Une forte exposition des employés aux pratiques de Gestion des Ressources Humaines (GRH) n'est pas suffisante pour augmenter la satisfaction au travail et l'engagement organisationnel des employés. Par conséquent, les managers ne doivent pas se contenter de mettre en place des pratiques managériales mais doivent également encourager leur personnel à y participer.

Selon des études récentes, les pratiques GRH, c’est-à-dire les pratiques instaurées pour gérer, mobiliser et développer les compétences du personnel, améliorent la performance des entreprises. Ce résultat vaut quel que soit le secteur d’activité, le type de pratique étudié ou encore la façon dont la performance des entreprises est mesurée.

Cette relation est souvent expliquée par le fait que les pratiques GRH augmentent la satisfaction au travail des employés ainsi que leur engagement organisationnel. En effet, ces pratiques, en améliorant l’appréciation des employés pour leur travail et en renforçant leur sentiment de partager les valeurs de leur entreprise, sont susceptibles de jouer positivement sur la productivité des salariés et d’accroître in fine la performance de l’entreprise. Satisfaction au travail et engagement organisationnel sont ainsi perçus comme les variables médiatrices clefs de la relation entre la stratégie GRH et la performance de l’entreprise.

Pratiques GRH et satisfaction au travail

Des travaux scientifiques ont montré l’existence d’un lien positif entre, d’une part, les pratiques GRH et, d’autre part, la satisfaction au travail et l’engagement organisationnel. Toutefois, ces travaux n’ont pas permis d’identifier si l’instauration de ces pratiques par les entreprises est suffisante pour obtenir de leurs salariés ces attitudes positives ou s’il est nécessaire que leurs salariés participent activement à ces pratiques pour les obtenir. En effet, les recherches existantes se sont limitées à analyser séparément la relation entre les attitudes des employés et, d’une part, l’exposition aux pratiques GRH et, d’autre part, la participation à ces pratiques. La contribution unique de cette recherche, réalisée dans le cadre du projet TWAIN supporté par le Fonds National de la Recherche, est de combiner ces deux perspectives dans une seule analyse. Cette étude a ainsi pour objectif d’identifier dans quelle mesure la mise en place de pratiques GRH au niveau de l’entreprise, indépendamment du niveau de participation des employés, peut influencer les attitudes des salariés. En d’autres termes, elle vise à répondre aux questions suivantes : la mise en place par les managers de pratiques GRH est-elle suffisante pour accroître la satisfaction au travail et l’engagement organisationnel de leurs employés ? Est-il nécessaire que les managers incitent leurs salariés à y prendre part ?

Pour répondre à ces questions, les données provenant d’une enquête employeur-employé menée dans le secteur privé luxembourgeois par le LISER en 2013 ont été utilisées. Ces données permettent d’identifier les pratiques managériales instaurées par 1.238 entreprises du secteur privé comptant au moins 15 salariés et de connaître le sentiment de 8.373 employés sur ces dernières. Afin de juger du degré d’exposition des salariés aux pratiques GRH et du degré de participation des salariés à ces pratiques, deux scores ont été construits. Ils mesurent le nombre de pratiques GRH instaurées par l’entreprise, d’une part, et auxquelles participent les salariés, d’autre part, dans les domaines suivants :
 

  • participation à la vie de l’organisation (réunion avec la direction, cercle de qualité…) ;
  • travail en équipe et rotation de postes ;
  • développement personnel (formation, entretien d’évaluation…) ;
  • politique de conciliation vie professionnelle- vie familiale (flexibilité des horaires, possibilité de travailler à la maison…) ;
  • incitation (salaire variable, avantages salariaux).

Sur 14 pratiques étudiées, les entreprises interrogées rapportent en avoir instaurées, en moyenne 6,6. En revanche, les salariés déclarent participer à un nombre plus limité de ces pratiques, à savoir en moyenne 5,5.

