Ce qui peut changer en matière de TVA

En date du 18 janvier 2018, la Commission européenne a émis une proposition visant à permettre plus de flexibilité aux États membres pour modifier les taux de TVA applicables aux différents biens et services.

Cette proposition fait suite à plusieurs autres propositions émises dans le cadre du Plan d’Action sur la TVA intitulé Vers un espace TVA unique dans l’Union, adopté par la Commission européenne en avril 2016. Le système actuel de TVA datant de 1993 a été conçu comme régime transitoire, suivant l’abolition des frontières entre les Etats membres. Ce système doit maintenant être modernisé afin de s’adapter à l’évolution des modèles économiques, mais aussi être simplifié, permettre de lutter contre la fraude, être plus efficace en particulier tenant compte des possibilités offertes par la digitalisation et être basé sur une plus grande confiance entre les assujettis et les administrations des Etats membres. Ainsi, diverses propositions ont été émises par la Commission européenne depuis 2016 visant à répondre à ces besoins et à mettre en place un système de TVA définitif.

Dans le régime existant depuis 1993, vu l’imposition des livraisons de biens dans le pays d’origine, des dispositions communes en matière de taux de TVA étaient indispensables afin d’éviter des distorsions de concurrence dans les transactions trans-frontalières. Etant donné que le régime TVA définitif proposé par la Commission est maintenant fondé sur une taxationau lieu de consommation et non plus au lieu d’origine, des règles restrictives sur l’application des taux ne sont dès lors plus nécessaires.

La Commission propose que toutes les petites entreprises, réalisant un chiffre d’affaires annuel dans l’UE inférieur ou égal à 2 millions EUR, puissent bénéficier de mesures de simplification de leurs obligations en matière de TVA et propose un seuil maximal d’exonération commun à tous les États membres de 85.000 EUR.

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Une moyenne minimum de 12 %

Les règles proposées visent à permettre aux États membres d’appliquer, outre les deux taux réduits de minimum 5 % et le taux de 0 %, un troisième taux réduit (entre 0 et 5 %). La liste actuelle des biens et services pouvant bénéficier de taux réduits sera supprimée et remplacée par une nouvelle liste de biens auxquels le taux normal de minimum 15 % devra s’appliquer. Cette liste devrait reprendre notamment des biens comme les armes, les boissons alcoolisées, les jeux d’argent, les produits du tabac, etc.

De plus, les États membres devront également s’assurer que la moyenne pondérée de tous les taux de TVA appliqués soit au moins égale à 12 %. Ainsi, le Luxembourg pourrait maintenir ses taux actuels, voire introduire un taux à 0 %, dans la mesure où la répartition des biens et services soumis aux différents taux permet d’aboutir à une moyenne pondérée de 12 % ou plus.

Un seuil d’exonération commun à 85.000 EUR

A cette même date du 18 janvier, la Commission a également émis une proposition de simplification visant principalement à alléger les coûts de mise en conformité supportés par les petites entreprises. Actuellement, dès lors que le chiffre d’affaires annuel d’une entreprise ne dépasse pas un certain seuil (30.000 EUR au Luxembourg), celle-ci peut bénéficier d’exonération et d’allègement de ses obligations administratives (identification, facturation, déclarations, etc.). Cependant, ce régime, d’une part, est limité aux entreprises établies dans l’Etat membre concerné et, d’autre part, n’est pas harmonisé au sein de l’Union européenne, ce qui cause des distorsions de concurrence entre les petites entreprises au sein de l’Union européenne (UE).

La Commission propose que toutes les petites entreprises, réalisant un chiffre d’affaires annuel dans l’UE inférieur ou égal à 2 millions EUR, puissent bénéficier de mesures de simplification de leurs obligations en matière de TVA et propose un seuil maximal d’exonération commun à tous les États membres de 85.000 EUR. De plus, la Commission propose d’élargir l’application de ce régime aux petites entreprises non établies dans un État membre.

