Un député de Meurthe-et-Moselle, Xavier Paluszkiewicz, souhaite permettre 2 jours de télétravail par semaine pour les frontaliers sans que cela n’entraîne d’incidence sur la sécurité sociale. Il a porté une proposition de résolution allant de ce sens au début de cette année. Mais peut-on y croire ?

Pour le moment (mais jusqu’à quand ?), des moratoires permettent à l’ensemble des travailleurs frontaliers de travailler depuis leur domicile sans craindre des réclamations de l’administration fiscale de leur pays de résidence. Ces mesures, on le sait, sont de nature exceptionnelle et n’ont pas vocation à être indéfiniment prolongées. Une fois qu’elles seront levées, cependant, les travailleurs frontaliers belges et français, suite à de nouveaux accords pris, devraient pouvoir travailler jusqu’à 34 jours dans leur pays de résidence sans que cela n’ait des implications fiscales particulières. Ce seuil est de 19 jours pour les frontaliers allemands. Au-delà, chacun est redevable au fisc de son pays au prorata du nombre de jours prestés dans son pays. Une autre limite à un recours plus large au télétravail des frontaliers concerne la sécurité sociale. Jusqu’à présent – et en dehors de la crise sanitaire – un salarié bascule sur la sécurité sociale de son pays dès qu’il effectue plus de 25 % du total de son temps de travail chez lui. Si les employeurs et les salariés peuvent encore s’accommoder d’une légère hausse de la fiscalité, cette contrainte relative à la sécurité sociale est beaucoup plus problématique.

Élargir au-delà de 34 jours

En France, le député Xavier Paluszkiewicz souhaiterait pour sa part que les travailleurs frontaliers puissent disposer de 2 jours de télétravail par semaine sans entraîner d’impact sur la sécurité sociale. Dans cette perspective, il a porté une proposition de résolution qui a été adoptée en janvier par la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale française. «Il s’agirait donc de permettre 2 jours de télétravail par semaine, mesurés sur une période hebdomadaire et sans incidence sur la sécurité sociale, a-t-il précisé dans un communiqué. Cette solution est simple à matérialiser, facilement contrôlable par les administrations et répond aux attentes des frontaliers. »

Le député souhaite aussi arriver à une reconnaissance européenne du travailleur frontalier pour les 1,5 million de travailleurs européens qui, chaque jour, jouent à saute-frontière. Cette reconnaissance permettrait de leur conférer des droits particuliers.

Reconnaître le statut de frontalier

Le député a identifié des voies réglementaires, au niveau européen, permettant un élargissement du nombre de jours de télétravail. L’article 16 du règlement européen 883/2004, par exemple, permet aux autorités compétentes des États membres de prévoir, d’un commun accord et dans l’intérêt de certaines personnes, des dérogations. Il s’agirait donc de privilégier la voie d’accords bilatéraux entre la France et le Luxembourg (et pourquoi pas entre la Belgique et le Luxembourg) pour élargir le télétravail au-delà de 25 % du temps de travail en alignant à cette occasion les considérations relatives à la sécurité sociale et les aspects fiscaux. Le député souhaite aussi arriver à une reconnaissance européenne du travailleur frontalier pour les 1,5 million de travailleurs européens qui, chaque jour, jouent à saute-frontière. Cette reconnaissance permettrait de leur conférer des droits particuliers.

Matière à discuter

L’adoption de la résolution ne signifie cependant en rien que de telles mesures vont être mises en œuvre. Toutefois, le député considère que le débat doit être mené et entend continuer à défendre cette idée. La situation sanitaire a changé la perception que l’on pouvait avoir du télétravail. Il y a des évolutions à considérer dans l’intérêt des frontaliers, avec des volontés politiques à aligner de part et d’autre des frontières. Mais le parcours pour concrétiser ce projet pourrait s’avérer long et fastidieux. Il y a au moins lieu, de chaque côté, d’évaluer les enjeux, opportunités et risques liés à une telle évolution. Si, côté français, on peut identifier un manque à gagner fiscal, permettre à des frontaliers de rester 2 jours sur place pourrait entraîner des retombées liées à la consommation locale. Si l’économie luxembourgeoise, pour sa part, pourrait souffrir de l’absence de ces frontaliers, qui consomment aussi sur place, étendre le télétravail répond à des enjeux d’attractivité du pays ou encore à des problématiques de mobilité. Bref, il y a matière à en débattre.

Sébastien Lambotte