À l’heure où les enjeux environnementaux s’imposent comme une priorité mondiale, la protection des données à caractère personnel entre dans une nouvelle phase de réflexion stratégique.

Le 28 janvier prochain, la Commission Nationale pour la Protection des Données (CNPD) organise une matinée d’échanges Vie privée et environnement – numérique durable – convergences et perspectives. Cette conférence vise à explorer les synergies entre la régulation des données et les objectifs de durabilité et de protection de l’environnement :

› les objectifs OCDE (organisation de coopération et de développement économiques) de durabilité, qui visent à encourager la prise en compte des droits fondamentaux, y compris le droit à la vie privée dans le cadre du développement durable des entreprises ;

› les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et obligations de reporting correspondantes, qui permettent d’envisager la gestion responsable des données comme levier de transparence et de performance durable.

Le législateur européen ambitionne de réviser les obligations de reporting des entreprises en termes Environnemental, Social et de Gouvernance (ESG), dont la prise en compte est soit imposée, soit encouragée, en vue de réduire l’impact des entreprises sur la consommation des ressources naturelles. Ces critères ESG, souvent associés aux décisions des investisseurs, ne sont-ils pas aussi de plus en plus scrutés par les clients au moment de jauger l’attractivité d’un produit ou service ? S’agit-il aussi d’outils de compétitivité et de résilience ? Dans quelle mesure les obligations du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et des législations relatives à la vie privée peuvent-elles s’articuler de façon cohérente avec les objectifs de durabilité, notamment le pilier environnemental (E) des critères ESG ?

› les objectifs Green IT, qui interrogent la consommation énergétique des infrastructures numériques et les pratiques responsables en matière de traitement des données.

Comment rendre le numérique à la fois plus durable et plus respectueux de la vie privée ? Quels sont les impacts énergétiques et vie privée des modes de stockage et traitements de données dans le cloud et au moyen de l’intelligence artificielle ? Quels sont les paramètres à prendre en considération ? La relocalisation des traitements de données en Europe et au Luxembourg dans le cadre de solutions de stockage dites « souveraines » permet-elle de rencontrer des préoccupations tant énergétiques que RGPD en matière de transfert de données vers l’étranger ?

› le concept de Data for Green, qui valorise l’usage des données pour soutenir la transition écologique, notamment à travers des outils de mesure, de pilotage et d’optimisation des politiques environnementales. Comment le traitement de données environnementales peut-il contribuer à l’élaboration de politiques environnementales durables, notamment dans un cadre de « villes/territoires intelligent.e.s » ? Dans ce contexte, quels seraient les possibles impacts et arbitrages à effectuer en matière de vie privée afin de préserver la confidentialité des données à caractère personnel des citoyens ? Quelles sont les nouvelles perspectives et partenariats public-privé en matière de données environnementales et de politiques publiques au Luxembourg et à Belval en particulier ?

Cette rencontre permettra de croiser les regards entre des experts en protection des données à caractère personnel, des acteurs du développement durable, des experts en technologies de l’information et de la communication (ICT), des régulateurs et des chercheurs. Cela permettra d'identifier les bonnes pratiques, les opportunités d’innovation et les points de vigilance dans la convergence entre le numérique, la protection des données à caractère personnel et de la vie privée, et le développement durable.

Quand nous parlons de protection de vie privée, il ne s’agit plus seulement de protéger notre intimité dans un espace physique, mais aussi de porter attention à toutes les informations personnelles que nous partageons dans un espace numérique, et en particulier à travers les services numériques offerts par les « villes intelligentes ».

Save the date

Vous êtes acteur, chercheur ou régulateur dans le domaine de l’IT ou de la data ? Vous êtes cordialement invité à participer à nos débats et réflexions lors de la matinée de conférence du 28 janvier 2026, organisée dans le cadre du Data Protection Day 2026.

https://cnpd.public.lu/fr/actualites/national/2026/01/conference-dpd-2026.html

Le clin d’œil académique et expert – Vie privée et environnement – un nouveau champ du droit et de nouveaux équilibres à construire ?

