Fairtrade Lëtzebuerg « Soyez plus responsables dans vos achats »
Il est notoire que l’effet papillon, celui qui fait qu’une infime modification peut engendrer rapidement des effets très importants, même à l’autre bout du monde, touche le plus souvent les populations les plus pauvres. Que l’on parle de café, de coton, de plastique, de pollution… tout achat ou usage a/aura une répercussion sur une filière ou un écosystème. Savoir ce que l’on achète, et à qui, fait partie de la solution, comme nous l’explique Geneviève Krol, directrice de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg.

Le café est le 1er produit labellisé Fairtrade qui a été introduit sur les marchés internationaux et luxembourgeois. Aujourd’hui, la filière est gravement menacée. Pour quelles raisons ?
Le 1er octobre dernier, à l’occasion de la Journée Internationale du Café, l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg a accueilli Jean-Pierre Blanc, expert reconnu de la filière café et acteur historique du café équitable, qui n’a pas caché ses inquiétudes quant à l’avenir des cultures de café et à celui des producteurs, car, derrière les 2,23 milliards de tasses de café consommées chaque jour dans le monde, la filière se montre de plus en plus vulnérable. Les cours du café ont fortement augmenté au cours des deux dernières années, mais la hausse ne profite nullement aux producteurs. Coté en Bourse, le café est la 2e matière première, après le pétrole, à faire l’objet de spéculations massives par des traders et des fonds d’investissement. Sur une heure, son cours peut afficher des variations énormes. Ces fluctuations complètement délirantes rendent impossible toute planification à long terme pour les producteurs, les exposant ainsi à un risque financier permanent. Le dérèglement climatique impacte également le travail des producteurs, notamment dans les deux principaux pays producteurs que sont le Brésil et le Vietnam. Sécheresses, pluies diluviennes et maladies des caféiers réduisent drastiquement les rendements et fragilisent davantage encore les revenus des producteurs. La crainte de voir se raréfier les surfaces actuelles – on parle de 30 à 60 % d’ici 2050 – est bien réelle, ce qui obligerait les exploitants qui travaillent en monoculture, souvent pour les multinationales, à planter plus en altitude, avec la menace de nouvelles déforestations.
Chez Fairtrade, nous travaillons avec de petits producteurs qui privilégient la pluriculture et cultivent 1 ha-1,5 ha de caféiers. Ils sont membres de coopératives qui fixent les prix et assurés d’obtenir au minimum le prix plancher Fairtrade qui couvre leurs frais de production et un revenu juste. Face à toutes ces difficultés, l’avenir des communautés productrices est aussi assombri par le départ de nombreux jeunes vers les villes, à la recherche d’un emploi plus rémunérateur. Mais, s’il n’y a plus de producteurs, il n’y aura plus de café. La filière est vraiment en danger.
Qu’est-ce qui fait la force du système Fairtrade pour les producteurs ?
Tout d’abord, les producteurs ne travaillent pas seuls, ils se regroupent en coopératives. Face aux grands acteurs mondiaux, le collectif leur permet de peser sur les marchés. Comme je l’ai déjà évoqué, le système Fairtrade leur fait bénéficier de prix stables et justes, et d’un accès à des conditions dignes. Aujourd’hui, le commerce équitable, et plus particulièrement dans la filière du café, n’est plus la dernière lubie à la mode, c’est une urgence absolue et, comme l’a souligné Jean-Pierre Blanc, « le modèle Fairtrade, jusqu’à présent, est le seul système économique capable de durer et d’assurer un avenir viable aux producteurs dans le monde ».
« Les entreprises ont un rôle déterminant à jouer aujourd’hui, notamment dans le cadre de leur programme RSE, en refusant de jouer le jeu de certains acteurs qui poussent toujours les prix vers le bas au détriment d’une rémunération juste pour ceux qui constituent le premier maillon de la chaîne de production. »

Au Luxembourg, vous travaillez avec de nombreux partenaires…
Au Luxembourg, l’offre de cafés certifiés Fairtrade est aujourd’hui particulièrement riche, issue de multiples origines. Dix torréfacteurs luxembourgeois collaborent actuellement avec l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg. Certains achètent le café vert et le torréfient localement, chacun selon son propre savoir-faire artisanal. C’est l’occasion pour les responsables d’achat de découvrir ce qu’est un café de bonne qualité, qui répond à des normes sociales, économiques et écologiques, et qui n’est ni brûlé, ni huileux, sans parler des nombreuses dosettes. Et il n’est pas plus cher, comme on l’entend souvent.
Une tasse de café Fairtrade est synonyme d’un geste concret de solidarité, soutenant des familles et renforçant des communautés. Prix justes, coopératives solides, leadership féminin, résilience climatique, conformité aux règlements européens, etc. Tous ces aspects du système contribuent à transformer durablement la filière. En sécurisant les revenus et en donnant aux producteurs les moyens d’agir, de se développer et de bâtir une filière du café plus équitable et résiliente, Fairtrade crée un impact durable.
« En sécurisant les revenus et en donnant aux producteurs les moyens d’agir, de se développer et de bâtir une filière du café plus équitable et résiliente, Fairtrade crée un impact durable. »

Le coton est un autre de vos combats…
Via notre campagne Rethink Your Clothes, nous visons à sensibiliser aux enjeux sociaux et environnementaux de l’industrie textile. Nous appelons les entreprises et les collectivités à privilégier le coton certifié Fairtrade pour tous leurs achats de textiles professionnels, quand cela est possible par rapport aux normes de sécurité, ainsi que pour leurs textiles promotionnels, comme les T-shirts avec logo, qui sont bien souvent achetés en quantité et utilisés une seule fois lors d’un événement. Nous les appelons à être responsables et à donner l’exemple. Il en va de même pour les particuliers qui achètent de nombreux vêtements, faits notamment à partir de coton transgénique, sur les plateformes chinoises.
« Via notre campagne Rethink Your Clothes, nous visons à sensibiliser aux enjeux sociaux et environnementaux de l’industrie textile. Nous appelons les entreprises et les collectivités à privilégier le coton certifié Fairtrade pour tous leurs achats de textiles professionnels et promotionnels. »
Quel message souhaitez-vous adresser aux responsables des achats ?
Je les encourage à accorder une attention particulière aux droits humains et environnementaux lorsqu’ils passent une commande. Les entreprises ont un rôle déterminant à jouer aujourd’hui, notamment dans le cadre de leur programme RSE, en refusant de jouer le jeu de certains acteurs qui poussent toujours les prix vers le bas au détriment d’une rémunération juste pour ceux qui constituent le premier maillon de la chaîne de production. Je les invite à analyser plus en amont les compositions et filières des produits qu’ils achètent et d’inscrire des critères plus stricts dans leurs cahiers des charges.
Propos recueillis par Isabelle Couset
Photos-Fairtrade Lëtzebuerg