Satisfaction et degré d’exposition

Afin d’identifier si le degré de satisfaction et d’engagement organisationnel des employés diffère en fonction de leur degré d’exposition et/ou de participation aux pratiques GRH, une analyse statistique a été menée. Pour ce faire, les entreprises ont été divisées en deux groupes : celles proposant un nombre de pratiques GRH plus élevé que la valeur médiane de leur secteur d’activité et celles en proposant un nombre plus faible. Les employés ont également été divisés en deux groupes : ceux rapportant participer à un nombre plus élevé de pratiques GRH que la valeur médiane des employés de leur secteur d’activité et les autres. La référence au secteur d’activité est ici importante car la littérature a montré que les stratégies GRH varient selon les secteurs. Ces groupes ont ensuite été croisés pour aboutir à une partition des employés en quatre catégories :
 

  • employés faiblement exposés aux pratiques GRH et qui participent peu à ces pratiques (23,8 % des employés) ;
  • employés fortement exposés mais qui participent peu (21,9 %) ;
  • employés faiblement exposés et qui participent fortement (17,5 %) ;
  • employés fortement exposés et qui participent fortement (36,8 %).

Il peut être perçu comme surprenant que certains employés participent fortement aux pratiques GRH alors qu’ils y sont faiblement exposés. L’existence d’un tel groupe s’explique par le fait que ces employés travaillent dans une entreprise où le nombre de stratégies GRH adopté est plus faible que la médiane du secteur d’activité. Ils sont, par conséquent, moins exposés aux pratiques GRH que les autres employés travaillant dans le même secteur. Toutefois, quand les pratiques GRH sont disponibles dans leur entreprise, ils participent activement à ces dernières et atteignent un niveau de participation plus élevé que la médiane des employés appartenant à leur secteur d’activité.

L’analyse révèle que la satisfaction vis-à-vis du travail diffère selon le groupe « exposition-participation » auquel les salariés appartiennent. Plus précisément, elle montre que, en moyenne, les employés dont la participation aux pratiques GRH est élevée se déclarent plus satisfaits que ceux dont la participation est faible et ce, indépendamment de leur degré d’exposition. Ainsi, les employés dont la participation est élevée rapportent, en moyenne, quel que soit leur degré d’exposition, un niveau de satisfaction pour leur travail de l’ordre de 7 sur une échelle allant de 0 à 10 contre un niveau de l’ordre de 5,5 pour ceux dont la participation est faible, quel que soit leur degré d’exposition. Ce résultat demeure après la prise en compte d’effets de structure. Il se retrouve également lorsque l’on s’intéresse à l’engagement organisationnel. L’exposition aux pratiques GRH n’est donc pas liée en soi à la satisfaction au travail et à l’engagement organisationnel des employés. Par conséquent, mettre en place des politiques GRH sans inciter les salariés à y prendre part n’est pas suffisant pour accroître la satisfaction et l’engagement des employés et in fine la performance de l’entreprise. Les études existantes qui avaient mis en exergue l’existence d’un lien positif entre exposition et attitudes positives des salariés sans tenir compte de la participation captaient en réalité l’effet de la participation à ces pratiques. Or, dès que la participation est prise en compte, le lien entre exposition et attitudes positives des salariés disparaît. 

En conclusion

La principale conclusion qu’il faut retenir de cette étude est que les entreprises utilisant des stratégies GRH ne peuvent pas simplement se contenter de les mettre en place et ainsi d’exposer leurs salariés à ces pratiques. En effet, une exposition élevée aux pratiques GRH ne suffit pas pour améliorer les attitudes des employés quand le niveau de participation des employés à ces pratiques est pris en compte. Ainsi, les résultats indiquent que les managers doivent encourager une forte implication de leur personnel dans le système GRH qu'ils ont adopté. Les employés ont, notamment, besoin de participer à des formations, de s'exprimer lors des réunions avec la direction, de participer au processus de décision, de travailler en équipe et de renforcer leurs compétences.

Laetitia Hauret Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du travail du Luxembourg Institute of Socio- Economic Research (LISER)
Laetitia Hauret Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du travail du Luxembourg Institute of Socio- Economic Research (LISER)
Ludivine Martin Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du travail du Luxembourg Institute of Socio- Economic Research (LISER)
Ludivine Martin Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du travail du Luxembourg Institute of Socio- Economic Research (LISER)
Nessrine Omrani Docteur en Sciences économiques, professeur associé à la Paris School of Business
Nessrine Omrani Docteur en Sciences économiques, professeur associé à la Paris School of Business
Donald Williams Professeur à la Kent State University, chercheur associé au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)
Donald Williams Professeur à la Kent State University, chercheur associé au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)