Parler du temps qu’il fait a longtemps été une façon d’amorcer une conversation et de briser la glace quand on ne savait pas trop quoi dire et que l’on voulait badiner. Mais ça, c’était avant ! Désormais, le climat est un sujet grave et sérieux à tel point que des jeunes GINKS (Green Inclination No Kid), qui ont l’âge de leurs actes mais pas toujours la sagesse de leurs conséquences, en sont à ne pas vouloir d’enfants pour sauver la planète. Il faut dire que les temps ont sacrément changé.

Pas une semaine ne passe sans qu’une agence onusienne, le FMI, l’OCDE, des journaux grand public, une banque centrale, un leader d’opinion influent, ou un jeune révolté inquiet pour son lendemain ne tonitrue que le dérèglement climatique fait peser sur la tête du genre humain une menace carrément existentielle. Et au fur et à mesure que le temps passe, les conséquences concrètes du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles. Les inondations causées par de fortes précipitations au mois de juillet qui ont causé de graves dégâts au sein de la Grande Région sont à cet égard un exemple édifiant.

Les différents États se sont accordés dans le cadre de l’Accord de Paris sur le principe de limiter ce réchauffement de préférence sous le seuil de 1,5° C par rapport à l’ère préindustrielle et exposent, depuis dans des engagements, diversement fermes, leurs contributions en vue d’atteindre cet objectif. Le problème, car c’en est un, c’est que tenir les engagements annoncés ne sera pas chose aisée ; un autre problème, encore plus grave, c’est que les engagements pris sont loin d’être suffisants pour réussir à rester sous les 1,5° C. Le dernier rap - port du Programme des Nations Unies pour l’environnement sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (1) indique ainsi que « les contributions déterminées au niveau national des différents pays ne réduisent que de 7,5 % les émissions prévues pour 2030, alors qu’une réduction de 55 % est nécessaire pour atteindre l'objectif de hausse des températures à 1,5 °C fixé à Paris » .

Tous les doutes sont permis

Si s’en remettre aux promesses du progrès technique apparaissait traditionnellement comme une voie sage d’espérance vers une économie sobre en carbone, même d’invétérés cornucopiens sont à présent saisis de doutes car ni les avancées technologiques (nucléaire, numérique, renouvelables, voitures électriques, etc.), ni les nouvelles formes de production (économie du partage, économie circulaire), ni les nouveaux modes de consommation (durable, bio, équitable), ni les nouvelles approches des entreprises (RSE, stakeholders , sociétés à impact, etc.) des dernières années ne sont parvenus à inverser la vapeur. Alors que le temps presse, les grands « pollueurs » (USA, Chine, UE) jouent à l’équilibriste et sont « obligés » de souffler le chaud et le froid afin de contenter des ménages qui réclament à la fois du pouvoir d’achat (e.g. de l’énergie bon marché) et une lutte acharnée pour le climat.

Dans ce contexte, la déclaration du Premier ministre Bettel lors du discours sur l’état de la Nation : « nous ne pouvons plus changer le passé. C’est pourquoi il est d’autant plus important de tout mettre en œuvre pour qu’à l’avenir le changement climatique ne soit pas source d’encore plus de souffrance » peut être lue de plusieurs façons. L’une d’entre elles est de redouter que l’humanité ne parviendra pas non plus à changer le futur et à empêcher les conséquences d’une augmentation de la température bien au-delà des 1,5° au cours de ce siècle et qu’il va falloir par conséquent s’adapter et faire avec. Concrètement, cela veut dire que l’état de crise, sanitaire en 2020, pourrait bien être climatique à l’avenir.

Michel-Édouard Ruben Économiste Fondation IDEA asbl
Michel-Édouard Ruben Économiste Fondation IDEA asbl

(1) UNEP (2021), Emissions Gap Report 2021: The Heat Is On.