Depuis quelques années les contraintes liées à la mobilité et à l’intensification du trafic font partie du lot quotidien de la population active au Luxembourg, surtout pour les salariés nonrésidents, au point de devenir un paramètre déterminant dans le choix du lieu de travail.

Face à ces défis, le développement du télétravail, permettant au salarié de travailler à partir de son domicile, est souvent considéré comme remède miracle, du moins à première vue.

Non seulement le télétravail permet au salarié de ne plus perdre de temps dans les embouteillages, mais par ailleurs le télétravail répond à une demande accrue de flexibilisation du temps et du mode de travail afin de promouvoir davantage l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La mise en place du télétravail peut avoir comme conséquences d'augmenter la motivation des employés et de les fidéliser tout en reconnaissant leurs besoins privés.

Le télétravail peut encore présenter d’autres avantages pour les employeurs dans la mesure où l’absence d’un trajet épuisant peut être un important vecteur d’amélioration de l’efficacité et de la productivité des salariés. En outre, le fait pour un employeur d’offrir à ses salariés la possibilité de travailler à distance peut permettre d’augmenter son attractivité sur le marché de l’emploi.

Si le législateur luxembourgeois a au cours des dernières années posé les bases permettant de répondre à ce désir de flexibilisation, notamment par la réforme du congé parental(1) ainsi que celle du temps de travail(2), force est de constater que certaines mesures de flexibilisation sont plus complexes à mettre en place que d’autres.

Un cadre réglementaire contraignant

La réglementation relative au télétravail impose certaines restrictions dans le recours au télétravail.

Le cadre réglementaire applicable est défini par un règlement grand-ducal rendant obligatoire une convention signée entre les partenaires sociaux(3) et qui détermine trois critères cumulatifs définissant le télétravail :

  1. « une prestation de travail au moyen des technologies de l’information et de la communication ;
  2. une prestation de travail effectuée dans un endroit autre que dans les locaux de l’employeur ; et
  3. une prestation de travail effectuée d’une manière régulière et habituelle de cette façon. »

En ce qui concerne la mise en place du télétravail, l’employeur doit préalablement consulter les représentants du personnel et leur fournir certaines informations prédéfinies à cet égard. En outre, un accord écrit préalable entre l’employeur et le salarié, matérialisé par un contrat de travail ou un avenant au contrat de travail spécifiant certains aspects relatifs aux modalités pratiques du télétravail est nécessaire. Si la formule du télétravail est convenue entre l’employeur et le salarié en cours d’exécution du contrat de travail par voie d’avenant, une période d’adaptation variant entre 3 et 12 mois est obligatoire. Finalement, dans le cadre du recours au télétravail il convient encore de relever que le contrat de travail, voire l’avenant au contrat de travail, doit contenir certaines mentions obligatoires spécifiques.

Les principaux défis liés à la mise en place du télétravail

L’employeur doit fournir, installer et entretenir l’équipement technique nécessaire au télétravail. Ceci engendre non seulement des frais pour l’employeur, mais suscite également des interrogations de taille quant à la protection de données confidentielles. Le fait qu’un salarié concerné puisse utiliser son propre équipement technique soulève quant à lui la question de l’étendue des droits d’accès de l’employeur sur ce matériel personnel utilisé à des fins professionnelles. Il est conseillé dans un tel cas de figure de déterminer par exemple à l’avance le contenu consultable par l’employeur stocké sur le matériel personnel du salarié, notamment en séparant clairement les données privées et professionnelles du salarié.

Alors que l’employeur est de toute évidence tenu de respecter la réglementation relative à la protection des données et de la vie privée des salariés sur le lieu de travail, y compris dans le cadre du télétravail, l’exercice d’un pouvoir de contrôle peut s’avérer particulièrement délicat dans le cadre du télétravail. A cet égard, il convient de noter que l’employeur est tenu de fixer, en concertation avec le salarié, les plages horaires durant lesquelles ce dernier doit être joignable. L’employeur ne peut dès lors que difficilement opérer par exemple des contrôles non annoncés au domicile du salarié.

Les pièges du télétravail pour les salariés non-résidents

En plus des nombreux défis et interrogations soulevés en général par le télétravail, les restrictions juridiques qui y sont liées s’avèrent accrues pour les salariés qui souhaitent en profiter le plus, à savoir les salariés non-résidents.

Deux facteurs principaux sont à prendre en considération pour les salariés nonrésidents :

  • en matière de sécurité sociale, un salarié qui travaille au Luxembourg sera en principe affilié auprès du Centre Commun de la Sécurité Sociale. Par contre, si le salarié non-résident exerce une partie substantielle (au moins 25 %) de son activité professionnelle dans son pays de résidence, il devra en principe être affilié auprès du système de sécurité sociale de son pays de résidence(4) ;
  • d’un point de vue fiscal, une retenue à la source est appliquée sur tous les salaires versés aux salariés actifs au Luxembourg, quel que soit leur lieu de résidence. Les salaires des non-résidents perçus en raison d’une activité exercée au Luxembourg sont dès lors en principe imposables au Luxembourg. Or, le fait qu’un salarié non-résident preste une partie de son temps de travail dans son pays de résidence peut avoir comme conséquence une imposition du salaire perçu dans le pays de résidence du salarié. Les seuils déclenchant une telle imposition dans le pays de résidence varient en fonction du pays en question et donc des conventions fiscales conclues par le Luxembourg ainsi que les accords amiables les complétant.

Même si de plus en plus d’entreprises mettent en place des programmes de télétravail dans un souci de répondre aux attentes de flexibilisation des salariés, il s’avère crucial de ne pas perdre de vue les défis évoqués et de considérer d’autres alternatives en termes de flexibilisation du travail, moins contraignantes pour l’employeur. Dans ce contexte une alternative peut par exemple consister à la mise en place d’un horaire mobile ou d’un plan d’organisation du travail. De même, lors d’une récente question parlementaire, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire a réouvert le débat sur l’introduction d’un Compte d’Epargne-Temps (CET) dans le secteur privé, en rappelant que « le programme gouvernemental prévoit l’élaboration d’un nouveau projet de loi portant introduction de comptes épargne-temps afin de permettre une meilleure flexibilité dans la gestion du temps de travail tant pour les entreprises que pour les salariés ». A voir donc si le CET verra également le jour dans le secteur privé afin d’accroître l’éventail des possibilités de flexibilisation du temps de travail.

Me Philippe Schmit, Partner et Me Françoise Faltz, Associate
Me Philippe Schmit, Partner et Me Françoise Faltz, Associate

Employment Law, Pensions & Benefits
Arendt & Medernach

(1) Loi du 3 novembre 2016 portant réforme du congé parental.

(2) Loi du 23 décembre 2016 concernant l'organisation du temps de travail.

(3) Règlement grand-ducal du 15 mars 2016 portant déclaration d'obligation générale d’une convention relative au régime juridique du télétravail conclue entre l'Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL), d’une part, et les syndicats OGB-L et LCGB, d’autre part.

(4) Article 13 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale tel que modifié.