Après deux années de débats, le projet de loi n° 7265 « portant modification du Code du travail en vue d’introduire un régime de stages pour élèves et étudiants » a finalement été adopté par la Chambre des députés le 20 mai dernier. La loi a été publiée le 4 juin 2020, avec une prise d’effet au 9 juin 2020.

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La loi précise que les stages, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, devront toujours « avoir un caractère d’information, d’orientation et de formation professionnelle, et ne pas affecter l’élève ou l’étudiant à des tâches requérant un rendement comparable à celui d’un salarié, et ne doivent ni suppléer des emplois permanents, ni remplacer un salarié temporairement absent, ni être utilisés pour faire face à des surcroîts de travail temporaires ».

Cette loi a pour objectif principal de réglementer les conditions dans lesquelles les entreprises établies au Luxembourg peuvent accueillir des stagiaires, puisqu’au préalable, la matière n’était pas – ou très peu – encadrée. Bien souvent avant cette loi, de nombreuses questions restaient sans réponses notamment en ce qui concerne la durée du travail, les tâches pouvant être accomplies, ou la rémunération des stagiaires.

Ces interrogations étant dorénavant levées, il est apparu intéressant de donner un aperçu des nouvelles dispositions applicables.

Deux catégories de stages, deux corpus de règles

La loi du 4 juin 2020 s’applique à deux types de stages, à savoir aux « stages prévus par un établissement d’enseignement luxembourgeois ou étranger » (ci-après « stages obligatoires »), mais aussi aux « stages pratiques en vue de l’acquisition d’une expérience professionnelle » (ciaprès « stages pratiques »).

Les stages obligatoires sont ceux qui font partie de la formation de l’élève ou de l’étudiant, à l’exclusion des stages effectués dans le cadre de la formation professionnelle, de l’orientation scolaire ou professionnelle ou d’une formation spécifique en vue de l’accès à une profession régie par des dispositions légales ou réglementaires.

Les stages pratiques sont ceux qui peuvent être suivis de manière volontaire par (i) les élèves et étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement luxembourgeois ou étranger et qui suivent de façon régulière un cycle d’enseignement ou par (ii) les individus titulaires d’un diplôme de fins d’études secondaires luxembourgeois ou équivalent, ou qui ont accompli avec succès un 1er cycle de l’enseignement supérieur ou universitaire (pour ces derniers, la totalité de la durée du stage doit se situer dans les 12 mois qui suivent la fin de la dernière inscription scolaire ayant été sanctionnée par le diplôme concerné). Ce dernier point visant à éviter que le recours aux stages pratiques ne soit systématisé pour pourvoir à un poste durable dans l’entreprise, et donc qu’il ne dégénère en abus créant une précarité de l’emploi. Cette volonté du législateur innerve d’ailleurs l’ensemble des dispositions applicables aux stages pratiques.

Pour les stages obligatoires, la rémunération est facultative pour tout stage d’une durée inférieure à 4 semaines ; elle s’élève à 30 % du salaire social minimum pour salarié non qualifié pour les stages d’une durée supérieure à 4 semaines. En ce qui concerne les stages pratiques, la rémunération est également discrétionnaire pour toute durée inférieure à 4 semaines. Dès lors que le stage dure plus de 4 semaines, elle doit être au moins équivalente à 40 % du SSM pour salarié non qualifié. Enfin, pour tout stage d’une durée comprise entre 12 et 26 semaines (soit entre 3 et 6 mois), la rémunération doit au minimum être égale à 75 % du SSM pour salarié non qualifié.

Chacune de ces deux catégories de stages fait désormais l’objet d’un régime qui lui est propre.

Il en est ainsi, par exemple, des règles encadrant la durée des stages : initialement, le projet de loi prévoyait de limiter la durée des deux catégories de stages, avec des disparités pour chacune. Finalement, les députés ont fait le choix de ne limiter que la durée des stages pratiques, avec le même objectif implicite d’éviter toute exagération.

Ainsi, la loi prévoit que les stages pratiques ne pourront excéder une période de 6 mois auprès du même employeur, cette durée étant appréciée sur une période de référence de 24 mois. A noter qu’il n’existe aucune limitation de cette nature pour les stages obligatoires.

Cela étant dit, il y a lieu de rappeler que les stages obligatoires effectués dans le cadre d’un cursus scolaire ou universitaire ont généralement une durée imposée, qui est fonction de l’enseignement suivi, ce qui, en pratique, empêche de facto que des stagiaires puissent être engagés pour des durées anormalement longues.

Les différences d’appréciation sont tout aussi flagrantes pour ce qui concerne les règles encadrant la rémunération des stagiaires, qui dépend de la catégorie du stage mais aussi de la durée de celui-ci.

Ainsi, pour les stages obligatoires, la rémunération est facultative pour tout stage d’une durée inférieure à 4 semaines ; elle s’élève à 30 % du salaire social minimum (« SSM ») pour salarié non qualifié pour les stages d’une durée supérieure à 4 semaines (il existe toutefois une dérogation à cette règle lorsque l’établissement d’enseignement prévoit expressément une interdiction d’indemnisation dans la convention de stage qu’il établit et qu’il fait du respect de cette interdiction une condition de reconnaissance du stage).