Ces deux propositions de janvier 2018 ont été présentées en continuité d’autres textes proposés dès l’adoption du Plan d’Action en 2016. Ainsi, en date du 1er décembre 2016 et dans le cadre de la stratégie visant à la mise en place d’un marché unique numérique, une proposition législative a été présentée pour moderniser et simplifier la TVA applicable au commerce électronique transfrontalier. Cette proposition contient notamment l’introduction de seuils de services électroniques transfrontaliers en dessous desquels certains allègements sont octroyés, l’extension du mini-guichet unique (MOSS) aux livraisons de biens en ligne et à tous les services transfrontaliers à des consommateurs finaux.

Cette proposition a été suivie en date du 21 décembre 2016 d’une autre proposition permettant aux États membres de prévoir, au titre de mécanisme d'auto-liquidation généralisé, que le redevable de la TVA est l'assujetti, destinataire, des biens ou services, dès lors qu’un seuil de 10.000 EUR par facture est dépassé et sous conditions.La proposition déposée en date du 4 octobre 2017 introduit un concept nouveau et très important, celui d’« assujetti certifié ». Un assujetti pourra déposer auprès de son administration TVA un dossier en vue de l’obtention du statut d’assujetti certifié.

Un statut d’assujetti certifié

La proposition déposée ensuite en date du 4 octobre 2017 est probablement l’une des plus importantes vu qu’elle introduit une série de principes fondamentaux pour un régime TVA définitif, dont le principe de taxation à destination des livraisons intracommunautaires de biens et la confirmation de la responsabilité du vendeur pour la perception de la TVA, avec une exception lorsque l’acheteur est un « assujetti certifié ». Dans ce cas, c’est à lui qu’il revient d’acquitter la TVA due directement à l’État membre de destination.

La Commission a également présenté une série de simplifications concernant notamment les contrats de dépôt, les opérations en chaîne et les preuves de transport, lesquelles ne seront applicables que pour les assujettis certifiés.

Ainsi, cette proposition introduit un concept nouveau et très important, celui d’« assujetti certifié ». Un assujetti pourra déposer auprès de son administration TVA un dossier en vue de l’obtention du statut d’assujetti certifié. Dans ce cadre, la société devra répondre à diverses conditions, dont ne pas avoir fait l’objet d'infractions graves ou répétées aux dispositions fiscales, y compris douanières, ainsi que d’infractions pénales graves liées à son activité économique, démontrer d’un niveau élevé de contrôle sur ses opérations et les mouvements de biens, et attester de sa solvabilité financière.

Par contre, certains assujettis ne pourront pas obtenir le statut d’assujetti certifié. Il s’agit notamment des assujettis soumis au régime forfaitaire applicable aux producteurs agricoles ou au régime de franchise des petites entreprises et des assujettis sans droit à déduction de la TVA.

Une fois certifiée, la société sera considérée comme un « contribuable fiable ». Tant les entreprises que les administrations fiscales devront pouvoir vérifier immédiatement et en ligne le statut d’assujetti certifié d’une entreprise. L’assujetti certifié ainsi que les sociétés avec lesquelles il effectue des transactions bénéficieront de certaines procédures simplifiées en matière de déclaration et de paiement de la TVA transfrontalière. Cette proposition, répondant à l’objectif du Plan d’Action de la Commission de pouvoir se reposer sur une plus grande confiance entre assujettis et administrations, doit être attentivement suivie. L’obtention du statut d’assujetti certifié peut, en effet, largement faciliter les obligations administratives d’une entreprise en matière de TVA.

La dernière proposition émise l’année passée (30 novembre 2017) introduisait de nouvelles règles en matière de coopération administrative entre États membres, visant à améliorer l’échange d’informations entre administrations fiscales et la coordination des actions des Etats membres. Les points importants à soulever sont l’introduction d’une possibilité d’audits communs à plusieurs Etats membres et de coopération opérationnelle entre les administrations des États membres et les services répressifs à l’échelle de l’UE.

L’ensemble de ces propositions législatives doit être transmis au Parlement européen et au Comité économique et social européen pour consultation, et au Conseil pour adoption. Après adoption, l’entrée en vigueur de ces mesures s’échelonnera sur plusieurs années.

Yannick Zeippen, Partner, Indirect Tax, EY Luxembourg
Yannick Zeippen, Partner, Indirect Tax, EY Luxembourg