Tout comme la responsabilité pénale de l’entreprise elle-même, la responsabilité pénale de ses dirigeants, sujet de constante actualité, doit être au centre de leurs préoccupations. Le risque pénal encouru, souvent ignoré du fait d’une inflation de législation pénale dans le domaine économique et un éparpillement de ces dispositions dans une panoplie de lois particulières, est considérable et doit être connu et géré par les dirigeants afin de réduire au maximum le risque d’une condamnation pénale résultant des activités conduites au sein de leur entreprise.

Le présent article est consacré au risque pénal encouru par les dirigeants d’entreprise dans l’exercice de leurs fonctions et fait suite à deux premiers articles traitant des aspects généraux du risque pénal en entreprise et de la responsabilité pénale des personnes morales.

La responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise est depuis longtemps et demeure toujours une question d’actualité. Même si la loi du 3 mars 2010 introduisant la responsabilité pénale des personnes morales a ouvert la possibilité aux autorités de poursuivre la personne morale en tant que telle pour des infractions commises au sein d’une entreprise, elle n’a aucunement enlevé la possibilité de poursuivre également, et en parallèle, les dirigeants personnes physiques de cette entreprise pour les mêmes faits incriminés.

Le dirigeant d’entreprise s’expose à un risque pénal d’abord en sa qualité de représentant de la société qu’il dirige pour des actes accomplis par lui dans l’exercice de sa fonction, mais également du fait d’infractions auxquelles il n’a pas directement participé, mais qui se rattachent au fonctionnement de l’entreprise.

Ce sont, en premier lieu, les dirigeants de droit légalement nommés en vertu des prescriptions statutaires qui sont susceptibles d’engager leur responsabilité. Mais cette responsabilité incombe également à d’éventuels dirigeants de fait, c’est-à-dire à des personnes qui exercent, sans mandat social, une activité effective et indépendante dans l’administration générale de l’entreprise en question, que ce soit directement ou indirectement par l’interposition de tiers, ou que ce soit sous le couvert ou en lieu et place des dirigeants de droit. Dans ce contexte, il est important de souligner que les dirigeants de droit restent en principe pénalement responsables, même s’ils sont complètement inactifs, laissant la direction de la société au seul dirigeant de fait.

Au cas où une personne morale a été nommée dirigeant d’une entreprise, les dirigeants de cette personne morale dirigeante supportent la même responsabilité pénale que s’ils étaient dirigeants en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’ils dirigent.  

En cas de pluralité de dirigeants, administrateurs ou gérants, ils sont tous, en principe, à considérer comme co-auteurs responsables d’un mauvais fonctionnement de l’entreprise qui est susceptible d’être pénalement sanctionnée. 

Un champ étendu d’infractions

Le champ des infractions qui peuvent être commises par les dirigeants d’entreprise est extrêmement vaste. Comme déjà soulevé dans le premier article de cette série relatif au risque pénal encouru en entreprise, les actes susceptibles de donner lieu à incrimination, et donc à des sanctions pénales, sont très nombreux et variés. A côté des dispositions du Code pénal lui-même, de très nombreuses lois particulières touchant le monde des entreprises contiennent des dispositions pénales sanctionnant le nonrespect de certaines dispositions de ces lois, que ce soit dans le domaine du droit des sociétés, du droit du travail, du droit fiscal, du droit financier, du droit environnemental, etc. En effet, la plupart des dispositions pénales touchant le monde des entreprises provient de ces lois particulières dont le nombre rend une vue d’ensemble des infractions potentiellement encourues une chose ardue, même pour des spécialistes en la matière.

Si un fait commis au sein d’une entreprise est susceptible d’être qualifié d’infraction, se pose la question de savoir dans quelle mesure ce fait peut être imputé au dirigeant. Si le fait en question a été matériellement commis par le dirigeant luimême, la responsabilité pénale de celui-ci paraît évidente. Il se peut cependant que, en-dehors de toute participation active du dirigeant aux faits en cause, sa responsabilité pénale peut être engagée. Dans certains cas, la loi elle-même désigne la personne responsable de l’infraction. Une imputabilité conventionnelle peut exister dans des cas ou la loi impose la désignation d’une personne au sein d’une entreprise qui sera pénalement responsable du non-respect de certaines obligations qu’elle impose. Finalement, au cas où l’auteur de l’infraction n’est défini ni par la loi, ni par une convention suite à une disposition légale, le juge a souvent la possibilité d’imputer l’infraction à la personne physique qui avait de facto un pouvoir de décision.

Les risques pénaux encourus par les dirigeants d’entreprise sont très nombreux et la responsabilité pénale des dirigeants risque d’être engagée pour des faits survenus au sein de leur entreprise auxquels ils n’ont nullement participé, voire qu’ils ignorent totalement. La loi du 3 mars 2010 introduisant la responsabilité pénale des personnes morales a certes ouvert la possibilité aux autorités judiciaires, au cas où une poursuite d’un dirigeant du fait de l’absence de sa participation aux faits incriminés, de limiter les poursuites à l’entreprise, personne morale (et le cas échéant aux employés de l’entreprise qui ont matériellement participé à la commission de l’infraction), mais ils demeurent parfaitement libres de poursuivre en même temps le dirigeant.

Des conséquences lourdes

Ainsi, la prévention du risque pénal pour un dirigeant d’entreprise est d’une importance fondamentale. Indépendamment du risque pénal encouru de manière générale au sein d’une entreprise, il est important que chaque dirigeant évalue le risque pénal au regard de sa position et de sa fonction propre au sein de l’entreprise (ce risque n’étant pas nécessairement toujours le même que celui encouru par l’entreprise en tant que telle).

Une condamnation pénale peut en effet avoir des conséquences très graves pour un dirigeant d’entreprise, conséquences qui ne se limitent pas aux sanctions pénales en tant que telles (emprisonnement, amende, etc.), mais peuvent également être indirectes, comme, par exemple l’impossibilité d’exercer certaines fonctions, notamment dans des domaines où l’honorabilité professionnelle est une condition d’accès.

De nombreux moyens et outils peuvent être mis en place pour au moins atténuer ces risques, même s’il est certain que tout risque dans ce domaine ne peut jamais être complètement exclu. Un des moyens les plus importants peut être la délégation de pouvoirs au sein de l’entreprise qui, cependant pour être efficace, doit répondre à un certain nombre de critères bien précis et qui seront exposés dans le prochain article de cette série. 

Me Ari Gudmannsson Dispute Resolution/Criminal Law Arendt & Medernach
Me Ari Gudmannsson, Dispute Resolution/Criminal Law - Arendt & Medernach