Les Schuldschein sont des instruments de crédit semi-obligataires qui jouent un rôle très important dans le financement des entreprises européennes. De droit allemand, ils se sont internationalisés et ils sont devenus incontournables tant pour les petites et moyennes entreprises que pour les multinationales. De grandes sociétés luxembourgeoises ont également eu recours à ce type de financement.

Les Schuldschein sont des instruments de dette qui combinent les caractéristiques des obligations et des prêts bancaires classiques. Tout comme les obligations, ils ont un coupon (fixe ou variable) et une maturité fixe. Mais, légalement, ce sont des prêts bilatéraux, non enregistrés et non cotés, qui sont vendus directement à des investisseurs institutionnels. Ils sont comptabilisés en tant que prêts et ils ne sont donc pas valorisés quotidiennement (marked-to-market). N’étant pas cotés, ils n’ont pas besoin d’avoir un prospectus et la documentation est simplifiée. Généralement, les sociétés qui empruntent concluent le Schuldschein directement avec une banque qui revend les contrats aux investisseurs. Il s’agit généralement d’une douzaine d’investisseurs, voire plus, ce qui permet à l’entreprise de réduire sa dépendance vis-à-vis de prêteurs individuels. Même si les Schuldschein peuvent être transférés, les investisseurs dans ce type de produit suivent généralement une stratégie de buy-and-hold.

Beaucoup d’avantages et quelques inconvénients

Ce type de financement présente de nombreux avantages pour les émetteurs. Grâce à la simplicité de la documentation, les entreprises peuvent lever des fonds très rapidement et à moindre coût. Les frais d’émission sont en effet beaucoup moins importants que pour un emprunt obligataire. Utiliser des Schuldschein offre également une plus grande flexibilité, puisque les conditions du prêt sont convenues entre les émetteurs et les prêteurs. Les entreprises n’ont pas besoin d’avoir un rating par les agences de notation et elles peuvent emprunter des montants moins importants. Enfin, le marché primaire se limite à un nombre réduit d’investisseurs, ce qui permet aux emprunteurs de lever des fonds plus discrètement. Les investisseurs y trouvent également leur compte, car les termes des prêts Schuldschein (prix, maturité) peuvent être adaptés exactement à leurs besoins. En plus, ces instruments sont comptabilisés « au coût d’achat », ce qui évite des moins-values en cas de stress sur les marchés.

Ces instruments présentent néanmoins quelques désavantages. Comme la plupart des émetteurs n’ont pas recours aux agences de notation, les investisseurs sont obligés d’analyser en interne le risque crédit de ces sociétés. Cette analyse est d’autant plus importante que la réglementation juridique est souvent insuffisante en cas de restructuration. Enfin, le marché des Schuldschein reste peu transparent et illiquide sur le marché secondaire, le transfert de propriété se faisant uniquement par voie d’assignation écrite.

Un marché en pleine expansion

Historiquement émis par les entités publiques allemandes, les Schuldschein émis par des entreprises privées (Corporate Schuldschein ou CSS) ont connu une forte croissance ces dernières années. La crise financière de 2008 a asséché les prêts bancaires traditionnels et a permis aux CSS de se positionner comme une vraie alternative sur le marché du crédit. Les émetteurs ont fait appel à ces instruments pour des opérations de fusion et d’acquisition, pour refinancer leur dette ou pour diversifier leurs sources de financement. 2015 fut déjà une année record, avec 19,7 milliards EUR de CSS émis. Ce record risque d’être pulvérisé en 2016 car 19 milliards ont été placés sur les neuf premiers mois de l’année. Bien sûr, ce marché reste dominé par les entreprises de taille moyenne issues des pays dits « germanophones », à savoir l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Néanmoins, un nombre croissant d’entreprises britanniques, françaises et du Benelux ont également émis des CSS, ce qui montre l’internationalisation de ce marché. Ceci est d’autant plus vrai que des multinationales sont également venues sur ce segment, souvent avec des transactions dites « jumbo » vu leur taille et parfois avec des tranches en plusieurs devises. C’est le cas de LafargeHolcim (832 millions EUR et 210 millions USD), Lufthansa (475 millions EUR) et Robert Bosch (800 millions EUR).

Un autre développement intéressant fut l’apparition en 2016 des Green Schuldschein. Le producteur d’éoliennes allemand Nordex et le gestionnaire du réseau électrique néerlandais Tennet ont émis des CSS dont les fonds seront uniquement destinés à financer des projets qui auront un impact positif sur l’environnement. Signalons finalement que les maturités privilégiées par les investisseurs sont celles à cinq et sept ans, et que la taille moyenne historique des transactions est de 158 millions EUR.

Plusieurs émetteurs au Grand-Duché

Sur base des informations publiées dans leurs rapports annuels, on constate que plusieurs entreprises luxembourgeoises ont fait appel à ce type de dette. En 2008, SES a émis deux Schuldschein pour un montant total de 200 millions EUR, avec une échéance en novembre 2012. Enovos International a émis quatre tranches en 2013 pour un total de 102 millions EUR, avec des maturités allant de sept à quinze ans. Finalement, Cargolux a émis 60 millions EUR en 2015.

Les Schuldschein, toujours très attractifs !

Les entreprises luxembourgeoises et européennes devraient continuer à lever des capitaux en utilisant des Schuldschein. En effet, ce marché devient davantage compétitif par rapport à d’autres moyens de financement. Il permet notamment à des petits émetteurs de se financer à un coût moindre que sur le marché obligataire. Le nombre des transactions et la taille des émissions sont en constante augmentation, ce qui, à terme, devrait permettre d’accroître la liquidité du marché secondaire.

Christian Merlyn, Fixed-Income Portfolio Manager, ING Luxembourg
Christian Merlyn, Fixed-Income Portfolio Manager, ING Luxembourg

Article rédigé en décembre 2016.