Hausse des coûts liés aux indemnisations, protection gaps, risques climatiques et cybernétiques... : quelles sont les tendances auxquelles les assureurs devront rapidement s’adapter pour rester compétitifs ?

Les fondamentaux des sociétés d’assurances reposent sur les risques et les tendances globales. Parmi les bouleversements apportés par l’environnement macroéconomique actuel on retrouve, sans grande surprise, les taux d’intérêt et l’inflation en tête des éléments ayant provoqué des revirements stratégiques soudains. Pendant près de dix ans, le secteur s’était réinventé dans un environnement de taux bas qui était devenu la norme. Le pic constaté ces derniers mois a donc souvent été géré « avec les moyens du bord », tant il s’est révélé être une inarrêtable lame de fond. La hausse des coûts liés aux indemnisations a largement entamé les marges des assureurs depuis le second semestre 2022. En cause : l'augmentation considérable des prix des pièces détachées et de la main-d'œuvre nécessaires aux réparations des dommages. Du côté de l’assurance vie, si les augures sont propices à des rendements supérieurs, les chocs subis par les portefeuilles obligataires ont contraint certains assureurs à puiser dans leurs réserves et à tester la résilience de leur marge de solvabilité. Sang-froid et clairvoyance dans la gestion actif-passif seront cruciaux en attendant un retour à des conditions plus apaisées. Cette période de turbulences ne doit toutefois pas faire quitter le cap de la mission essentielle de l’assurance : apporter sécurité et stabilité à nos sociétés. Il reste primordial d’adresser la problématique des déficits de protection (protection gaps) qui continuent de se creuser. Le domaine des risques climatiques est une dimension emblématique pour ce sujet, puisqu’à l’heure actuelle, seuls 25 % des dommages causés par les catastrophes climatiques sont couverts par une assurance(1). Les assureurs seront donc inévitablement amenés à développer de nouveaux produits, notamment dans la gamme des assurances paramétriques. Ils devront également développer des collaborations public-privé en lien avec les risques non assurables et continuer à incarner leur rôle dans la transition vers une économie neutre en carbone. Parmi les « nouvelles menaces » le cyber- risque présente une nécessité d’action similaire, les entreprises cherchant à réduire leur exposition et à assurer les risques de pertes induites.

Des défis qui incitent à l'innovation

En plus de répondre aux déficits de couverture, les assureurs ont foison d’ouvrages auxquels s’atteler : la sophistication de la demande en assurance des consommateurs, l’exploration de nouveaux canaux de distribution, sans oublier la concurrence provenant d’autres secteurs que l’assurance avec des produits d’assurances packagés dans des services ou associés à des biens de consommation. Une gamme de défis qui représentent un potentiel de croissance et constituent une motivation supplémentaire pour miser sur l’innovation. L’évolution du secteur ne se limitera pas à la conception de nouveaux produits, car c’est tout le parcours d’expérience du consommateur que l’agitation des dernières années a poussé à examiner de plus près. En assurance vie, les approches centrées sur le conseil individualisé et la customisation des produits auront tendance à être privilégiées, guidées par des clients qui recherchent la stabilité financière avant tout. En assurance Non-vie, la clé sera de trouver un équilibre entre la proximité des agents et l’individualisation des services via des interfaces digitales. À l'ère numérique, il est peu probable que les modèles traditionnels des assureurs offrent des expériences clients parfaitement fluides. Les assureurs qui s’appuient sur les stratégies en écosystèmes connaîtront certainement le meilleur avenir.

(1) Joint discussion paper EIOPA and ECB call for increased uptake of climate catastrophe insurance, 24 April 2023.

Brice Bultot Partner,  Insurance Leader  EY Luxembourg
Brice Bultot Partner, Insurance Leader EY Luxembourg