Depuis la crise COVID qui a obligé des millions de salariés à télétravailler, la parole en entreprise a été entravée par la distance entre les salariés et leurs dirigeants, entre les collègues, et les outils technologiques ont souvent été ressentis comme une barrière aux contacts humains. Spécialiste en stratégie orale, l’agence parisienne Whistcom propose aux dirigeants et cadres des parcours de développement personnel pour augmenter l’impact en prise de parole. Entretien avec l’un de ses cofondateurs, Charlie Clarck.

En préambule, pouvez-vous nous donner quelques résultats de l’étude que vous avez menée en 2021 auprès de salariés ?

La majorité des salariés interrogés ont répondu que la parole de leur hiérarchie était trop chronophage et qu’elle se révélait être plus souvent du « blabla » que de l’information vraiment utile. Seuls 12 % des salariés trouvaient leur dirigeant inspirant. Mais 2/3 des répondants estimaient que lorsqu’un dirigeant s’exprimait bien, son discours avait des répercussions sur leurs motivations et leur bien-être.

Depuis 2015, vous accompagnez des dirigeants et cadres. Quels sont les changements que vous avez perçus ces dernières années ?

On sent clairement que les liens se sont distendus entre les équipes et leur mana- gement. Aujourd’hui, télétravail obligeant, les collaborateurs n’ont plus les mêmes attentes et attitudes vis-à-vis de leur travail et du sens qu’il lui donne. Pour les entreprises, la crise COVID a laissé place à une crise de la communication. Il faut donc se réinventer sur le fond, la forme et le format. Auparavant, lors des rares moments où ils prenaient la parole, les managers étaient uniquement attendus pour briller sur scène.

Aujourd'hui, l'entreprise attend du manager qu’il soit inspirant, c’est-à-dire qu’il ait la capacité de (re)motiver ses équipes, et surtout que son message soit compris et retenu. Actuellement, la notion de dialogue a repris tout son sens. Tant mieux, car les jeunes générations, toujours en quête de sens par rapport à ce qui leur est demandé, ont besoin d’une communication constante avec leur hiérarchie.

Charlie Clarck, cofondateur, Whistcom.
Charlie Clarck, cofondateur, Whistcom.

Quelles sont les formations proposées par Whistcom ?

Chaque année, nous formons quelque 350 personnes, principalement dans notre Whistcenter, mais aussi dans les entreprises françaises et étrangères. Ces formations se déroulent de manière individuelle, collective ou encore sur mesure. Nous travaillons avec une vingtaine de professionnels reconnus, chacun expert dans son domaine (consultant en communication, acteur, coach vocal, comédien, chanteur, journaliste, coach en gestion des émotions, conseiller en image...) afin de former les dirigeants aux techniques de prises de parole en toutes situations : présentiel, visioconférence, animation de webinaires, écriture de discours, communication avec les médias... Notre but est de plonger les cadres et dirigeants dans la vraie vie, dans une communication du quotidien. Durant les séances, ils sont filmés, puis débriefés.

Après des mois de communication à distance, l’oralité est de retour...

En effet, et on s’aperçoit que, dans les entreprises, celle-ci contribue à une meilleure productivité et est génératrice de bien-être. Bien communiquer oralement contribue à un bon esprit d’équipe en renforçant l’engagement des salariés. C’est la raison pour laquelle il faut (ré)apprendre quelques règles de la communication orale : s’écouter, comprendre la(les) personne(s) que l’on a face à soi, avoir de l’empathie... Pour cela, il faut cesser de faire des monologues et tenir un discours clair.

Au sein de votre agence, vous avez créé une cellule R&D. Que vous apprend-elle ?

Que la parole n’est pas un art, mais une science. Que l’on prend la parole d’abord avec ses pieds. S’ils sont bien ancrés, tout le reste du corps se libère, les mains, le regard... Nous avons créé la méthode SPORT qui, sous l’acronyme, rassemble 5 outils indispensables à la bonne méca- nique de la prise de parole : Sourire, Pieds accrochés au sol, Ouverture des mains, Regard (vers l’auditoire) et se Taire (l’art d’intégrer des silences). Sans silences, il n’y a pas de prise de parole. Paradoxalement, bien communiquer, c’est d’abord apprendre à se taire. Ce n’est pas sans raison que notre agence s’appelle Whist qui signifie « Chut ! »/« Tais-toi ! ». Le whist est aussi un jeu de cartes basé sur de la stratégie, à l’image des structures de nos formations, construites puis consolidées par les atouts de chacun.

Propos recueillis par Isabelle Couset

https://whistcom.com