Le législateur a pris l’initiative de moderniser l’encadrement juridique des régimes complémentaires de pension, repris dans une loi datée du 8 juin 1999 et entrée en vigueur en l’an 2000. Elle avait pour but d’organiser la constitution des pensions complémentaires d’origine professionnelle (ce que l’on appelle communément le 2e pilier des pensions). Les adaptations proposées il y a plus d’un an déjà, poursuivent principalement un triple objectif, à savoir l’élargissement du champ d’application de la loi aux indépendants et professions libérales, la mise à jour de certaines dispositions du volet social de la loi et, enfin, l’adaptation de son cadre fiscal, suite notamment à l’ouverture de ce 2e pilier aux indépendants.

L’accès du 2e pilier aux indépendants, cela constituait déjà une ancienne promesse faite par les derniers gouvernements. Jusqu’à présent, ces indépendants se voyaient exclus de toute possibilité de se constituer une pension complémentaire dans leur cadre professionnel. La loi réservait cette possibilité aux seuls salariés, via leur employeur. Pour ouvrir ce 2e pilier aux indépendants, la loi s’appuie sur une structure déjà existante : les régimes dûment agréés qui, actuellement, servaient de structures d’accueil pour salariés ayant quitté leur entreprise en cours de carrière.
Ceux-ci avaient la possibilité d’y loger leurs droits acquis jusqu’à leur retraite (sans possibilité cependant d’en poursuivre le financement). Pour l’occasion, ces régimes ont été rebaptisés « régimes complémentaires de pension agréés ». L’adhésion d’un indépendant à ce type de régime résultera d’une démarche purement individuelle, qui s’inscrira en outre dans un encadrement légal particulièrement souple. Ces régimes, qui seront soumis à un agrément préalable de l’autorité de contrôle (l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale), pourront être mis en place par une compagnie d’assurances ou un fonds de pension. Les contributions que l’indépendant y consacrera, bénéficieront en outre d’un avantage fiscal dans son chef.

calculatrice

Adaptations du volet social de la loi

Sans entrer dans tous les détails, quatre domaines en particulier peuvent être mis en exergue :

1) le délai d’acquisition des droits

Les salariés, affiliés à un plan de pension, acquièrent des droits en matière de retraite (sur la partie financée par les allocations patronales) au terme de la période de stage définie par leur règlement de pension, période qui, jusqu’à présent, pouvait être de 10 ans maximum. Désormais, elle ne pourra plus excéder 3 ans de service. 
Cette nouvelle règle découle d’une directive européenne dite « Mobilité ». Ainsi, les salariés engagés à partir du 21 mai 2018 devront bénéficier de droits acquis en matière de retraite au plus tard après 3 ans de service.

Pour les salariés déjà affiliés à un plan de pension à cette date, des dispositions transitoires sont prévues : leurs droits leur seront acquis au terme de la période fixée par leur règlement de pension si cette date est antérieure au 21 mai 2021. Si ce n’est pas le cas, à cette date, ils bénéficieront néanmoins de droits acquis. Cette question des droits acquis est évidemment sans objet dans le chef d’un indépendant : comme ses contributions proviennent directement de ses propres revenus, ses droits lui sont toujours acquis ;

2) l’affectation des droits acquis en cas de départ en cours de carrière

Lorsqu’un salarié quitte son entreprise en cours de carrière, les possibilités d’affectation des droits qu’il a acquis dans le cadre de son plan de pension ont été modifiées sur plusieurs points :

