Alors que le nombre de travailleurs frontaliers ne cesse d’augmenter, comment mieux organiser la mobilité au niveau national et en concertation avec les régions voisines du Grand-Duché ? Tour d’horizon des défis et chantiers envisagés.

Chaque jour, des dizaines de milliers de travailleurs frontaliers rejoignent le Luxembourg. En fonction de leur situation, ils privilégieront les transports en commun, le bus ou le train, ou la voiture individuelle, avec plus ou moins de difficultés. 

Les médias évoquent souvent l’engorgement des grands axes routiers. Beaucoup de frontaliers, en effet, privilégient avant tout la voiture individuelle. Sur un recensement des trajets transfrontaliers en 2012, on découvrait que la voiture était encore largement plébiscitée. Sur 240.000 trajets au-dessus des frontières, 186.500 personnes ont fait le choix de la voiture. De quoi saturer les axes de pénétration au Luxembourg aux heures de pointe.

Si l’Etat continue à investir dans de nouvelles infrastructures routières, la valorisation des transports en commun figure parmi les priorités du gouvernement et de sa stratégie Mobilité durable, votée par l’ancien gouvernement et largement mise en oeuvre par l’actuel. François Bausch, actuel ministre du Développement durable et des Infrastructures a régulièrement rappelé, depuis sa prise de fonction, l’importance d’une vision multimodale, permettant de rapprocher les résidents et frontaliers de leur lieu de travail.

La mobilité doit effectivement se transformer, sans perdre de temps, pour répondre aux défis de la croissance tant démographique qu’économique. A relativement court terme, on parle d’un Luxembourg à 600.000 personnes. A plus long terme, les planificateurs se plaisent à imaginer un Luxembourg à un million de personnes pour 2060. D’autre part, sur les 10.000 emplois créés au Luxembourg chaque année, 8.000 sont pourvus par des frontaliers. Dans ce contexte, donc, les défis de mobilité doivent pouvoir trouver des réponses au-delà des frontières.

Le train

Au niveau de la Ville de Luxembourg, jusque-là, le train dessert un point unique. Depuis la gare, s’organise l’ensemble du réseau de transports en commun. Autrement dit, rejoindre le bout du Plateau du Kirchberg en prenant le train puis le bus n’a rien d’une sinécure. Les choses devraient cependant s’améliorer. En effet, avec l’ouverture prochaine de l’arrêt ferroviaire du Pfaffenthall (Pont Rouge), les personnes employées dans le quartier d’affaires pourront rejoindre beaucoup plus aisément leur bureau. Le tram, dans lequel chacun pourra facilement embarquer à partir de ce nouvel arrêt, ne fera que renforcer la rapidité des déplacements, tout en profitant de plus de confort.

Concernant le train, cependant, si le Luxembourg consent à d’importants efforts pour proposer un service efficient et démocratique, il faut aussi composer avec les pays voisins afin d’organiser une offre transfrontalière attractive. La fréquence, la capacité, les tarifs sont autant d’éléments qui pèsent en faveur ou en défaveur du train. Le gouvernement luxembourgeois discute donc régulièrement avec ses homologues pour faire avancer un tel chantier. On sait notamment que les discussions avec la Belgique se veulent laborieuses, même si elles devraient déboucher, à terme, sur des avancées.
D’autre part, au-delà du renforcement de la fréquence et de la capacité des trains, il est important de pouvoir proposer du parking en suffisance à proximité des gares frontalières. Le développement de P+R, dans ce contexte, doit encore se renforcer. Le Luxembourg et la Wallonie se sont mis d’accord pour la création d’un P+R à Stockem/Arlon qui sera connecté au réseau ferroviaire.

Dans les développements futurs au niveau national, dans une logique de décentralisation de l’offre, le Ban de Gasperich accueillera lui aussi une gare de grande capacité, permettant notamment de mieux connecter Luxembourg à l’ensemble du pays et aux pôles de développement clés.

