Les employeurs et les entreprises jouent un rôle important dans la mise en œuvre et l’application des réglementations légales en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, y compris du congé parental. L’étude réalisée par le LISER (1) montre que le recours au congé parental est plus élevé parmi les parents travaillant dans les plus grandes entreprises et dans le secteur de l’éducation, la santé et les services sociaux.

La naissance d’un enfant a des répercussions considérables sur la vie privée et professionnelle des parents. La naissance et, par la suite, la prise en charge de l’enfant continuent d’affecter davantage la participation au marché du travail des mères que celle des pères. Les réglementations en matière de congé parental visent à atténuer les conséquences négatives de la parentalité en offrant une pause carrière temporaire qui permet aux deux parents de consacrer du temps à la prise en charge de leur enfant tout en conservant le droit de récupérer leur ancien poste. L’objectif de ces réglementations est de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans la répartition du travail rémunéré et de la garde.

Facteurs liés au recours du congé parental

De multiples facteurs influencent la prise du congé parental dans un pays spécifique. Parmi les catégories de facteurs figurent les caractéristiques individuelles des parents, les caractéristiques du ménage, de la réglementation en matière de congé parental. Les caractéristiques des employeurs et du lieu de travail forment une autre catégorie très importante de facteurs influençant la prise du congé parental. Les employeurs et les lieux de travail jouent en effet un rôle important dans la mise en œuvre et l’application du congé parental. Même si les membres du personnel peuvent officiellement avoir le droit de bénéficier de telles réglementations, dans la pratique, les employeurs peuvent fortement décourager ou encourager chez eux une sensation de mérite et, donc, leur recours à ces réglementations, affectant par là même leur mise en œuvre.

Lorsque les employeurs n’ont ni les moyens, ni la motivation de gérer et faciliter le recours des membres de leur personnel au congé parental, que ce soit de manière formelle (procédures de Ressources humaines) ou informelle (perceptions du congé), cela peut avoir des effets négatifs sur le degré de prise du congé. Une approche consistant à définir les catégories de lieux de travail qui sont systématiquement corrélées à un degré inférieur de prise de congé parental tout en contrôlant l’ensemble des autres facteurs déterminants pourrait donc favoriser une réponse ciblée des décideurs politiques. Malgré l’importance de ces questions, le rôle des caractéristiques du lieu de travail reste trop peu étudié.

Rapport entre prise du congé parental, taille et secteur économique de l’entreprise

Dans cet article, nous présentons les résultats de l’étude menée dans le cadre du projet LISER avec le soutien du Fonds National de la Recherche (FNR) du Luxembourg (1) . Nous répondons à deux questions principales : quelle est la corrélation entre les caractéristiques du lieu de travail des parents (telles que la taille de l’entreprise et le secteur économique) et la prise du congé parental ? Et comment les caractéristiques du lieu de travail des parents se rapportent-elles à l’intensité du congé (temps plein, temps partiel, aucun congé) que prennent les parents y ayant droit ? Nous nous appuyons sur les données des archives administratives de la sécurité sociale du Luxembourg datant des années 2004 à 2015. Les informations ont été générées, anonymisées et fournies par l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale (IGSS) et mises à la disposition de l’équipe de recherche sur la plateforme Luxembourg Microdata Platform on Labour and Social Protection, gérée par l’IGSS (2) . La population de notre étude comprend les résidents au Luxembourg et seulement les parents d’enfants uniques qui vivent en couple.

 

Comme pour les mères, la probabilité que les pères prennent un congé à temps partiel diminue à mesure que la taille de l’entreprise augmente.

 

Prise du congé parental par les mères selon la taille et secteur de l’entreprise

Les paragraphes qui suivent résument nos principales conclusions sur le rapport entre les caractéristiques du lieu de travail et la prise du congé parental. Nous présentons les résultats séparément pour les mères et les pères qui correspondent à nos critères de sélection. Pour commencer, nous nous focalisons sur les mères et la taille de l’entreprise. Nous constatons que, par rapport aux mères employées dans des entreprises comptant moins de 10 membres du personnel, la probabilité de prendre un congé parental est significativement plus élevée chez celles qui travaillent dans des entreprises comptant entre 10 et 49 membres du personnel (9 %) et entre 50 et 100 membres du personnel (11 %). La corrélation entre la prise du congé et d’autres catégories de taille d’entreprise est relativement faible, mais reste positive.