  • en cas de « maintien des droits acquis »
    Ce salarié peut toujours choisir de maintenir ses droits acquis dans le régime de son ancien employeur jusqu’à sa mise à la retraite. Mais, dans certains cas, il ne bénéficie d’aucune couverture en cas de décès : il ne peut percevoir le montant qui lui revient qu’au moment de sa retraite. En cas de décès prématuré, ses ayants droit ne perçoivent aucune prestation. C’est pour cette raison qu’il est dorénavant prévu qu’au moment de son départ de l’entreprise, s’il le souhaite, cet affilié pourra opter, mais à ses frais, pour une couverture Décès à concurrence des réserves acquises (ou pour faire plus simple, à concurrence de l’épargne constituée au moment de son décès) ;
  • le rachat des droits acquis
    Initialement, le texte du projet de loi biffait purement et simplement toute possibilité de rachat des droits acquis. Finalement, cette option est maintenue, mais uniquement dans deux cas de figure :
    1. lorsque des montants « minimes » sont en jeu, c’est-à-dire quand les réserves acquises (donc, l’épargne constituée au moment du départ) ne dépassent pas trois fois le salaire social minimum mensuel (ce qui revient actuellement, à un montant n’excédant pas 5.995,77 EUR) ;
    2. lorsque le travailleur concerné va prester auprès d’un autre employeur ou débute une activité d’indépendant et que, dans le même temps, il ne se trouve plus soumis à l’assurance maladie luxembourgeoise. Ce qui reviendra généralement à partir exercer ses activités professionnelles à l’étranger ;

3) l’investissement des cotisations personnelles

Jusqu’à présent, les cotisations personnelles prélevées sur la rémunération d’un affilié devaient obligatoirement être versées dans un produit à taux garanti. Cette obligation disparaît désormais. Si le règlement de pension le permet, ces cotisations personnelles pourront également être placées dans des fonds d’investissement ;

4) l’information des affiliés

Dorénavant, une information annuelle devra être fournie non seulement aux affiliés actifs, mais aussi à ceux qui ont laissé leurs droits acquis dans le régime de leur ancien employeur (les affiliés « dormants »). Cette fiche de pension devra toujours reprendre la valeur des réserves et prestations acquises ou, en d’autres termes, le montant de l’épargne déjà constituée et de la prestation prévue à la retraite.

Evidemment, dans le cas de régimes à contributions définies sans garantie de rendement (où les contributions sont affectées à des fonds d’investissement), il n’est pas possible de calculer un montant à la retraite puisque la valeur des parts liées à ces fonds va fluctuer au fil du temps. Pourtant, la loi imposera de reprendre une projection, à l’âge de la retraite, de la valeur déjà acquise, et ce sur base d’un taux de rendement, par définition hypothétique. Un procédé particulièrement dangereux car même s’il sera précisé qu’il ne s’agit que d’une simple estimation, une telle information pourrait néanmoins générer de faux espoirs auprès de certains affiliés.

Une fiscalité adaptée

Le cadre fiscal de la loi a aussi dû être revu afin de canaliser l’accès des indépendants au 2e pilier. En fait, le régime fiscal des indépendants a été calqué sur celui des salariés : pour le financement de ses prestations de retraite, l’indépendant bénéficiera d’une déductibilité fiscale de ses cotisations, à concurrence de 20 % de son revenu annuel net. A l’origine, il était aussi prévu que le revenu pris en compte ne puisse pas dépasser 5 fois le salaire social minimum annuel (soit 119.915,40 EUR actuellement). Et plus surprenant encore, ce plafond se retrouvait également appliqué aux salariés, et ce sans aucune disposition transitoire.

Face aux critiques soulevées par cette mesure, le gouvernement a retiré purement et simplement cette mesure. Seule demeure donc la limite des 20 % du revenu annuel net pour un indépendant et de 20 % de la « rémunération annuelle ordinaire » pour un salarié. Et comme pour les allocations patronales des salariés, les cotisations versées par un indépendant à un régime agréé feront aussi l’objet d’une imposition « à l’entrée » au même taux de 20 %. En contrepartie, la prestation sera exonérée de toute imposition au terme… du moins dans le chef des résidents luxembourgeois.

Par contre, les non-résidents indépendants risquent de subir une double imposition. Si, pour les salariés, certaines conventions fiscales (comme celles conclues avec la Belgique ou l’Allemagne, mais pas avec la France, par exemple) ont été adaptées, cela ne concernait pas, par définition, les indépendants…

Toutes ces nouvelles dispositions légales entreront en vigueur le 1er janvier prochain. Même si elles ne sont pas la panacée, elles devraient néanmoins participer au développement du 2e pilier au Luxembourg.

Pierre Doyen, Conseiller juridique, ESOFAC Luxembourg S.A.
Pierre Doyen, Conseiller juridique, ESOFAC Luxembourg S.A.