Longtemps attendue, la réforme des régimes de pensions d’origine professionnelle est enfin sur les rails. Si elle ouvre l’accès de ces régimes aux indépendants, elle aura aussi des impacts sur les plans de pension des salariés. Cette réforme est programmée pour 2018.

La loi du 8 juin 1999 qui a encadré pour la première fois les régimes complémentaires de pension au Luxembourg, les réservait aux seuls salariés. Comme les derniers gouvernements s’y étaient engagés, un projet de loi ouvre aujourd’hui ces régimes aux indépendants. Pour ce faire, il s’appuie sur une structure existante : les régimes dits « dûment agréés ». Actuellement, ceux-ci servent à réceptionner les droits acquis d’affiliés ayant quitté leur employeur. Demain, ils recueilleront aussi les contributions des travailleurs indépendants. Un système particulièrement souple qui réservera à ces indépendants, des droits assez similaires à ceux des salariés (information annuelle…). Au niveau fiscal, leurs cotisations seront déductibles à concurrence de 20 % de leurs revenus annuels nets, limités toutefois à un plafond égal à cinq fois le salaire social minimum. Mais, par la même occasion, le législateur veut dupliquer cette règle aux régimes salariés et ce, sans aucune disposition transitoire. L’ouverture du 2e pilier aux indépendants ne l’impose nullement. Il s’agit de populations différentes, bénéficiant de pensions complémentaires de nature structurellement différente également. Par ailleurs, à l’instar des allocations patronales pour salariés, les indépendants verront aussi leurs contributions imposées à 20 %. Ce qui pose de nouveau le risque d’une double imposition dans le chef des non-résidents au moment de percevoir leur prestation. En effet, les conventions fiscales renégociées après la loi de 1999 ne l’ont été que dans l’optique de régimes salariés…

Le délai d’acquisition des droits

La deuxième modification majeure introduite par le projet de loi découle de la transposition d’une directive européenne Mobilité qui vient notamment limiter le délai d’acquisition des droits à pension. Au Luxembourg, il est encore permis d’imposer 10 ans de service maximum avant de pouvoir bénéficier de droits acquis. Mais au niveau européen, il a été décidé de limiter cette période à 3 ans maximum. Ce nouveau délai sera automatiquement d’application pour les nouveaux salariés, entrés en service à partir du 1er janvier 2018. Mais pour ceux engagés précédemment, des dispositions transitoires ont été prévues : ils continueront de bénéficier de droits acquis au terme de la période fixée par leur règlement de pension si cette date est antérieure au 1er janvier 2021. Dans le cas contraire, leurs droits leur seront alors automatiquement acquis à cette date, soit 3 ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle règle.

Les conséquences d’une sortie d’un plan de pension

Lorsqu’un affilié quitte un plan de pension, le projet de loi adapte les possibilités d’affectation de ses droits acquis :

  • l’option Maintien des droits auprès de l’ancien employeur doit toujours être proposée, mais si le projet de loi reste en l’état, cela entraînerait deux conséquences assez inattendues :
  1. 1°) dans le cadre d’un régime à prestations définies, ces droits « dormants » seraient automatiquement indexés, à l’instar des salaires alors que les droits issus d’un régime à contributions définies continueraient simplement de bénéficier du rendement du régime. Cette mesure découle d’une lecture pour le moins discutable de la directive Mobilité. Elle s’appliquerait en outre avec effet rétroactif, sans aucune limitation dans le temps… Seuls, les régimes fermés au 20 mai 2014 en seraient exemptés ;
  2. il est aussi prévu l’octroi automatique d’une couverture Décès à concurrence des réserves acquises (ou, en d’autres termes, l’épargne constituée) : en cas de décès d’un affilié « dormant » avant sa retraite, ce montant serait versé à ses ayants droit. Mais le projet reste muet quant au financement de cette garantie ;
  • le projet de loi confirme que le transfert individuel des droits acquis est toujours possible vers le régime du nouvel employeur ou vers un régime complémentaire de pension agréé et ce, à tout moment ;
  • par contre, le rachat des droits acquis sera dorénavant proscrit, y compris dans le cas de montants « minimes ». Le but est d’assurer la constitution d’une épargne en vue de la retraite, les avantages fiscaux ayant été aussi octroyés dans cette optique. A priori, on peut suivre les auteurs du projet de loi sur ce point. Toutefois, un peu moins lorsque les montants en jeu sont dérisoires comme, par exemple, une rente de l’ordre de 100 EUR/an.

