Au Grand-Duché, chacun sait l’importance du travail frontalier. Les derniers chiffres du STATEC indiquent que les travailleurs frontaliers représentent 46 % de l’emploi salarié au Luxembourg. Contrairement à ce que certains pourraient penser, l’emploi frontalier en Europe ne concerne pas seulement le Luxembourg et la Suisse. Aujourd’hui, l’Europe compte deux millions de travailleurs frontaliers, cela représente 1 % de sa population active totale, cette part a augmenté de plus de 70 % depuis 15 ans.

Derrière ces chiffres se cache une très grande diversité régionale. Certaines régions en Europe, connaissent une augmentation constante de la main-d’oeuvre frontalière, c’est le cas de la Belgique, des Pays-Bas ou de l’Espagne. D’autres régions connaissent, elles, une très forte proportion de travailleurs frontaliers parmi leurs résidents, comme la Lorraine, l’Alsace, la Province de Luxembourg, le bassin de Trier et certaines régions d’Autriche, de Slovaquie ou de Roumanie. Ainsi, l’étude des déterminants du travail frontalier est une question majeure pour les décideurs politiques européens.

C’est dans l’optique d’apporter des éléments nouveaux dans l’analyse des déterminants de l’emploi frontalier que les chercheurs du LISER ont réalisé une étude sur le sujet(1). Pour mieux comprendre l’évolution des flux de main-d’oeuvre frontalière et ses implications, les auteurs analysent les déterminants de l’emploi frontalier au niveau individuel. Malheureusement, peu de pays européens rendent accessibles des données individuelles permettant une analyse précise de l’emploi frontalier. Les données de sécurité sociale belge présentent justement l’avantage de collecter des informations spécifiques aux individus résidant en Belgique et travaillant à l’étranger. C’est donc grâce à l’exploitation de ces données que les chercheurs ont réalisé cette étude.

Des facteurs déjà connus

L’objectif de l’étude est d’identifier, à l’aide d’estimations statistiques, les déterminants qui influencent la probabilité que les résidents belges débutent un emploi au Luxembourg. Les auteurs souhaitent ainsi évaluer l’importance des différentes caractéristiques sociodémographiques sur la probabilité de devenir travailleur frontalier. Ils ont d’abord sélectionné un échantillon d’un peu plus de 143.000 individus âgés de 24 à 44 ans, résidant en Belgique à moins de 60 minutes en voiture de la frontière avec le Luxembourg. Au sein de cet échantillon, 3.700 individus ont débuté un emploi frontalier au Luxembourg au cours de l’année 2014 ; ce qui signifie que la probabilité de débuter un emploi frontalier au Luxembourg est de 2,6 %.

L’estimation du modèle statistique révèle que les individus ayant une connaissance personnelle de l’emploi frontalier soit parce qu’ils ont déjà été travailleur frontalier, soit parce qu’un autre membre de leur foyer est un travailleur frontalier sont plus susceptibles de débuter un emploi frontalier. Également, les individus ayant des origines familiales luxembourgeoises sont plus susceptibles de débuter un emploi frontalier. En revanche, la distance à la frontière luxembourgeoise, l’âge, la présence d’enfant en bas âge sont des facteurs qui influencent négativement la probabilité de débuter un emploi frontalier.

L’étude n’a pas conduit à la découverte de nouveaux déterminants de l’emploi frontalier, elle a toutefois permis de corroborer les conclusions des quelques études existantes. Par ailleurs, les résultats de cette étude pourront permettre de prédire l’évolution future des flux de travailleurs frontaliers.

Andrea Albanese Chercheur Département Marché du travail
Andrea Albanese Chercheur Département Marché du travail

Pauline Bourgeon Chercheur Département Marché du travail
Pauline Bourgeon Chercheur Département Marché du travail

David Marguerit Chercheur Département Marché du travail
David Marguerit Chercheur Département Marché du travail

LISER

(1) Cette étude est réalisée dans le cadre du projet financé par le Fonds National de la Recherche intitulé The Effect of Schengen, the Euro and Local Labour Markets: A Causal Analysis on Cross-Border Workers in Europe.