âge d’accès à la pension de retraite.

Il n’existe aucune uniformisation de la définition du travailleur dit âgé, pas plus qu’il n’existe d’harmonisation de l’âge d’accès à la pension de retraite au sein des 28 Etats membres de l’Union européenne. Chacun de ceux-ci use des politiques qui lui sont propres pour répondre à la problématique et à ses défis.

Les politiques relatives au vieillissement actif connaissent des alternances dans les choix. Ces derniers sont tributaires de conjonctures économiques, mais aussi politiques. L’incitation à rester actif peut se faire à la hausse comme à la baisse, avec des mécanismes d’incitation ou de répression selon les cas. Prenons simplement l’histoire du Luxembourg où certains régimes de préretraite ont été créés afin de faire face aux crises des années 1970 et 1980.

Droit luxembourgeois et préretraite

Le droit du travail luxembourgeois fait état de trois formes de préretraite :

  • la préretraite progressive est applicable aux salariés du secteur privé âgés de 57 ans accomplis et occupés à temps plein dans une entreprise. Celle-ci accepte de transformer l’emploi à temps plein en emploi à temps partiel ainsi que de verser une indemnité de préretraite ;
  • la préretraite-ajustement est applicable aux salariés du secteur privé âgés de 57 ans accomplis. L’employeur peut solliciter l’admission de son personnel à la préretraite-ajustement en cas de fermeture de l’entreprise ou pour éviter des licenciements suite à la suppression d’emplois résultant de la restructuration de l’entreprise ou de la transformation d’emplois consécutive à des mutations technologiques ;
  • la préretraite des travailleurs postés et des travailleurs de nuit est accessible à tous les salariés des secteurs privé et public, âgés de 57 ans accomplis et justifiant de 20 années de travail posté dans le cadre d’une organisation de travail fonctionnant par équipes successives ou bien de 20 années de travail prestées en poste fixe de nuit.

La dernière réflexion concerne un véritable changement de paradigme que les sociétés développées sont en train de vivre. Il s’agit ni plus ni moins que de l’adaptation du travail aux réalités de la digitalisation et de l’économie numérique. Cette mutation qui devrait entraîner la disparition de plusieurs emplois classiques constitue un réel défi pour les travailleurs dits âgés en ce sens que ceux-ci vont devoir se former aux mutations du travail qui vont en résulter. Une formation permanente sera nécessaire. Un système éducatif adapté devra être mis en place. De fameux défis en perspective !

Franz Clément, Docteur en Sociologie, Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)
Franz Clément, Docteur en Sociologie, Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)

(1) Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle 2012 - Rapport d'évaluation.

(2) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions, Investir dans le domaine social en faveur de la croissance et de la cohésion, notamment par l’intermédiaire du Fonds social européen, au cours de la période 2014-2020, COM/2013/083.