Dans un arrêt du 26 novembre 2020(1), la Cour d’appel a précisé les droits de la femme enceinte, en période d’essai, employée sous contrat à durée déterminée.

Maternité, essai et CDD

La femme enceinte ou en congé de maternité ne peut être licenciée pendant une durée déterminée, indépendamment de la qualification de son contrat, CDD ou CDI.

Dans cette affaire, une femme avait été embauchée sous CDD, avec une période d’essai de 3 mois. Après 6 jours de travail, la salariée a remis à son employeur un certificat médical attestant de sa grossesse. À son retour de congé de maternité, l’employeur lui a notifié une lettre de rupture de son contrat de travail, estimant qu’elle était toujours en période d’essai.

Alors qu’elle avait initialement sollicité la requalification de son CDD en CDI, la salariée a finalement, devant les premiers juges, renoncé à cette demande. De son côté, l’employeur, se prévalant de l’absence de précision de la mission du CDD, avait également requis cette requalification.

Ainsi, dans ces circonstances, la femme enceinte se trouve mieux protégée sous CDD que sous CDI, l’employeur pouvant, dans ce dernier cas et si l’essai n’est pas concluant, invoquer la rupture du contrat de travail en période d’essai alors qu’il est tenu par le terme du contrat en cas de CDD.

La qualification du contrat est en effet d’importance au regard de la combinaison des textes des articles L.337-1 à L.337-3 :

  • art L.377-1 al.1 : « Il est interdit à l’employeur de notifier la rupture de la relation de travail ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable d’une femme salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant une période de douze semaines suivant l’accouchement » ;
  • art L. 337-2 : « Les dispositions relatives à l’interdiction de licenciement ne font pas obstacle à l’échéance du contrat de travail à durée déterminée » ;
  • art 337-3 : « Lorsqu’une femme salariée est liée par un contrat de travail à durée indéterminée comportant une clause d’essai, cette dernière est suspendue à partir du jour de la remise à l’employeur du certificat médical attestant de la grossesse jusqu’au début du congé de maternité. La fraction de la période d’essai restant à courir reprend son cours à la fin de la période d’interdiction de licenciement ».

Dès lors, la femme enceinte ou en congé de maternité, ne peut être licenciée pendant une durée déterminée, indépendamment de la qualification de son contrat, CDD ou CDI. Si elle a conclu un CDI et qu’elle n’a pas fini sa période d’essai avant la protection, la période restant à courir est reportée à l’issue de la période de protection. Mais ce mécanisme ne vise que le cas du CDI !

Quel est le sort réservé à la clause d’essai lorsqu’il s’agit d’un CDD ?

En choisissant de requalifier le CDD en CDI, les premiers juges n’ont pas eu à répondre à cette question. Les juges d’appel ont quant à eux refusé cette requalification au motif que seule la salariée pouvait le demander(2) et, qu’en l’espèce, elle y avait renoncé. Dès lors, ils ont adopté l’analyse suivante.

Les juges d’appel ont rappelé le principe selon lequel « l’employeur ne peut pas résilier le contrat de travail de la salariée en période d’essai lorsqu’il a été dument informé de son état de grossesse, et ce tant en cas de contrat à durée indéterminée qu’en cas de durée déterminée ». Ils ont ensuite acté que « le contrat à durée déterminée prend fin à l’échéance du terme initialement prévu, même si la salariée se trouve à ce moment en état de grossesse ou en congé maternité ». Concernant l’application de l’article L.337-7, ils ont retenu que « celuici ne s’applique qu’au contrat à durée indéterminée, de sorte qu’il n’est pas applicable aux contrats à durée déterminée pour lesquels il n’existe pas de disposition analogue » pour conclure qu’« il n’y a pas en l’espèce de suspension de la période d’essai en raison de la grossesse de la salariée ».

Considérant que le CDD prenait en tout état de cause fin à l’échéance, ils ont considéré qu’il n’était pas possible de suspendre la clause d’essai pendant toute la durée de la grossesse et jusqu’à la fin de la protection, au risque de voir proroger l’essai au-delà du terme.

Cette décision a vidé la clause d’essai de sa substance, la salariée ayant annoncé son état de grossesse 6 jours après le début de son activité : la période de protection liée à la maternité était alors plus longue que la période d’essai. À la fin de la période de protection, l’employeur ne pouvait plus rompre le contrat, alors même que la salariée ne convenait pas pour le poste.

Ainsi, dans ces circonstances, la femme enceinte se trouve mieux protégée sous CDD que sous CDI, l’employeur pouvant, dans ce dernier cas et si l’essai n’est pas concluant, invoquer la rupture du contrat de travail en période d’essai alors qu’il est tenu par le terme du contrat en cas de CDD.

Me Céline Lelièvre Avocat à la Cour inscrite aux barreaux de Luxembourg (dcl avocats) et du canton de Vaud/Suisse (Etude Mercuris Avocats, Lausanne), médiateur affilié à la Fédération Suisse des Avocats, avocat en droit collaboratif.
Me Céline Lelièvre Avocat à la Cour inscrite aux barreaux de Luxembourg (dcl avocats) et du canton de Vaud/Suisse (Etude Mercuris Avocats, Lausanne), médiateur affilié à la Fédération Suisse des Avocats, avocat en droit collaboratif.

(1) Arrêt CSJ n° 132/20 – VIIIe – Travail – n° rôle CAL-2019-00795.

(2) La problématique de la requalification ne sera pas abordée ici.