Pour le reste, le projet de loi corrige encore quelques points de la loi du 8 juin 1999, vu l’expérience engrangée en la matière. Nous nous limiterons ici à deux points en particulier : les modifications d’un plan de pension et l’information annuelle à fournir aux affiliés.

Les modalités de modification d’un plan de pension

L’employeur ne peut toujours modifier unilatéralement son plan de pension que dans des circonstances très spécifiques, notamment en cas de modifications importantes en matière de sécurité sociale ou de fiscalité. Par contre, les modifications découlant d’un commun accord entre affiliés et employeur sont désormais admises explicitement. En outre, afin de préciser le principe de non-rétroactivité de telles modifications, la loi interdit expressément toute diminution des prestations acquises (correspondant au montant auquel l’affilié pourra prétendre à la retraite tandis que les réserves acquises en représentent la valeur actuelle). La pratique a apparemment démontré que la mise en place d'une assurance de groupe à contributions définies en remplacement d'un régime interne à prestations définies pouvait déboucher sur une diminution de ces prestations acquises. En effet, en cas de transfert des droits constitués vers le nouveau régime et l’application notamment d’un taux d’intérêt moins élevé, ces réserves issues du régime interne ne permettront plus de garantir, à l’âge de la retraite, l’engagement de pension pris initialement par cet employeur. La loi confirmera que cette façon de procéder n’est pas permise.

L’information annuelle

Désormais, une information annuelle devra être fournie à tous les affiliés, tant actifs que dormants. Cette fiche individuelle devra toujours reprendre la valeur des réserves et prestations acquises. Dans le cas de régimes à contributions définies sans garantie de rendement, il n’est évidemment pas possible de calculer un montant à la retraite dans la mesure où la valeur des parts liées aux fonds d’investissement va fluctuer au fil du temps. Néanmoins, il faudra mentionner une projection, à l'âge de la retraite, de la valeur déjà acquise et ce, au moyen d'un taux de rendement, par définition hypothétique. Même s’il s’agit d’une simple estimation, une telle information risquera de générer de fausses attentes dans le chef des affiliés. Mais de manière plus générale, dans le cadre de cette information annuelle, ne serait-il pas indiqué de reprendre dès à présent les règles prévues à cet égard par une nouvelle directive sur les fonds de pension et qui doivent être implémentées pour 2019 au plus tard ? Cette directive organise une information assez détaillée pour les affiliés d’un plan de pension financé au sein d’un fonds de pension. Dès lors, pourquoi ne pas profiter du projet de loi actuel pour uniformiser les informations à fournir à tout affilié et ce, peu importe le véhicule de financement ? Il serait en effet difficilement justifiable que les affiliés reçoivent des informations différant selon le mode de financement choisi par leur employeur. Ainsi par exemple, cette directive prévoit que lorsque des projections sont effectuées en matière de prestation Retraite, basées sur des scénarios économiques comme le prévoit le projet de loi, cette information devra comprendre aussi bien un scénario Best estimate qu’un scénario défavorable.

Ainsi, après 17 ans d’existence, il était certainement temps de revoir cette loi encadrant les plans de pension. A ce stade, il reste toutefois encore des zones d’ombres et des corrections à apporter au projet. C’est à la Chambre des députés qu’il reviendra de proposer un texte adapté pour 2018. A suivre… 

Pierre Doyen, Conseiller juridique, ESOFAC Luxembourg S.A
Pierre Doyen, Conseiller juridique, ESOFAC Luxembourg S.A