Le marché des investissements socialement responsables continue à progresser significativement. La stratégie de niche, il y a encore 5 ans, devient la nouvelle norme.

L’intégration des facteurs ESG – Environnement, Social, Gouvernance – se généralise dans les processus d’investissement au nom de la responsabilité fiduciaire des investisseurs, responsabilité renforcée par le cadre réglementaire. En effet, nationale, européenne ou internationale, elle a quasi doublé depuis 2015 sur la question des enjeux ESG. Au niveau des entreprises d’abord : plus de 6.000 entreprises en Europe comptant plus de 500 employés seront contraintes dès 2018 de rapporter sur leurs données dites extra-financières. Au niveau des investisseurs ensuite : que ce soit la directive européenne pour les institutions de retraite ou l’article 173 de la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte en France exigeant des investisseurs institutionnels de rapporter sur leur prise en compte des facteurs ESG dans leur gestion de portefeuille. Comment Degroof Petercam AM met-elle en pratique ces trois dimensions ?

E pour environnement

Ces deux dernières années ont marqué un tournant dans la prise de conscience de la sphère financière sur son rôle dans le financement d’une économie plus verte. Les applaudissements du succès de la COP21 à Paris fin 2015 ont été suivis par les huées de la sortie de l’accord des Etats-Unis alors que le Président français fraîchement élu nommait un écologiste à la tête du ministère de la Transition énergétique. La Chine a adopté son plan quinquennal (2016-2020) et se positionne comme leader dans l’innovation environnementale pour contrer le fléau de pollution que sa classe moyenne émergente refuse. La limitation du réchauffement climatique à 2° est dorénavant un scénario à part entière de la très renommée Agence Internationale de l’Energie. Enfin, la réglementation croissante pour la prise en compte du risque carbone dans les portefeuilles confirme qu’il s’agit d’un risque économique à part entière et non un objectif environnemental de quelques investisseurs écologistes.

Avec l’objectif louable pour plus de communication et de transparence, le défi aujourd’hui est de ne pas se perdre dans une multiplication d’initiatives et de rapports sur la question, au risque de complexifier la matière et noyer les véritables enjeux sous les discours de méthodologies, d’approches et de calculs. Car c’est avant tout un enjeu économique capital pour les entreprises comme pour les pays.

S pour social

C’est également à un véritable tournant démographique auquel nous assistons.

Tout d’abord, une population vieillissante – et pas uniquement dans notre vieille Europe – avec des taux de fertilité au plancher et une modification profonde de l’âge de travail.

Ensuite, le défi de nourrir 9,1 milliards d’êtres humains en 2050 et la thématique de la sécurité alimentaire prend tout son sens.

Enfin, les générations Y (née après 1980) et Z (après 2000) qui ont déjà surpassé en nombre les Baby Boomers aux Etats-Unis, modifient profondément les mentalités et comportements de consommation des générations qui les ont précédées.

Population vieillissante – enjeu majeur des Etats et entreprises

Le renversement des pyramides des âges affecte les forces de travail disponibles et les politiques en matière d’emploi et de retraite. Face à une productivité au plus bas – moins de 1 % par an – les robots sont promis à un bel avenir. Une étude du consultant PwC estime à 15.700 milliards USD la contribution de l’intelligence artificielle au produit intérieur brut mondial de 2030, grâce d’une part à la hausse de productivité mais également la hausse de demande.

Les entreprises doivent s’adapter pour rester compétitives demain. Leur anticipation dans la gestion de leur capital humain est primordiale – attirer et garder les meilleurs talents – particulièrement pour des secteurs dont la survie dépend directement de la qualité de son capital humain tels que les services IT, l’informatique, la recherche pharmaceutique, etc.

Les investissements au service de la sécurité alimentaire

Le secteur agricole et alimentaire, le plus gros consommateur d’eau et important émetteur de gaz à effet de serre, est en première ligne des défis liés à la croissance démographique, le changement climatique et la sécurité alimentaire. Les investisseurs ont un rôle à jouer, bien au-delà de lutter contre la spéculation alimentaire. Au contraire, en choisissant les solutions à la problématique de disponibilité, accessibilité et adéquation alimentaire en investissant en amont de la chaîne de production (infrastructure, logistique, équipement, semences, etc.). Il faut penser davantage à produire mieux et non produire plus, c’est-à-dire réconcilier les défis de la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement, l’adéquation et qualité nutritive et l’équité sociale. La technologie a également un rôle prépondérant à jouer. Fort d’une solide performance de plus de dix ans dans le secteur, nous concentrons nos efforts de recherche sur ces entreprises innovantes, en ligne avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies tels qu’éliminer la faim et promouvoir l’agriculture durable (objectif 2) tout en conservant et exploitant de manière durable les océans, les mers et les ressources marines (objectif 14), et en préservant et restaurant les écosystèmes terrestres (objectif 15).

G pour gouvernance, l’élément indispensable à tout investissement

Les Etats, les entreprises et la société civile font face à un paradoxe démocratique aujourd’hui : alors que les réseaux sociaux, les référendums, etc. semblent renforcer l’expression démocratique, dans la réalité elle est plutôt restreinte.

Or, la bonne gouvernance, d’un pays comme d’une entreprise, est le fondement de toute politique durable sociale et environnementale, assurant stabilité et dès lors une volatilité plus faible des investissements.

Une actualité de contradictions

Comme souligné par les dernières publications de Freedom House ou de l’Indice de Démocratie, nous faisons face à une participation politique croissante et dans le même temps un recul continu de la démocratie. Seuls 4,5 % de la population mondiale résident désormais dans une démocratie totale contre encore 8,9 % en 2015. L’emblème même des droits et liberté – les Etats-Unis – est dorénavant qualifié de démocratie imparfaite suite à la perte de confiance dans le fonctionnement des institutions publiques. La faute ne peut être imputée à un seul homme mais au contraire à un processus de longue gestation qui s’est inséré dans les rouages démocratiques américains depuis plusieurs années. Cette perte de confiance de la population pour les institutions et élites politiques est également visible en Europe et requiert que nous restions attentifs et vigilants. Le socle démocratique est à la base même d’une garantie des autres droits fondamentaux et l’assurance d’une stabilité sociale et d’un investissement plus stable et plus serein.

Il en va de même pour les entreprises. D’une part, l’entreprise Snap, à l’origine de l’application Snapchat, bafoue en toute impunité les droits élémentaires des actionnaires. D’autre part, les géantes pétrolières plient sous la pression de leurs actionnaires et rendront dorénavant des comptes sur leur responsabilité environnementale et leur gestion des risques liés au changement climatique.

En effet, la maison mère Snap de l’application la plus utilisée par la génération Z (entre 0 et 18 ans aujourd’hui) a soulevé la colère des investisseurs en supprimant tout droit de vote attaché aux actions proposées au public au nom des sacro-saintes dynamique et flexibilité, vitales pour son modèle d’entreprise.

Comment appréhender les pratiques de gouvernance face aux entreprises prônant innovation et créativité ? Les modèles choisis ces dernières décennies sont-ils capables de répondre aux nouvelles structures et organisations ? Ce sont les types de question et de défis auxquels en tant qu’actionnaires responsables nous sommes confrontés et auxquels nous devons réfléchir.

Ophélie Mortier - Stratégiste Investissement Responsable, Degroof Petercam AM
Ophélie Mortier - Stratégiste Investissement Responsable, Degroof Petercam AM