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Aspects généraux

Les risques pénaux inhérents à l’exercice d’une activité économique sont des risques, qu’à l’heure actuelle, aucun dirigeant d’entreprise ne peut négliger. Une inflation de législations régulant les activités économiques, très souvent complétées par des sanctions pénales, implique une gestion de plus en plus difficile de ces risques. Celle-ci s’avère néanmoins nécessaire pour assurer une bonne gouvernance de chaque entreprise et minimiser les coûts potentiels.

Le présent article est le premier, introductif, d’une série qui portera sur les risques pénaux encourus en entreprise. Nous aborderons également dans cette série la responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise, la responsabilité pénale des personnes morales ainsi que la délégation de pouvoirs au sein de l’entreprise.

Importance du risque pénal encouru par les entreprises

Toute activité entrepreneuriale entraîne la prise de risques, risques économiques pour la plupart, qui peuvent être appréhendés et sont bien compris par les dirigeants d’entreprise. Ces risques comprennent cependant aussi des risques sur le plan juridique et notamment sur le plan pénal qui, très souvent, sont beaucoup moins appréhendés, voire mal compris par les dirigeants. Tout comme le risque économique au sens strict, le risque pénal (et les suites économiques qu’il peut engendrer), même s’il est inévitable et inéluctable, doit être géré afin d’en minimiser autant que possible les éventuelles conséquences.

La gestion de risques, y inclus les risques pénaux, fait partie des principes de bonne gouvernance et ne peut pas être ignoré par les dirigeants d’entreprise.

Le risque pénal est l’un des risques qui impacte le plus la vie, non seulement des êtres humains, mais également des entreprises. Aux mesures coercitives et condamnations susceptibles de s’appliquer s’ajoutent des risques « collatéraux » tels que le risque de réputation, non négligeable à la fois pour l’entreprise elle-même et pour ses dirigeants, pouvant avoir des conséquences néfastes pour l’un et pour l’autre.

Une augmentation non négligeable de ces risques

Certaines voix se sont levées, notamment en France, appelant une dépénalisation du droit des affaires dans le but d’éviter un excès répressif freinant la liberté d’entreprendre. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui la vie économique devient de plus en plus régulée, que ce soit au niveau national, européen ou international, de sorte qu’on peut parler d’une véritable inflation législative en matière économique. Et, de plus en plus souvent, cette réglementation de l’économie, dans un souci d’efficacité réelle, est assortie de sanctions pénales souvent très lourdes.

Ainsi, outre les infractions « classiques » contenues dans le Code pénal même, de plus en plus de lois particulières contiennent des dispositions pénales qui sanctionnent leur non-respect, que ce soit dans le domaine du droit des sociétés, du droit financier, du droit social, du droit de l’environnement, etc.

L’origine de ces risques peut se trouver à plusieurs niveaux. Excepté les risques engendrés par une véritable intention criminelle de la part de personnes physiques, au sein de l’entreprise et commis dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, de nombreux risques pénaux peuvent être le résultat d’actes commis (ou omis) par une personne qui simplement ignorait le caractère répréhensible de ces actes. En effet, l’inflation législative, et corrélativement le nombre d’actes pénalement répréhensibles dans le monde des affaires, fait que la prise de conscience des éventuelles conséquences pénales de l’activité économique devient de plus en plus difficile à la fois pour les dirigeants et pour les employés des entreprises.

Tout comme le risque économique au sens strict, le risque pénal (et les suites économiques qu’il peut engendrer), même s’il est inévitable et inéluctable, doit être géré afin d’en minimiser autant que possible les éventuelles conséquences.

Outre le risque encouru par des faits commis par les dirigeants et les employés de l’entreprise dans l’exercice de leurs fonctions au sein de cette entreprise s’ajoute le risque encouru du fait d’agissements de ces mêmes personnes pour leur propre profit et au détriment de l’entreprise elle-même ou de ses clients. Sans compter le risque pour l’entreprise d’être la victime d’agissement frauduleux de tiers (cybercriminalité, fraude « au président », etc.), phénomène qui est constamment en croissance.

