L’attrait pour les contrats d’assurance-vie ne cesse de croître. Et pourtant, ce type de contrat est-il bien connu ? Quel est son but ? Pouvons-nous constater une évolution de ce produit d’assurance ?

Un contrat d’assurance vie est classiquement un contrat en vertu duquel l’assureur s’engage envers le souscripteur, moyennant le paiement d’une prime fixe ou variable, à fournir une prestation stipulée dans le contrat au cas où il survient un élément incertain affectant la durée de vie humaine, l’intégrité physique ou la situation familiale de l’assuré.

Le contrat d’assurance vie peut ainsi viser deux objectifs : une assurance décès et/ou une assurance placement qui constitue une opération d’épargne et de capitalisation ne prenant pas en compte la vie du souscripteur.

Le contrat d’assurance vie, assurance décès, repose sur le mécanisme de la stipulation pour autrui de l’article 1121 du Code civil lorsque le preneur d’assurance obtient de l’assureur l’engagement que ce dernier versera, lors du décès de l’assuré, le capital au tiers bénéficiaire. Les souscripteurs d’assurance vie cherchent par ce mécanisme à protéger leurs proches. Le souscripteur désigne ainsi comme bénéficiaire une personne de son choix qui, à son décès, bénéficiera de l’engagement pris au contrat.

Le contrat d’assurance vie, lorsqu’il constitue un placement financier, représente alors une opération d’épargne et de capitalisation aux termes de laquelle une somme d’argent est remise par le preneur d’assurance afin que l’assureur la fasse fructifier. Il ne s’agit pas dans ce cas d’une stipulation pour autrui, mais d’une « stipulation pour soi-même ». Le souscripteur est en fait le seul bénéficiaire de l’opération d’épargne et de capitalisation. Ce contrat peut néanmoins être également une assurance décès si le bénéficiaire venait à décéder avant le terme du contrat. Le produit capitalisé serait alors transmis à un tiers bénéficiaire.

La différence entre l’assurance vie classique et la forme de capitalisation est assez ténue car, dans les deux hypothèses, l’assureur est destinataire d’un capital versé par le souscripteur. La distinction entre les deux types d’assurance vie (assurance décès ou capitalisation) se fera alors en examinant les modalités de détermination du terme prévues par le contrat. En effet, l’assurance vie placement financier se caractérisera par l’existence d’un terme fixé à l’avance, le bénéficiaire étant en principe l’assuré, alors que l’assurance décès connaît un aléa en ce que son dénouement dépend pour partie de la durée de vie du preneur d’assurance et du fait que le bénéficiaire sera un tiers.

En justice

Dans ce cadre, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a été saisi de la question de savoir si les provisions d’assurance vie étaient saisissables par les créanciers du souscripteur de l’assurance vie. Pour répondre à cette question, le tribunal d’arrondissement a différencié les types de contrat d’assurance vie et a apprécié leurs mécanismes et particularités propres pour leur appliquer un régime différent. Ainsi, par jugement en date du 13 juin 2014 (1), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a distingué, d’une part, l’assurance capitalisation saisissable et, d’autre part, l’assurance décès non saisissable par le créancier du preneur d’assurance.

Le tribunal saisi a alors conclu que le preneur d’assurance vie qui souscrit une assurance d’épargne et de capitalisation ne peut bénéficier de plus de droit que n’importe quel autre épargnant et que son placement est ainsi saisissable par ses créanciers. Ce même jugement a encore estimé qu’en présence d’un seul et même contrat d’assurance vie, ce dernier pouvait être à la fois une assurance capitalisation et une assurance décès. Dans cette hypothèse, en cas de décès du souscripteur en cours de contrat et en application du mécanisme de la stipulation pour autrui de l’assurance vie, les sommes capitalisées entrent dans le patrimoine du tiers bénéficiaire pour en devenir sa propriété. Elles deviennent donc insaisissables par les créanciers du souscripteur. Cependant, tant que le preneur d’assurance est en vie et en application des principes dégagés pour l’assurance capitalisation, les sommes capitalisées ne sont pas encore entrées dans le patrimoine du tiers bénéficiaire et restent donc saisissables par les créanciers du preneur d’assurance vie.

Le tribunal saisi souligne de plus qu’en l’espèce le contrat d’assurance vie avait pour objet de constituer un capital que l’assuré pouvait convertir s’il le souhaitait en rente viagère. L’assuré avait en outre la possibilité de faire fructifier le capital en le plaçant sur des fonds (OPVCM…). Le contrat comportait également une faculté de rachat et la possibilité pour l’assuré de désigner un bénéficiaire en cas de décès.

Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a donc déduit qu’au vu des termes et des conditions générales de la convention que le contrat souscrit en l’espèce était à la fois une assurance capitalisation et une assurance décès. Par conséquent, tant que l’assuré était en vie, les sommes capitalisées étaient saisissables par les créanciers. La saisie-arrêt pratiquée sur les provisions d’assurance vie constituées auprès d’un assureur a ainsi été validée.

Le jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ouvre ainsi au créancier d’un preneur d’assurance vie le droit de saisir les sommes capitalisées au terme d’un tel contrat d’assurance vie tant que ce dernier est en vie

Me Céline Lelièvre
Me Nadine Cambonie

Associées
DCL Avocats

 

(1) N° du rôle 136.745.