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Au Luxembourg, chacun connaît la contribution dépendance. Celle-ci s’applique aux salaires, mais aussi aux autres revenus comme, par exemple, les pensions légales ou complémentaires financées dans le cadre d’un plan de pension d’entreprise. Fixée actuellement au taux de 1,40 %, cette cotisation sociale sert au financement de prestations en cas de dépendance, branche relevant de l’assurance maladie. Mais de tels prélèvements parafiscaux existent aussi dans d’autres pays comme, par exemple, la retenue d’assurance maladie de 3,55 % en Belgique ou la CSG française.

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Même si par les temps qui courent les Etats font preuve d’une extraordinaire créativité, ils ne disposent cependant pas pour autant de toute latitude pour imaginer de nouvelles sources de financement. Dans le cadre d’une situation transfrontalière, ces prélèvements parafiscaux doivent en effet respecter certains principes définis au niveau européen. La Cour de justice de l’Union européenne vient encore de le rappeler à la France dans un arrêt du 26 février dernier.

La pension complémentaire d’origine luxembourgeoise d’un résident français sera toujours imposée d’une manière ou d’une autre. Si la prestation est versée sous forme de capital, ses modalités d’imposition varieront selon qu’il y aura eu ou non imposition de son financement au Luxembourg.

Si des conventions fiscales sont conclues entre Etats pour prévenir les doubles impositions, de telles conventions ne s’appliquent pas aux prélèvements parafiscaux qui sont plutôt à assimiler à des cotisations de sécurité sociale. En ce domaine, il s’agit alors de se référer aux règles européennes en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale (actuellement, le règlement 883/2004). Vis-à-vis d’un pensionné, deux principes sont à retenir :


  • sur un revenu de pension, un Etat ne peut prélever de cotisations destinées à financer son régime d’assurance maladie qu’à la condition que ce pensionné puisse prétendre au remboursement des soins de santé à charge de cet Etat. Et si c’est le cas, il est autorisé, depuis 2010, à appliquer ces cotisations sur toutes les pensions sans exception : pensions légales et complémentaires, d’origine nationale aussi bien qu’étrangère;
  • pour le reste, en dehors du domaine spécifique de l’assurance maladie, c’est la législation de l’Etat de résidence du pensionné qui est applicable.
    Mais comment déterminer le régime d’assurance maladie dont relève un pensionné? C’est à nouveau ce règlement européen qui apporte la solution:1°) le retraité perçoit plusieurs pensions légales en provenance de deux ou plusieurs États, dont l’un est son État de résidence: dans ce cas, il sera considéré comme étant à charge de l’assurance maladie de son pays de résidence. Ainsi, si un résident belge perçoit une pension de retraite légale, tant belge que luxembourgeoise, il relèvera automatiquement de l’assurance maladie belge. Et de ce fait, la Belgique pourra lui appliquer sa cotisation de 3,55 % et ce, sur l’ensemble de ses pensions légales et complémentaires. En contrepartie, ce retraité ne sera évidemment pas redevable de la contribution dépendance luxembourgeoise dans la mesure où il ne peut être soumis qu’à une seule législation;2°) si ce retraité perçoit une pension légale, mais qui n’est pas à charge de son Etat de résidence, le remboursement de ses soins de santé sera pris en charge, dans cette hypothèse, par l’Etat débiteur de sa pension et non par son Etat de résidence. Un résident français a effectué toute sa carrière professionnelle au Grand-Duché : il n’aura droit qu’à une pension de vieillesse luxembourgeoise et sera soumis à la contribution dépendance sur sa pension tant légale que complémentaire.
Les pensions tant légales qu’extra-légales, d’origine étrangère, subissent dès à présent cette cotisation de solidarité à partir du moment où ce pensionné réside en Belgique, qu’il y bénéficie également d'une pension à charge d'un organisme belge et qu'il n'est pas soumis à la sécurité sociale d'un autre Etat de l'Union, d'un Etat de l'Espace économique européen ou de la Suisse

