Comme tout ce qu’elle touche, la pandémie COVID-19 a bousculé le marché immobilier, mais il est encore trop tôt aujourd’hui pour tirer les conséquences réelles de la crise sur celui-ci. Néanmoins, des impacts se font sentir, les professionnels du secteur sont unanimes. Jean-Nicolas Montrieux, Partner et nouvellement CEO d’INOWAI, nous en dit plus.

Le marché immobilier est composé de différents types d’actifs, qui ont été plus ou moins impactés. Quelle est votre analyse à ce moment précis ?

Au vu des différents confinements/déconfinements et autres mesures sanitaires mises en place, le retail est l’un des secteurs les plus touchés. C’est à nuancer toutefois en fonction du type d’activité. On peut dire que tout ce qui touche à la grande distribution a bénéficié de la crise, tandis que les commerces de détail, qui ont été fermés pendant un certain temps, ont vu leurs revenus chuter et leur clientèle se tourner vers d’autres habitudes de consommation, comme les achats en ligne. Néanmoins, on voit aussi se dessiner une certaine complémentarité entre commerces en ligne et traditionnels, certains acteurs en ligne projetant même d’ouvrir des boutiques physiques.

Quant à l’HORESCA, la situation est catastrophique, mais il est difficile à l’heure actuelle d’anticiper toutes les conséquences (faillites, vacance des locaux, répercussions sur les propriétaires…). En fonction de la durée de la crise, certains ajustements plus ou moins importants devront être apportés ; il faut donc s’attendre à certaines corrections de valeur, un état des lieux ne pouvant être fait correctement que lorsque nous serons revenus à une situation plus « ordinaire ».

Les conséquences sur l’immobilier de bureaux sont sans doute celles qui préoccupent nombre d’employeurs aujourd’hui. Que leur répondez-vous ?

Travailler semaine après semaine à la maison depuis près d’un an est une situation exceptionnelle, qui ne pourra pas perdurer pour de multiples raisons. Néanmoins, des habitudes de télétravail ou de home office ont vite été adoptées, certains aspects étant parfois appréciés, comme le fait de ne plus se déplacer aux heures de pointe, de bénéficier d’une plus grande flexibilité horaire… La pandémie a ainsi accéléré un phénomène qui était latent dans certaines entreprises ou déjà existant dans d’autres.

Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir raisonner autrement en matière de calcul d’espaces de travail et analyser les fondamentaux d’un bureau afin de les adapter aux nouveaux besoins des salariés et de l’entreprise ou d’en tenir compte dans le cadre de projets immobiliers futurs. Pour les entreprises qui autorisaient déjà le télétravail 1 ou 2 jours par semaine, on estime que cela représente +/- 20 % d’occupation des bureaux en moins, mais cela ne signifie pas qu’il faut de facto réduire la surface de 20 %. Aujourd’hui, on ne sait pas comment la législation sera adaptée, ici et dans les pays frontaliers. Il est trop tôt pour prendre des décisions radicales. Notons encore que la vague coworking a été freinée, mais la tendance de fond, qui existait avant la crise, offrira encore de belles opportunités.

Le marché résidentiel a, lui, tenu bon…

En effet, nous craignions des répercussions sur ces actifs aussi, mais le confinement a fait émerger des réflexions profondes sur les espaces de vie et, avec elles, des projets d’achat/vente se sont développés. La crise a donc eu un effet d’accélérateur. L’activité est très soutenue et le marché est aussi tendu qu’avant la crise. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les conséquences sociales de la crise (perte d’emploi ou affaiblissement des revenus, par exemple) se paieront sans doute plus tard. Sur un autre plan, le confinement a montré l’importance du confort dans les logements et notamment le besoin d’espaces extérieurs. Néanmoins, acheter une maison à la campagne reste une tendance relativement marginale. Le Luxembourg reste un marché d’appartements, du moins dans la capitale.

Jean-Nicolas Montrieux, Partner et CEO, INOWAI. Photo-Maison Moderne
Jean-Nicolas Montrieux, Partner et CEO, INOWAI. Photo-Maison Moderne

Différentes alternatives au logement traditionnel, comme le coliving, sont-elles dans les cartons ?

Le coliving est une tendance que de nombreux pays observent et qui émerge à peine au Luxembourg. On ne parle pas ici de colocation, mais de produits haut de gamme qui s’adressent à une clientèle jeune, nomade qui, au-delà de l’aspect logement, recherche une expérience de vie. Luxembourg est un terreau tout à fait propice au développement de cette tendance car il accueille de nombreuses personnes en provenance de l’étranger venant y travailler quelques mois ou années et qui préfèrent le coliving à la location en solitaire. Nous avons d’ailleurs des projets en cours avec la start-up Cocoonut, soutenue par INOWAI, qui a pour ambition de développer des projets de coliving au Luxembourg et dans la Grande Région.

Propos recueillis par Isabelle Couset