Pour les entreprises actives à un niveau international, la gestion du risque pénal s’avère encore plus complexe. Des activités ou agissements qui dans le pays d’origine de l’entreprise en question peuvent être conformes à la législation en vigueur peuvent, dans un pays tiers où cette même entreprise est active, être pénalement sanctionnés.

Risque pénal et activités internationales

Pour les entreprises actives à un niveau international, la gestion du risque pénal s’avère encore plus complexe. Des activités ou agissements qui dans le pays d’origine de l’entreprise en question peuvent être conformes à la législation en vigueur peuvent, dans un pays tiers où cette même entreprise est active, être pénalement sanctionnés. De même, il peut arriver, notamment en matière de corruption, que des agissements non sanctionnés par la législation du pays tiers dans lesquels une entreprise luxembourgeoise est active sont pénalement réprimés au Luxembourg, même si l’intégralité des faits en question ont été commis à l’étranger.

Les étapes de la gestion du risque pénal

Dès lors, pour toute entreprise se pose la problématique de gestion de ce risque, à savoir comment le prévenir, ou tout au moins l’atténuer autant que possible.

Une première étape, essentielle, de la gestion du risque pénal est l’identification et l’analyse des risques concrets potentiellement encourus: un « audit pénal ». Ces risques diffèrent d’une entreprise à l’autre selon l’activité et doivent faire l’objet d’une analyse concrète, au cas par cas, qui se concrétise par une cartographie de ces mêmes risques et permet d’identifier la véritable exposition de l’entreprise.

La seconde étape est la mise en place de procédures et d’outils internes adéquats permettant de réduire au maximum l’exposition de l’entreprise au risque pénal. Une généralisation est difficile car les risques encourus sont différents d’un secteur d’activité à l’autre. Cependant, une bonne gouvernance ainsi que la mise en place de codes de bonne conduite et de chartes éthiques sont essentielles pour atteindre ce but. La formation des employés (adaptée à leurs fonctions respectives) au risque pénal qu’ils peuvent potentiellement encourir, pour eux-mêmes, leur supérieurs hiérarchiques ou leur entreprise, est également d’une importance primordiale.

Dans ce contexte, il convient d’identifier au sein de l’entreprise le ou les acteurs responsables de la gestion du risque pénal et de leur fournir les moyens adéquats pour y faire face, le cas échéant à l’aide de conseillers externes (avocats, etc.).

S’il est vrai que le risque pénal encouru par les entreprises peut être réduit par la mise en place de procédures et outils internes adéquats, il s’agit d’un risque qui ne peut jamais être exclu. Dès lors, il est important pour les entreprises d’anticiper et de mettre en place des « plans de crise », des procédures à suivre lorsqu’une infraction pénale a été commise, que ce soit au niveau du mode de coopération avec les autorités judiciaires ou au niveau de la communication interne, mais également et autrement plus important, la communication vers l’extérieur.

Coûts potentiels du risque pénal

Le coût du risque pénal ne doit pas être sous-estimé. Outre les condamnations « classiques », emprisonnement (pour les personnes physiques) et amendes pécuniaires, une condamnation pénale peut avoir de nombreuses autres conséquences telles que l’impossibilité d’exercer certaines fonctions ou professions, ou l’exclusion d’une entreprise de marchés publics. S’y ajoutent de nombreux autres coûts tels que les frais de justice, les honoraires d’avocats, le coût d’éventuelles expertises privées, des coûts opérationnels (fonctionnement de l’entreprise entravé du fait d’enquêtes pénales) et

Me Ari Gudmannsson Dispute Resolution/Criminal Law - Arendt & Medernach
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surtout les coûts liés à la réputation de l’entreprise. En effet, la réputation peut être fortement atteinte même si une procédure pénale engagée contre l’entreprise, ses dirigeants ou ses employés, n’aboutit pas à une condamnation finale.

Le risque pénal doit dès lors, au sein de chaque entreprise, être pris en compte dans le contexte d’une bonne gouvernance. L’entreprise doit ainsi se munir, non seulement de moyens adéquats pour prévenir ce risque, mais également d’une stratégie pour en minimiser les conséquences si effectivement il se réalise, que ce soit en interne ou en ayant recours à des conseillers externes.