Il n’est pas commun de lier la protection de notre vie privée à l'environnement dans le monde dans lequel nous vivons. En quoi ce nouveau mode de questionnement permet-il de jeter un nouveau regard sur les droits fondamentaux des citoyens ?

Afin de véritablement comprendre le lien existant entre le droit de l’environnement et le droit au respect de la vie privée et de son domicile, il est nécessaire de s’intéresser à la notion même d’environnement en droit. En effet, le droit à l’environnement n’est pas un droit expressément reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme. Sa reconnaissance progressive sur le plan international a été toutefois rendue possible grâce à l’évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme portant sur des affaires environnementales, en l’absence d’un cadre international établi en la matière.

L’interaction entre la protection de la vie privée et le droit de l’environnement a été reconnue à de nombreuses reprises. L’interprétation et l’application par la Cour européenne des droits de l’homme de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre la protection de la vie privée et familiale et la protection du domicile.

Plusieurs cas de nuisances environnementales ont déjà été reconnus par la Cour européenne des droits de l'homme constitutifs d'une atteinte à la vie privée : pollution de l’air par une usine sidérurgique, émissions nocives de fertilisants, diffusion de fortes odeurs et de fumées d’une station d’épuration.

À cet égard, il est notable que la Cour européenne des droits de l’homme, sous certaines conditions, prend en considération le contexte environnemental dans lequel les personnes vivent afin d’apprécier dans quelle mesure ces circonstances pourraient influencer leur quotidien et porter atteinte à la vie privée.

Quid de la protection de l’environnement dans notre monde numérique ? Quid de l’utilisation des données à des fins de développement durable ?

Aujourd’hui, avec le développement rapide des technologies, la notion de vie privée évolue rapidement. Quand nous parlons de protection de la vie privée, il ne s’agit plus seulement de protéger notre intimité dans un espace physique, mais aussi de porter attention à toutes les informations personnelles que nous partageons dans un espace numérique, et en particulier à travers les services numériques offerts par les « villes intelligentes ».

Le traitement des données dans le cadre de ces villes ou les territoires « intelligent.e.s » peut se décliner sous de nombreuses formes, notamment par la captation d’images de l’espace public, la mesure de la qualité de l’air, le niveau de bruit, ou encore l’analyse du comportement des individus, les traces de mobilité, etc. À cet égard, ces données peuvent révéler des informations sensibles comme le niveau de fréquentation des lieux, les habitudes de vie et même l’état de santé des résidents. Le traitement de ces informations n’est pas sans risques. L’utilisation de telles données à des fins malveillantes peut compromettre la vie privée, la sécurité et la dignité des personnes concernées. Des garanties appropriées doivent être fournies pour garantir la confidentialité des données, du point de vue notamment de leur anonymisation ou pseudonymisation.

De plus, le déploiement dans l’espace public et les villes/territoires « intelligent.e.s » de moyens de traitement, de captation et de stockage de données comporte de nombreux défis relatifs à la protection environnementale et au droit au respect de la vie privée. Le traitement de données à caractère personnel dans le cadre de la préservation du climat, mais aussi plus largement, la consommation d’énergie engendrée par la conservation des informations dans les serveurs ou encore les défis relatifs à la sobriété énergétique à titre général, méritent toute notre attention. Il apparaît que les technologies numériques peuvent faciliter considérablement la transition écologique et la lutte contre le changement climatique. Leur déploiement est également susceptible de créer des tensions avec la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, dans la mesure où les données des citoyens peuvent être collectées, stockées, analysées à des fins de politique environnementale, notamment. Il s’agit de concilier le progrès technologique avec le respect des libertés fondamentales et la préservation de l’environnement.

Consciente de ces enjeux, la CNPD dans ses missions assume un rôle actif pour accompagner, sensibiliser et soutenir les acteurs de l’IT et de la data dans leurs activités, en vue de garantir au mieux le respect des libertés fondamentales.

(1) Pour plus d’informations, voir Pascale Martin-Bidou, Droit de l’environnement, Bréal, 3e édition, 2025.

https://cnpd.public.lu/fr.html