En ce qui concerne les stages pratiques, la rémunération est également discrétionnaire pour toute durée inférieure à 4 semaines. En revanche, dès lors que le stage dure plus de 4 semaines, elle doit être au moins équivalente à 40 % du SSM pour salarié non qualifié(1). Enfin, pour tout stage d’une durée comprise entre 12 et 26 semaines (soit entre 3 et 6 mois), la rémunération doit au minimum être égale à 75 % du SSM pour salarié non qualifié(2).

Concernant le nombre de stagiaires maximum par entreprise, une différence s’est à nouveau imposée entre stages obligatoires et stages pratiques, avec toujours la même optique d’éviter que le recours à des stagiaires ne dégénère en abus.

Ainsi, alors qu’il n’existe aucune limite au nombre simultané de stagiaires engagés dans le cadre d’un cursus scolaire ou universitaire, le nombre de stagiaires en stages pratiques est limité à un maximum de 10 % de l’effectif total de l’entreprise ; pour celles dont l’effectif est de 10 salariés ou moins, cette limite est fixée à 1 stagiaire.

Le législateur a toutefois voulu prendre en considération la particularité liée à la période estivale, puisque la loi précise que ces limites ne sont pas applicables pendant la période du 1er juillet au 30 septembre inclus.

Un cadre de règles communes pour assurer une protection complète des stagiaires

Afin de parachever la construction du statut des stagiaires, quelle que soit la catégorie de stage dans laquelle ils sont engagés, la nouvelle loi soumet les stages à un corps de règles communes.

Ainsi, par exemple, le stage devra toujours être constaté dans un écrit signé par les parties impliquées (patron de stage, stagiaire, établissement scolaire ou universitaire pour les stages obligatoires et, le cas échéant, le représentant légal du stagiaire mineur). Des mentions obligatoires devront être inscrites dans la convention de stage, dont le contenu diffère en fonction de la catégorie du stage (ces mentions sont plus protectrices du stagiaire en stage pratique, puisqu’elles sont plus nombreuses et imposent notamment d’identifier les activités qui lui seront confiées).

Chaque employeur ayant recours à des stagiaires devra en outre assigner à ces derniers un tuteur pour toute la durée du stage, qui sera chargé de les intégrer au mieux dans l’entreprise, d’assurer leur suivi régulier, de répondre à leurs questions, de leur dispenser conseil et accompagnement, et d’émettre, en fin de stage et pour les stages d’une durée de 4 semaines au moins, une appréciation critique et circonstanciée.

À des fins de contrôle du respect des dispositions légales, les employeurs seront en outre obligés de tenir un registre des stages « qui pourra être consulté à tout moment par la délégation du personnel et doit être rendu accessible à l’Inspection du Travail et des Mines sur simple demande ».

La convention de stage pourra être conclue à temps partiel ; dans ce cas, la durée maximale du stage sera calculée en heures et l’indemnisation prévue sera proratisée.

La loi précise également que les stages, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, devront toujours « avoir un caractère d’information, d’orientation et de formation professionnelle, et ne pas affecter l’élève ou l’étudiant à des tâches requérant un rendement comparable à celui d’un salarié, et ne doivent ni suppléer des emplois permanents, ni remplacer un salarié temporairement absent, ni être utilisés pour faire face à des surcroîts de travail temporaires ». Le stage ne pourra pas être utilisé pour pourvoir à un poste pérenne dans l’entreprise, qui suppose le rendement d’un salarié, et ainsi éluder l’application des dispositions du Code du travail encadrant le travail salarié.

Par ailleurs, dans un objectif de protection des stagiaires, la loi prévoit que les stagiaires bénéficieront désormais des mêmes droits que ceux dont jouissent les salariés pour ce qui concerne le repos journalier et hebdomadaire, les jours fériés, le congé annuel et la protection de leur santé et de leur sécurité sur le lieu de travail.

Le respect de l’ensemble des dispositions évoquées dans cet article – qui ont d’ailleurs été immédiatement intégrées au Code du travail par l’effet de la loi – est confié est à l’Inspection du Travail et des Mines.

À des fins de contrôle du respect des dispositions légales, les employeurs seront obligés de tenir un registre des stages « qui pourra être consulté à tout moment par la délégation du personnel et doit être rendu accessible à l’Inspection du Travail et des Mines sur simple demande ».

Les débats avant l’adoption de la loi ont suscité de vives discussions entre les parlementaires eux-mêmes, mais aussi avec d’autres intervenants et notamment des associations d’étudiants. Il a ainsi fallu trouver un juste milieu entre le besoin de protection des stagiaires et la nécessité de maintenir un marché suffisamment ouvert et dynamique pour ces derniers.

Le législateur a – très clairement – souhaité leur offrir une protection aussi large que possible, tout en conservant une certaine souplesse (réclamée notamment par les associations estudiantines) pour ne pas mettre un coup d’arrêt au recours aux stages en raison de conditions trop rigides pour les employeurs.

Seul l’avenir et son lot de statistiques permettront de dire si ce délicat équilibre a pu être trouvé.

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Me Cindy Arces Managing Partner Employment PwC Legal

(1) Pour les stagiaires qui ont accompli avec succès un premier cycle de l’enseignement supérieur ou universitaire le salaire de référence est le salaire social minimum pour salariés qualifiés.

(2) Pour les stagiaires qui ont accompli avec succès un premier cycle de l’enseignement supérieur ou universitaire le salaire de référence est le salaire social minimum pour salariés qualifiés.