Conditions et avantages d’un accord extrajudiciaire entre l’employeur et le salarié

Face à l’issue incertaine inhérente à tout procès judiciaire et au regard des décisions récentes des juridictions du travail tendant à une augmentation significative des montants alloués à un salarié abusivement licencié au titre de la réparation de ses préjudices moral et matériel, la transaction se présente comme une alternative intéressante de règlement de conflit.

En effet, en matière de droit du travail, par exemple dans le cadre d’un litige relatif à un licenciement, la transaction garde tout son intérêt alors qu’en fonction de l’âge d’un salarié, de son ancienneté au sein de l’entreprise (voire du groupe) et des efforts fournis par lui pour retrouver un nouvel emploi, le montant du préjudice moral alloué par les juridictions du travail peut aujourd’hui varier de 500 à 25.000 EUR et la période de référence servant de base au calcul du préjudice matériel peut aller, certes exceptionnellement, jusqu’à 36 mois.

A titre d’exemple, la Cour d’appel, dans une décision du 3 juin 2015, a fixé le préjudice moral à hauteur de 20.000 EUR et la période de référence à 24 mois pour un salarié ayant 58 ans et 25 années d’ancienneté, ou encore, dans un arrêt du 3 décembre 2015, a évalué le préjudice moral à 15.000 EUR et la période de référence à 36 mois pour un salarié ayant 60 ans et 36 années d’ancienneté.

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Effets et conditions de validité de la transaction

La transaction, dès qu’elle intervient et à condition qu’elle soit valable, a pour effet d’éteindre définitivement le litige pendant entre les parties. La transaction est cependant uniquement valable aux conditions cumulatives suivantes:


  • nécessité d’un écrit ;
  • existence d’une situation contentieuse ou précontentieuse ;
  • respect de l’ordre public social imposant que l’on ne puisse transiger que sur des droits dont on dispose et non sur des droits à venir et éventuels ;
  • existence d’un consentement non vicié ; et
  • exigence de concessions réciproques de part et d’autre.

Concernant cette dernière condition, s’il importe peu que les concessions soient d’importance inégale, elles ne doivent pas être dérisoires, sauf à entacher la transaction de nullité. Ainsi, la transaction par laquelle un salarié avait renoncé à 3 mois et demi d’indemnité compensatoire de préavis, à 3 mois d’indemnité de départ ainsi qu’à toutes revendications quelconques en contrepartie d’une dispense de prester les 2 mois et demi de préavis restants a été déclarée nulle en raison de l’asymétrie financière anormale au profit de l’employeur.

Le consentement des parties doit également être valable et non vicié. Il faut ainsi éviter que la transaction ne puisse être remise en cause par une annulation pour vice du consentement et que réapparaisse alors le litige entre parties. Ainsi, dans un arrêt du 10 décembre 2015, la Cour d’appel a annulé une transaction pour vice du consentement dans le chef de la salariée. Dans cette affaire, l’employeur, accompagné de son avocat, avait convoqué la salariée au retour d’un congé de maladie prolongée pour lui notifier son licenciement et lui soumettre dans la foulée, pour signature, une transaction déjà entièrement rédigée. Les juges ont retenu que « l’objet de la réunion, qui a eu lieu à l’issue d’un congé de maladie de plusieurs mois de A.), ne lui avait pas été annoncé, de sorte qu’elle n’était pas assistée d’un avocat ou d’une autre personne. De l’aveu même de l’employeur les discussions qui ont été menées n’ont duré qu’environ une heure et demie et la salariée a signé après s’être retirée pendant une dizaine de minutes. Dès lors, le consentement de A.), donné sans réflexion mûre et éclairée, n’est pas valable ».

La transaction a pour effet d’éteindre définitivement le litige pendant entre les parties. Elle permet donc notamment d’éviter aux parties une procédure judiciaire longue et coûteuse dont l’issue peut être incertaine. Ainsi, à condition de bien circonscrire l’objet de la transaction, cette dernière profite donc tant à l’employeur qu’au salarié : solution rapide, certaine, discrète et plus économique.

Aussi, la transaction peut être conclue dès qu’il existe une situation contentieuse ou précontentieuse. Dans un tel cas, il est possible de transiger dès qu’un licenciement a été prononcé, même si le salarié est encore en période de préavis, sinon après l’expiration de celle-ci, avant toute action judiciaire ou même postérieurement. Dans ce dernier cas, un élément important à prendre en compte dans le cadre des négociations est l’opposabilité à l’Etat, en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’emploi, d’une transaction conclue entre un employeur et son salarié. En effet, dans l’hypothèse où des indemnités de chômage sont versées au salarié suite au licenciement, l’Etat dispose d’un recours en remboursement des indemnités de chômage versées dans l’hypothèse où le salarié conteste judiciairement son licenciement. En présence d’une transaction mettant fin au litige pendant que l’action judiciaire est en cours, l’Etat peut alors se trouver privé d’exercer ce recours. Toutefois, deux situations sont à distinguer:


  • dans le cadre d’un licenciement avec préavis, une transaction est toujours opposable à l’Etat qui verra son recours éteint;
  • au contraire, dans le cadre d’un licenciement avec effet immédiat, le bénéfice des indemnités de chômage étant subordonné à la condition pour le salarié d’introduire une action en justice contre le licenciement, une transaction est inopposable à l’Etat. L’inopposabilité se définit comme étant l’inefficience d’un acte à l’égard d’un tiers permettant à ce dernier de méconnaître l’existence de l’acte et d’en ignorer les effets. En d’autres termes, l’Etat pourra se retourner contre le salarié afin de récupérer les indemnités de chômage versées malgré l’existence d’une transaction conclue entre l’employeur et le salarié.

Confrontée à l’inexécution de la transaction par l’une des parties, la partie lésée peut en poursuivre l’exécution forcée, invoquer l’exception d’inexécution ou conclure à sa résolution. A cet égard, si le salarié veut invoquer la caducité de la transaction, il devra restituer les montants reçus, comme cela a été confirmé par la Cour d’appel dans un arrêt du 17 décembre 2015.

M. Gabrielle Eynard - Senior Associate Alen & Overy
M. Gabrielle Eynard - Senior Associate Alen & Overy

Avantages de la transaction

Comme énoncé, la transaction a pour effet d’éteindre définitivement le litige pendant entre les parties. Elle permet donc notamment d’éviter aux parties une procédure judiciaire longue et coûteuse dont l’issue peut être incertaine. Ainsi, à condition de bien circonscrire l’objet de la transaction, cette dernière profite donc tant à l’employeur qu’au salarié : solution rapide, certaine, discrète et plus économique.

De plus, en vertu de l'article 115-9 de la loi concernant l'impôt sur le revenu, telle que modifiée, sous certaines

Maurice Macchin - Associate Allen & Overy
Maurice Macchin - Associate Allen & Overy

conditions, l'indemnité transactionnelle bénéficie d'une exemption fiscale jusqu'à concurrence de 23.075,52 EUR (correspondant actuellement à douze fois le salaire social minimum au 1er janvier de l'année en cause).

A noter enfin que seules des négociations menées entre avocats bénéficient de la confidentialité. De la sorte, en cas d’échec des négociations, les concessions

que l’employeur avait pu offrir au salarié ne pourront en aucun cas lui porter préjudice et être invoquées devant les juridictions du travail au titre d’une quel-conque reconnaissance de sa part quant aux revendications du salarié.