La cotisation de solidarité belge

Outre cette retenue de 3,55 % sur les pensions, la Belgique a aussi conçu, en 1994, une cotisation de solidarité. Celle-ci varie théoriquement entre 0 et 2 %, mais vu les plafonds en vigueur, c’est le taux de 2 % qui s’appliquera le plus souvent. Ce type de cotisation n’a cependant aucunement pour objet d’assurer la couverture de prestations de maladie. Son but était, à l’époque, de contribuer au redressement des finances de la sécurité sociale et d’assurer une certaine solidarité entre pensionnés. A l’origine, elle n’était pas prélevée sur les pensions étrangères : celles-ci étaient simplement prises en compte pour calculer la retenue à appliquer sur les pensions belges. Mais, en 2013, sous prétexte d’adapter sa retenue d’assurance maladie aux règles européennes, le législateur belge en profita pour étendre l’application de cette cotisation de solidarité à toutes les pensions, y compris celles constituées à l’étranger. Dès lors, les pensions tant légales qu’extra-légales, d’origine étrangère, subissent dès à présent cette cotisation de solidarité à partir du moment où ce pensionné réside en Belgique, qu’il y bénéficie également d'une pension à charge d'un organisme belge et qu'il n'est pas soumis à la sécurité sociale d'un autre Etat de l'Union, d'un Etat de l'Espace économique européen ou de la Suisse. Ainsi, ce résident belge verra l’ensemble de ses pensions ponctionnées aujourd’hui, globalement à hauteur de 5,55 %, indépendamment d’une imposition éventuelle à l’impôt des personnes physiques.

Rappel à l’ordre de la France

En France, ces prélèvements parafiscaux sont encore plus conséquents: appliqués à une pension complémentaire, ils varient aujourd’hui entre 8,40 % et 15,50 % selon la nature du revenu considéré. A l’origine, sur les revenus d’activité et les revenus de remplacement (tels que les pensions de retraite, par exemple), la France appliquait notamment la Contribution Sociale Généralisée (CSG) dès qu’une personne physique était fiscalement domiciliée en France. Ce prélèvement était qualifié d’impôt. En 2000, dans deux arrêts, la Cour de justice a condamné cette pratique: ce type de prélèvement est à ranger parmi les cotisations sociales dans la mesure où celles-ci participent au financement de la sécurité sociale. Ainsi, par exemple, un résident français travaillant au Luxembourg, ne peut pas y être soumis puisqu’il n’est assujetti, dans ce cas de figure, qu’au seul régime de sécurité sociale luxembourgeois. La France fut dès lors condamnée à modifier sa réglementation sur ce point. Par conséquent, aujourd’hui, pour que de tels revenus soient soumis à ces prélèvements sociaux, deux conditions cumulatives doivent être remplies: être fiscalement domicilié en France et être à charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie. Cependant, la France applique aussi de tels prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (comme, par exemple, les revenus mobiliers). Or, dans ce domaine, le seul critère applicable se résumait jusqu’à présent à la seule domiciliation fiscale. Interrogée sur cette différence de traitement, la Cour de justice vient de confirmer sa position antérieure par un arrêt de ce 26 février 2015: dès lors qu’il s’agit de cotisations finançant la sécurité sociale, celles-ci ne peuvent être prélevées sur ces revenus du patrimoine qu’à la condition que la personne concernée soit elle-même assujettie à un régime de sécurité sociale français.

Quelles conséquences en matière de pensions complémentaires?

Pierre Doyen - Conseiller juridique
Pierre Doyen - Conseiller juridique - ESOFAC Luxembourg S.A.

Si nombre de conventions fiscales ont été revues afin d’éviter une double imposition après l’introduction par le Luxembourg de son système particulier de taxation à l’entrée en matière de plans de pension, ce n’est toujours pas le cas de la convention francoluxembourgeoise. Dès lors, la pension complémentaire d’origine luxembourgeoise d’un résident français sera toujours imposée d’une manière ou d’une autre. Si la prestation est versée sous forme de capital, ses modalités d’imposition varieront selon qu’il y aura eu ou non imposition de son financement au Luxembourg. Ce qui donnera aussi lieu à des prélèvements parafiscaux différents, variant entre 8,40 % et 15,50 % du revenu considéré. Mais désor-mais, ils ne pourront plus être appliqués qu’à la condition, pour le bénéficiaire du revenu, de relever du régime français d’assu-rance maladie. A l’analyse, cette matière paraît sans doute assez complexe et pour le moins rebutante. Pourtant, vu son impact financier, il serait certainement indiqué de s’en préoccuper…