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La maladie du salarié est toujours un sujet épineux dans le quotidien des employeurs. Les récentes évolutions de la jurisprudence ne simplifient de surcroît pas la gestion des cas de maladie et contraignent les employeurs à une certaine prudence.

Un suivi de l’interprétation faite par les juges des règles applicables au fil des décisions est dès lors indispensable pour prévenir autant que possible toute condamnation en justice. Qu’il s’agisse des obligations d’information du salarié, de la protection contre le licenciement ou encore de l’ampleur des absences répétées du fait de la maladie comme motif de licenciement, aucun aspect n’a récemment été exempté par de nouvelles clarifications.

Obligations d’information du salarié

L’article L.121-6 du Code du travail prévoit, de manière claire, que le salarié devra (i) prévenir son employeur en personne ou par un tiers de son incapacité de travail le 1er jour de sa maladie et (ii) soumettre à l’employeur, le 3e jour au plus tard, un certificat médical attestant de l’incapacité de travail et de la durée prévisible de celle-ci. Si le salarié satisfait à cette double obligation, il sera considéré non seulement comme étant en absence justifiée, mais bénéficiera également d’une protection contre tout licenciement.

Une formulation malencontreuse d’un arrêt de la Cour d’appel du 20 juin 2013 – qui a été largement médiatisée – a, pour certains, remis en cause cette règle. Les juges avaient en effet précisé que « le salarié n’étant pas obligé de produire un certificat de maladie dès le 1er jour, il est lui-même juge de son état de santé du 1er jour. Il suffit (…) qu’il informe son employeur ou le représentant de celui-ci que son absence s’explique par son état de santé déficient et il n’a pas besoin de faire confirmer cet état de santé déficient du 1er jour par un médecin ».

D’aucuns y ont vu un revirement en estimant que désormais le salarié n’avait plus l’obligation de produire un certificat médical s’il était uniquement malade un jour. Or, il n’en est rien. En effet, l’arrêt de la Cour d’appel est seulement venu rappeler, conformément à l’article L.121-6, que le salarié n’était tenu de produire un certificat médical que le 3e jour (et non pas le 1er jour). La dernière partie de ce passage de l’arrêt est donc à lire de la manière suivante : « il n’a pas besoin de faire confirmer cet état de santé déficient dès le 1er jour par un médecin », alors que la loi lui permet de ne remettre le certificat que le 3e jour au plus tard.

De la sorte, cet arrêt n’a absolument pas remis en cause les règles existantes et le salarié reste tenu à la double obligation précitée et ceci même pour des absences pour maladie d’un jour seulement, à moins que le contrat du travail du salarié ou un usage d’entreprise ne l’en dispense.

Prolongation de la maladie: droit du salarié de prévenir l’employeur « jusqu’à minuit»

Un arrêt de la Cour d’appel du 12 mars 2015 a apporté quelques restrictions à la possibilité de licencier un salarié en cas de prolongation de sa maladie. Dans cette affaire, le salarié était en maladie jusqu’au mercredi 29 février 2012. L’employeur a procédé au licenciement du salarié le jeudi 1er mars 2012, notamment pour absence justifiée de ce jour, avant que le salarié ne l’informe d’une éventuelle prolongation de la maladie, étant précisé que le contrat du travail prévoyait que le salarié devait informer l’employeur de sa maladie avant 9 heures.

Les juges ont déclaré cette obligation d’information avant 9 heures comme étant nulle, car elle restreint les droits du salarié par rapport à ceux prévus par le Code du travail. En effet, aux termes de l’article L.121-6 précité, le salarié doit informer l’employeur le « jour de l’empêchement ». De cette formulation, la Cour en a déduit que « le salarié malade est autorisé par la loi à informer son employeur de son incapacité de travail le 1er jour jusqu’à minuit ».

L’employeur, en licenciant dès le 1er jour de la prolongation, pour absence injustifiée, a agi « de manière prématurée et intempestive », de telle sorte que la Cour a déclaré le licenciement comme étant abusif. Dans cette affaire, la Cour n’a même pas analysé si les autres motifs invoqués par l’employeur pour licencier son salarié sans préavis étaient réels et sérieux. La Cour a ainsi en quelque sorte étendu la protection au 1er jour ouvrable non couvert par certificat médical.

Rupture de la période d’essai en cas de maladie du salarié

Pendant la période d’essai, la protection contre le licenciement en cas de maladie est également applicable, ce qui rend les règles pour rompre la période d’essai, alors que le salarié est malade, relativement complexes.

En effet, trois règles doivent être respectées. En premier lieu, lorsque la prestation de travail est suspendue en raison de la maladie, la période d’essai est également suspendue et, de ce fait, prolongée de la durée de la maladie et au maximum d'un mois.
Aux termes de l’article L.121-6 précité, le salarié doit informer l’employeur le «jour de l’empêchement». De cette formulation, la Cour en a déduit que «le salarié malade est autorisé par la loi à informer son employeur de son incapacité de travail le 1er jour jusqu’à minuit»

Ensuite, l’employeur a le droit de licencier son salarié en période de maladie au dernier moment pour éviter que la période d’essai ne se transforme en contrat à durée indéterminée. Enfin, le délai de préavis doit se situer dans la période d’essai et le dernier jour du préavis doit coïncider avec le dernier jour de la période d’essai.

