Catastrophes naturelles, crises économiques, risques sociaux : assurer face à l’urgence
Les secousses géopolitiques récentes n’ont pas effacé les enjeux sociétaux, mais en ont redéfini les priorités. Entre les revirements de l’UE sur le reporting environnemental et l’urgence déclarée par plusieurs États face à la fragilité des systèmes de pension par répartition, les lignes bougent.
Florian Adedj, EY Luxembourg Senior Manager, Risk Consulting
Brice Bultot, EY Luxembourg Partner, Insurance Leader
La Banque Centrale Européenne (BCE) et l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) s’activent sur la question du climat.
Entre 1981 et 2023, les catastrophes naturelles ont engendré près de 900 milliards d’euros de pertes économiques dans l’UE, dont seulement 25 % étaient assurées. En 2024, l’EIOPA et la BCE passent à l’action pour combler ce déficit de couverture en lançant un cadre européen structuré autour de deux piliers :
- le schéma de réassurance public-privé : fondé sur une mutualisation volontaire entre (ré)assureurs et États membres, il vise à partager les risques extrêmes à l’échelle européenne, renforcer l’accès aux données climatiques et améliorer la diversification, rendant ainsi certains risques à nouveau assurables ;
- le fonds public post-catastrophe : adossé aux politiques nationales de prévention, il conditionne son accès à la mise en œuvre de mesures concrètes d’adaptation. Il ambitionne de mieux répartir les responsabilités financières, tout en encourageant l’investissement dans la résilience.
Faut-il fuir des segments devenus trop risqués ou saisir l’opportunité d’un marché structuré à l’échelle de l’UE ? Plus qu’un débat technique, c’est une reconfiguration profonde du marché du risque climatique qui se profile.
Les systèmes de pension et les assureurs
Le défi de financements des systèmes de pension se présente à l’échelle nationale, selon les priorités de chaque gouvernement. Au Luxembourg, le constat est clair : dès 2027, les cotisations collectées seront inférieures aux indemnisation annuelles. Il s’agit d’une problématique largement partagée au sein de l’UE, problématique qui n’est qu’une des composantes du déficit global de couverture.
Depuis 2024, les plans de pension sont soumis à des tests de résistance plus stricts, en raison du retournement de la courbe des taux d’intérêt, qui a fait chuter la valeur des obligations. Cette instabilité s’est accentuée en raison des décisions politiques récentes qui ont accru les tensions économiques mondiales. À cela s’ajoute une pression démographique croissante, source d’inquiétude pour les travailleurs qui cherchent de plus en plus à sécuriser leur avenir.
Cette prise de conscience croissante se révèle notamment auprès des assurances de groupe, où l’on observe une bascule des régimes en prestations définies vers ceux en contributions définies. Les engagements inscrits au bilan des entreprises constituent, dans ce contexte, une véritable opportunité pour les assureurs positionnés sur le marché du transfert de risques.
Au-delà de la simple réduction des contraintes financières, le facteur comportement des consommateurs traduit un réel changement à ne pas négliger. Dans une économie traditionnelle, les Millennials représentent désormais plus de la moitié de la population active. Cette génération recherche des solutions axées sur le bien-être, en phase avec des modes de vie complexes, souvent marqués par la nécessité de prendre soin à la fois de jeunes enfants et de parents âgés. Pour y répondre, les principaux acteurs de l’assurance collective seront probablement les premiers à adopter l’IA générative, afin de proposer des expériences plus personnalisées, flexibles et adaptées à la diversité croissante de la population active.
Les mesures prises par les pouvoirs publics devront ouvrir la voie à une solution. Si les gains à court terme en matière de risques climatiques et de pensions sont évidents, les déficits de couverture liés aux grands risques (Protection Gaps) demeurent des défis majeurs pour l’avenir de nos sociétés.