L’Europe, qui a largement contribué au dynamisme des marchés d’assurance au cours de ces 25 dernières années, fait régulièrement l’objet de critiques. Pourtant, les consommateurs comme les assureurs y ont trouvé, les uns davantage de protection et de liberté de choix, les autres la possibilité d’un accès sans entrave au marché européen, des activités et des chiffres d’affaires à la hausse. Placée au cœur des enjeux économiques européens par le Parlement européen (Solvabilité II), l’assurance se doit, pour relever le défi économique, de miser sur l’innovation.

L’apport de l’Europe au fonctionnement optimal des marchés d’assurance peut se résumer aux six contributions suivantes : la liberté d’établissement, la libre prestation de services, la liberté de mouvements des capitaux, la création de l’euro, l’harmonisation comptable et prudentielle, et la négociation d’accords internationaux avantageux. La liberté d’établissement restant extrêmement lourde et coûteuse à mettre en œuvre, l’Europe a décidé de changer de méthode et de se tourner vers la liberté de prestation de services.

En 2014, 7.617 entreprises en Europe ont choisi ce canal de vente de produits. L'UE autorise tous les assureurs agréés dans un pays européen à couvrir directement les risques (non-vie) situés dans un autre pays et la souscription de contrats d’assurancevie européens sans avoir à s’établir dans ce pays. Mais voilà, ce canal de vente ne représente que 3,5 % des primes d’assurance vie et 2,1 % des primes d’assurance non-vie, poussant l’Europe à s’interroger à nouveau. Elle comprend que dans le cadre du marché unique la liberté la plus fondamentale pour les entreprises est celle d’entreprendre. Une liberté jusque-là difficile à exercer en raison de l’existence de nombreux contrôles des mouvements des capitaux. Le traité de Maastricht fait donc de la libre circulation des capitaux une liberté protégée.

Complément indispensable à la liberté d’acquérir des sociétés ou de créer des filiales dans les autres pays européens, l’Europe, dans la foulée, élabore les directives groupes et conglomérats financiers (2002) dont l’objectif est d’éliminer le double gearing ou double comptage des capitaux propres dans l’appréciation de la solvabilité des entreprises d’assurance.
Ce qui a ouvert la voie à la constitution de véritables groupes d’assurance européens (Generali, Allianz) qui ont modifié l’environnement concurrentiel des différents Etats européens. Aujourd’hui, par exemple, 93 % du chiffre d’affaires réalisé en Europe par des entreprises d’assurance françaises et 94 % du chiffre d’affaires réalisé en France par des entreprises européennes le sont au travers de filiales. En 2014, l’assurance française a réalisé 68 % de son chiffre d’affaires sur le marché domestique, 15 % au sein de la zone euro, 17 % en dehors de la zone euro. Autre exemple, la refonte des standards prudentiels européens (Solvabilité II) entrés en vigueur en 2016 et qui font partie des exigences financières et comptables visant à mettre réellement en concurrence les acteurs européens, en toute sécurité et transparence. Pourquoi ? En réponse aux nouvelles tendances observées et qui poussent les entreprises à s’installer hors Europe, de préférence en Asie.
D’autres mesures sont en débat, telles que la création d’un superviseur unique de l’assurance en Europe.

L’apport de l’Europe au fonctionnement optimal des marchés d’assurance peut se résumer aux six contributions suivantes : la liberté d’établissement, la libre prestation de services, la liberté de mouvements des capitaux, la création de l’euro, l’harmonisation comptable et prudentielle, et la négociation d’accords internationaux avantageux.

L’achèvement de la construction de l’Europe de l’assurance ne saurait se passer de la mise en place d’un arbitrage au niveau européen, d’une part, entre l’intégration totale des marchés et la protection des consommateurs et, d’autre part, entre la sécurité des opérations et la compétitivité des entreprises.

Au cœur des enjeux économiques

Avec l’adoption de la directive Solvabilité II, le Parlement européen place l’assurance au cœur des enjeux économiques. Harmoniser et soutenir le marché européen passe par la solvabilité des assureurs, laquelle doit être garantie. Niveau de fonds propres minimal, niveau de capital nécessaire à la continuité d’activités, mise en place d’un dispositif interne de maîtrise de tous les risques auxquels peut être confronté un assureur, communications financières au travers de rapports et de reportings font partie des exigences européennes. Ces travaux de mise en conformité représentent certes de gros efforts pour les assureurs à la fois en termes de coût mais aussi de charge de travail. Mais ils peuvent se révéler être un réel atout pour leurs activités opérationnelles. Et leur permettre de questionner leur système de pilotage. Des études ont montré que de nombreuses entreprises françaises ont adopté une démarche de mise en conformité (capitaux propres) au-dessus des exigences prudentielles de la directive, deux ans avant son introduction, alors même que cette directive fait l’objet de critiques virulentes de la part de la profession et mettent en cause son approche trop prudentielle.

Produits innovants, nouvelles technologiques

Confrontées aux réglementations européennes exigeant plus de qualité et de transparence vis-à-vis des consommateurs ainsi qu’à l’environnement international, les entreprises d’assurance n’ont pas le choix. Innover dans un marché européen relativement saturé fait la différence. Si elles veulent améliorer leurs échanges avec les clients, mais aussi leur rentabilité, elles doivent prévoir d’investir massivement dans les nouvelles technologies de type intelligence artificielle et robots. Certaines s’intéressent actuellement à la technologie de la Blockchain. A l’aide de datamining et d’analyses prédictives, les assureurs cherchent aussi à mieux connaître leurs clients. Ainsi peut-on observer une multitude d’offres autour des objets connectés (auto/habitat/santé) et dont la vente devrait s’accélérer avec l’arrivée de la 5G en Europe.

Une concurrence toujours plus accrue

Les GAFA et les InsurTech continuent de grignoter des parts de marché en proposant des produits innovants et adaptés aux besoins des clients. Conscients des menaces qui planent, certains assureurs ont pris la décision d’investir dans les AssurTech, avec en tête l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, plaçant ainsi l’Europe au 2e rang après les Etats-Unis. Le développement de partenariats entre assureurs traditionnels et start-up permet également de capter plus de sources de revenus.

Toutes ces réformes au long cours n’ont pas seulement pour objectif d’accroître les garanties prudentielles ; elles ont aussi pour ambition de renforcer la compétitivité des entreprises gérées avec prudence, d’améliorer leur capacité de financement auprès des marchés internationaux de capitaux. Si elles veulent survivre, les entreprises européennes de l’assurance n’ont pas d’autres choix que de repenser leurs stratégies, produits et business model.

Martine Borderies

Pour aller plus loin :
Le blog assurance des consultants Wavestone : www.insurancespeaker-wavestone.com.

L’Europe de l’assurance et ses challenges, Denis Kessler, Revue d’Economie financière 2017/1.

L’assurance et les nouvelles technologies : www.blockchaindailynews.com.