Le tram

Le tramway luxembourgeois constituera sans doute l’épine dorsale de la mobilité à Luxembourg-Ville. Ses effets bénéfiques pourraient aussi avoir des répercussions bien au-delà des frontières de la capitale. Toute la mobilité va se réorganiser autour de la ligne de tramway de 16 kilomètres qui reliera l’aéroport à la Cloche d’Or. Des noeuds d’échanges intermodaux, répartis tout au long du parcours, permettront de rejoindre le tram en bus, en vélo ou encore en train. Le tramway, qui circulera sur des voies dédiées et qui sera prioritaire aux feux, permettra de traverser la ville beaucoup plus rapidement que le bus, qui se retrouve régulièrement coincé avec le reste de la circulation. La capacité des rames, qui circuleront à une fréquence d’une toutes les 3 à 6 minutes, est de 450 personnes.

Le tram rapprochera donc considérablement les quartiers de la ville et, en étant bien connecté avec les autres modes de transport, doit faciliter les trajets de celles et ceux qui viennent de l’extérieur. Longtemps discuté, débattu, contesté et défendu, le projet de tramway est entré en 2016 dans sa phase de concrétisation. Il faudra encore patienter un peu pour voir les rames circuler le long des 16 kilomètres de ligne. Elles entreront en fonction entre le Pont Rouge et Luxexpo pour la fin de l’année 2017. Le chantier se poursuivra, à travers la ville, pour que l’ensemble soit opérationnel à l’horizon 2022. Si le tramway n’est pas encore en fonction, les élus envisagent déjà aujourd’hui son extension, vers Leudelange notamment, voire le long de la route d’Arlon, autre voie pénétrante importante de Luxembourg.

Le bus

Au niveau de la Ville de Luxembourg, le réseau de bus va donc être entièrement réorganisé avec l’arrivée du tramway. Les bus permettront de mieux desservir les quartiers autour du tram, mais aussi de mieux connecter les navetteurs venus de l’extérieur de la ville à ce nouveau mode de transport. Dans ce contexte, il y a lieu de faciliter la circulation des bus au niveau des grands axes qui relient la capitale aux principales zones économiques, non desservies par le train ou le tram. On pense à des zones comme Leudelange, mais aussi Munsbach ou encore Capellen. Des voies de circulation dédiées et prioritaires doivent être envisagées à cette fin. Depuis la Belgique, par exemple, le ministre du Développement durable et des Infrastructures a notamment annoncé la mise en oeuvre de lignes de bus transfrontalières express, qui relieront directement Arlon aux pôles d'attraction luxembourgeois que sont Windhof, Capellen et le Ban de Gasperich. Mais aussi la création d’un « corridor de priorisation des transports en commun routiers sur l'axe N6 » entre Steinfort et Luxembourg.

La voiture

Si la priorité est d’augmenter la part des transports en commun dans les trajets des résidents comme des frontaliers, le développement économique du Grand- Duché exige aussi d’investir au niveau du réseau autoroutier et routier. Les transports en commun ne satisfont pas à l’ensemble des besoins des travailleurs, et notamment à ceux qui doivent bouger avec la plus grande flexibilité. Les alternatives au recours à la voiture particulière évoquées ci-dessus devraient inciter de nombreux automobilistes à abandonner leur véhicule personnel... ainsi que les bouchons. Cependant, les flux de frontaliers ne font qu’augmenter. D’ici 2020, les prévisions font état d’une croissance du trafic autoroutier de 15 %. Alors que, pour beaucoup, la situation s’est déjà largement et rapidement dégradée au cours des cinq dernières années, il est temps d’adapter l’infrastructure. L’ouverture de l’autoroute du Nord constitue déjà une bonne nouvelle. D’autres aménagements sont dès à présent envisagés.

Axe quotidiennement le plus fréquenté, l’A3 va passer à trois voies tant du côté français que luxembourgeois afin d’éviter tout goulot d’étranglement. Entre Thionville et Luxembourg, le projet de réserver une voie aux voitures comptant deux personnes ou plus aux heures de pointe, afin de favoriser le covoiturage, est envisagé. Dans ce même concept, afin d’inciter les frontaliers à abandonner la voiture dans des zones décentrées, le nombre de places dans le P+R devrait doubler d’ici à 2020. L’A6, qui relie Luxembourg à la Belgique, sera aussi élargie au niveau des endroits les plus fréquentés, entre la Croix de Cessange et la Croix de Gasperich. Les automobilistes venant de Belgique, régulièrement coincés bien avant le poste frontière, devront se contenter de mesures visant à favoriser le covoiturage ou le recours aux transports en commun évoqués dans cet article.

Sébastien Lambotte