Deux arrêts du mois d’avril dernier sont venus apporter des précisions quant au calcul du délai de préavis en cas de licenciement en cours de période d’essai d’un salarié en maladie au moment où la période d’essai risquait, à son échéance, de se transformer en contrat à durée indéterminée. Dans un arrêt du 2 avril 2015, la Cour a décidé que la période de préavis exprimée en mois ne se calcule pas de quantième à quantième, mais se décompte de manière calendaire. Ainsi, le contrat de travail signé le 6 juin, prévoyant une période d’essai de 6 mois, prenait fin le 5 décembre (et non le 6 décembre). Suite à un congé de maladie du salarié, la période d’essai a été prolongée d’un mois, soit jusqu’au 5 janvier.

Quant à la question du calcul du délai de préavis, la Cour a précisé que « le délai de préavis est un délai qui doit être calculé rétroactivement, c’est-à-dire en remontant dans le temps à partir d’une date déterminée, à savoir le jour de l’expiration du contrat ». Par application de ce mode de calcul, la résiliation avec préavis aurait dû intervenir le 13 décembre (5 décembre [jour de l’expiration du préavis convenu] + prolongation [= 5 janvier] – 24 jours). La Cour a pris en compte, dans le calcul du délai de préavis, le jour d’envoi de la lettre de licenciement, suivant le principe « la forme, la procédure et les conséquences de la résiliation sont appréciées à la date du licenciement, c’est-à-dire à la date à laquelle l’employeur a remis à la poste la lettre recommandée notifiant la résiliation».

Dans un arrêt du 30 avril 2015, la Cour a rappelé le principe du calcul à rebours du délai de préavis et le principe du point de départ du délai de préavis le jour de la notification du licenciement. La Cour décide par ailleurs qu’un licenciement doit intervenir un samedi si par application du calcul à rebours l’on tombe sur un samedi. En l’espèce, le contrat de travail prévoyait une période d’essai de 6 mois, courant du 1er janvier au 30 juin, et un délai de préavis de 1 mois. Le salarié ayant été en congé de maladie à deux reprises (du 11 au 22 janvier et du 12 au 15 juin), la période d’essai a été prolongée de 16 jours et expirait donc le 16 juillet. Le salarié disposait d’un certificat de maladie du 12 au 15 juin inclus. Par application du mode de calcul à rebours, la résiliation avec préavis aurait dû intervenir le samedi 16 juin. La Cour a déclaré que «le licenciement peut être effectué un samedi, peu importe qu’il s’agisse d’un jour ouvrable ou non. Aucun obstacle insurmontable à la notification le samedi 16 juin 2012 n’a existé, l’envoi de la résiliation pouvait se faire, même en cas de fermeture de l’entreprise de l’employeur […] ».

Licenciement du salarié en cas d’absences répétées pour maladie

M. Gabrielle Eynard - Senior Associate Alen & Overy
Me. Gabrielle Eynard - Senior Associate Allen & Overy


La maladie en tant que telle n’est jamais un motif de licenciement. Dans un arrêt du 7 mai 2015, la Cour a toutefois rappelé le principe selon lequel «l’engagement d’un salarié auprès d’un employeur s’explique par la nécessité de sa présence au poste de travail et de l’exécution régulière des tâches lui incombant, et que la présence du salarié au travail constitue une obligation de résultat ». Ainsi, la Cour reconnaît que « des absences pour cause de maladie qui ne se rangent plus parmi les risques normaux de toute entreprise du fait de leur fréquence excessive ou de leur durée inhabituelle constituent une cause sérieuse de rupture du contrat de travail ». Dans cet arrêt, la Cour a rappelé qu’à compter d’un certain taux d’absentéisme sur une période donnée, l’employeur n’était plus tenu de prouver la désorganisation de son entreprise du fait des absences répétées pour maladie, alors que celle-ci est dans ce cas présumée. En l’espèce, le taux d’absentéisme s’élevait à 52,6 % sur une période de 11 mois.

Maurice Macchin - Associate Allen & Overy
Me. Maurice Macchi - Associate Allen & Overy


Dans un autre arrêt du 7 mai 2015, la Cour a validé le licenciement d’un salarié qui avait été, l’année précédente, absent à 7 reprises pour des durées plus ou moins courtes, et l’année suivante, année de son licenciement, absent pendant 33 jours cou-verts par 4 certificats médicaux, sur une période de seulement un mois et demi. Il est bien évidemment entendu qu’un tel licenciement ne peut être notifié que si le salarié n’est plus protégé contre le licenciement. Enfin, dans un arrêt du 18 mai 2015, la Cour a clairement précisé que des absences répétées et de longue durée qui résultent d’un accident du travail ne peuvent pas justifier un licenciement.