Si on examine l’intensité du congé, les données révèlent que les mères employées dans des entreprises comptant plus de 10 membres du personnel sont largement plus susceptibles de prendre un congé à temps plein que celles qui travaillent dans des entreprises plus petites (environ 18 % de plus dans les entreprises comptant entre 50 et 99 membres du personnel et environ 14 % de plus dans les autres catégories de taille d’entreprise). Il est intéressant de noter que le lien avec la taille de l’entreprise s’inverse dans le cas du congé à temps partiel : en effet, la probabilité de prendre un congé parental à temps partiel est largement plus faible dans les grandes entreprises que dans les entreprises comptant moins de 10 membres du personnel, et particulièrement dans celles comptant plus de 100 membres du personnel (où la probabilité de prendre un congé à temps partiel est environ 10 % plus faible que dans les très petites entreprises).

Concernant la prise du congé parental et le secteur économique, on constate que, par rapport aux mères employées dans l’éducation, la santé et les services sociaux, celles qui travaillent dans n’importe quel autre secteur sont moins susceptibles de prendre un congé parental. Cette probabilité est remarquablement plus faible dans le secteur du bâtiment (16 points de pourcentage en moins que dans l’éducation, la santé et les services sociaux), l’administration publique et les services aux entreprises (12 points de pourcentage en moins dans ces deux derniers secteurs).

Sur la question de l’intensité du congé, nous observons que la direction du rapport entre la prise d’un congé à temps plein et les secteurs économiques reflète les résultats relatifs au degré général de prise du congé parental. La probabilité de prendre un congé à temps plein est considérablement plus faible dans le secteur du bâtiment, les services aux entreprises et l’administration publique (respectivement 23, 24 et 14 points de pourcentage en moins). Dans le cas du congé à temps partiel, les données révèlent une corrélation plutôt faible avec le secteur économique.

Prise du congé parental par les pères selon la taille et secteur de l’entreprise

Pour ce qui est du rôle des caractéristiques du lieu de travail dans la prise du congé parental par les pères, nous n’observons aucune corrélation substantielle entre la taille de l’entreprise et le degré général de prise du congé. Néanmoins, si on examine les effets de la taille de l’entreprise sur l’intensité du congé, il apparaît que la probabilité de prendre un congé à temps plein est plus élevée (de 8 points de pourcentage) chez les pères qui travaillent dans des entreprises comptant plus de 100 membres du personnel que chez ceux qui travaillent dans des entreprises de moins de 10 membres du personnel.

Fait intéressant, le rapport entre la taille de l’entreprise et la prise du congé à temps partiel semble évoluer dans la direction opposée par rapport au congé à temps plein. Comme pour les mères, la probabilité que les pères prennent un congé à temps partiel diminue à mesure que la taille de l’entreprise augmente. En d’autres termes, les pères sont plus susceptibles de prendre un congé à temps partiel dans de très petites entreprises que dans les grandes. Cela peut s’expliquer par le fait que les petites entreprises ne peuvent pas se permettre de remplacer un travailleur qui prend un congé à temps plein, mais ont plus de chances de convenir d’une solution à temps partiel (et donc plus flexible).

S’agissant du secteur économique, nous ne constatons pas de corrélation substantielle entre ce dernier et l’intensité du congé parental. Par rapport à l’éducation, à la santé et aux services sociaux, le degré général de prise du congé parental semble plus faible dans tous les autres secteurs.

En conclusion

Notre étude démontre que les caractéristiques du lieu de travail, en particulier la taille d’entreprise, jouent un rôle et qu’elles sont bel et bien corrélées au comportement en matière de prise du congé parental. Elles influencent à la fois les mères et les pères. La question se doit toutefois d’être étudiée de manière plus approfondie, lorsque les données seront disponibles, afin d’examiner dans quelle mesure la réforme politique de décembre 2016, qui a considérablement renforcé la flexibilité du congé parental, a influencé le comportement en la matière. Cela s’avérerait particulièrement pertinent pour les entreprises de petite taille, où une utilisation flexible du congé parental permet d’intégrer le temps de congé dans les horaires de travail et où les absences prolongées sont jugées coûteuses par l’employeur. Une recherche supplémentaire serait requise pour analyser la prise de congé parental parmi la population entière des parents, non seulement des parents d’enfants uniques.

 

Marie Valentova - Research Scientist - LISER
Marie Valentova - Research Scientist - LISER

 

(1) FNR CORE 2016 C16/SC/11324101/ PARENT – Évaluation du congé parental au Luxembourg focalisée sur les stratégies des couples et le rôle des caractéristiques du lieu de travail , avec le soutien du Fonds National de la Recherche (FNR) du Luxembourg.

(2) Les résultats et points de vue présentés dans cet article doivent être attribués à ses auteurs et ne reflètent en aucun cas le point de vue de l’IGSS, ni celui du LISER.