La prise d’un congé parental influe-t-elle sur le salaire des mères après l’accouchement ?
Le congé parental est une interruption de carrière temporaire qui permet aux parents de consacrer du temps à la garde de leurs enfants tout en conservant le droit de récupérer leur ancien poste. L’un des objectifs de la politique de congé parental est de permettre la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, et de promouvoir la participation des femmes au marché du travail.
Les études menées dans différents pays (dont le Luxembourg) suggèrent que le congé parental a un impact positif sur le retour au travail des mères après la naissance d’un enfant. La question qui se pose est la suivante : les parents qui prennent un congé parental et restent sur le marché du travail subissent-ils des désavantages ou des pénalités par rapport aux parents qui ne le prennent pas ? Plus concrètement, il s’agit de savoir si la prise d’un congé parental influe sur les revenus que peuvent gagner les parents après l’accouchement. Il n’existe que très peu de recherches et d’essais consacrés à l’effet de la prise d’un congé parental sur le salaire des parents après un accouchement.
La prise d’un congé parental affecte-t-elle le salaire des mères après l’accouchement ?
Ce texte présente et discute les résultats d’un article scientifique(1) rédigé par Michela Bia, German Blanco et Marie Valentova, dans le cadre d’un projet de recherche mené au LISER avec le soutien du Fonds National de la Recherche (FNR) du Luxembourg( 2). Ledit article étudie les problématiques susmentionnées concernant l’effet de la prise d’un congé sur le salaire après l’accouchement dans le contexte du Luxembourg et répond aux questions de recherche suivantes : les mères éligibles au congé parental subissent-elles des pénalités salariales après leur accouchement et la prise d’un congé parental ? Si oui, combien de temps les pénalités salariales observées persistent-elles ? Existe-t-il des différences selon les groupes de mères et de pères en fonction de leur salaire avant la naissance de leurs enfants ? L’étude se base sur les données des archives administratives de la Sécurité sociale fournies par l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale (IGSS) du Luxembourg datant des années 2004 à 2015(3).
La population de notre étude comprend les mères d’enfants uniques vivant au Luxembourg. La population de l’étude est limitée aux mères ayant donné naissance à leur premier enfant au cours de la période analysée (2005 à 2010) et qui ont eu droit à un congé parental. Nous avons également restreint l’échantillon aux mères occupant un emploi soit à temps plein, soit à temps partiel. L’échantillon final a dénombré 1.818 observations.
Une dernière explication pouvant être avancée est le comportement des employeurs. Les personnes qui prennent un congé peuvent être perçues par leurs employeurs comme étant moins motivées et moins impliquées dans leur travail, et commencer à faire l’objet d’une discrimination.
Pénalité salariale liée au congé parental chez les mères ayant un potentiel de revenu plus élevé
Les auteurs utilisent une méthode statistique qui permet d’estimer les limites hautes et basses de l’effet de la prise du congé parental sur le salaire des mères. Les scénarios les plus optimistes concluent à un impact moyen nul sur les salaires. Mais dans les scénarios les plus pessimistes, l’impact serait non négligeable (- 8 %). Les auteurs soulignent également que la prise du congé parental a des effets hétérogènes sur les salaires : l’effet est important pour le haut de la distribution des salaires ; cet effet ne disparaît pas avec le temps.
Explications possibles de la pénalité salariale après l’accouchement liée au congé parental
Les résultats mentionnés ci-avant peuvent être expliqués par plusieurs types de raisonnement. La première explication possible est la dépréciation du capital humain. L’interruption de carrière peut en effet entraîner une perte d’expérience professionnelle et de compétences qui pourrait être plus prononcée chez les femmes ayant un potentiel de revenu élevé et occupant des postes plus qualifiés, où la mise à niveau régulière des compétences est importante.
Une seconde explication possible concerne la différence de perspectives de promotion entre les mères qui prennent un congé parental et celles qui n’en prennent pas. En raison de leur absence du lieu de travail et de l’impossibilité d’investir dans le développement de la carrière ou de le négocier, les personnes qui prennent un congé parental peuvent être confrontées à un rythme plus lent en matière de progression de carrière et de promotion dans leur métier. Les femmes qui prennent un congé parental sont peut-être aussi moins susceptibles de bénéficier de nouvelles offres d’emploi sur le marché du travail que les mères dont la carrière est ininterrompue et, par conséquent, perdent des occasions d’augmenter leurs revenus en changeant d’emploi.
Une autre explication repose sur l’hypothèse selon laquelle les femmes qui ont choisi de prendre un congé parental et qui ont été exposées à une interruption de carrière ont créé un lien plus fort avec l’enfant et ont peut-être changé leur relation avec leur travail et la place qu’il prenait dans leur vie. Par exemple, elles peuvent opter volontairement pour des tâches professionnelles avec moins de responsabilités ou réduire leur implication professionnelle, notamment concernant leurs horaires de travail.
Enfin, une dernière explication pouvant être avancée est le comportement des employeurs. Les personnes qui prennent un congé peuvent être perçues par leurs employeurs comme étant moins motivées et moins impliquées dans leur travail, et commencer à faire l’objet d’une discrimination pouvant se traduire par des perspectives de promotion plus faibles ou par l’attribution de tâches moins stratégiques à des postes plus facilement remplaçables, et ainsi entraîner des augmentations de salaire plus faibles au fil du temps par rapport à leurs homologues qui ne prennent pas de congé parental ou n’ont pas l’intention de le prendre.
Observations finales
La population étudiée ici est constituée des mères primipares admissibles au congé parental, qui ne représentent qu’un sousgroupe de mères. Les résultats ne peuvent pas être généralisés à l’ensemble de la population des mères admissibles. En outre, l’analyse porte sur la période allant de 2005 à 2015, c’est-à-dire sous l’ancienne législation régissant le congé parental. Au cours de la période analysée, les paramètres de la politique relative au congé parental sont demeurés les mêmes depuis l’introduction de la politique en 1999. Une réforme majeure de la politique du congé parental au Luxembourg a été introduite en décembre 2016. Des recherches complémentaires, nécessitant de couvrir une période suffisamment longue, sont nécessaires pour compléter l’étude présentée ici.
Les auteurs utilisent une méthode statistique qui permet d’estimer les limites hautes et basses de l’effet de la prise du congé parental sur le salaire des mères. Les scénarios les plus optimistes concluent à un impact moyen nul sur les salaires. Mais dans les scénarios les plus pessimistes, l’impact serait non négligeable (- 8 %).
(1) Michela Bia, German Blanco et Marie Valentova, The Causal Impact of Taking Parental Leave on Wages: Evidence from 2005 to 2015, 29 octobre 2021, LISER, 48 p. (Working papers no 2021-08).
(2) FNR CORE 2016 C16/SC/11324101/ PARENT – Évaluation du congé parental au Luxembourg focalisée sur les stratégies des couples et le rôle des caractéristiques du lieu de travail, avec le soutien du Fonds National de la Recherche (FNR) du Luxembourg.
(3) Les résultats et points de vue présentés dans cet article doivent être attribués à ses auteurs et ne reflètent en aucun cas le point de vue de l’IGSS ou du LISER.