La crise sanitaire liée à la COVID-19 a indéniablement perturbé le quotidien des sociétés, notamment en termes d’organisation du travail avec le recours massif au télétravail. L’emploi a également été très impacté, mais le « scénario catastrophe » – en particulier pour les entreprises visées par les vagues successives de fermeture et restrictions sanitaires – a pu être évité grâce aux différentes mesures de soutien mises en place par le gouvernement luxembourgeois pendant les périodes de crise et de relance économique.

L’une de ces mesures a consisté en l’aménagement du régime de chômage partiel prévu par le Code du travail mais dont les conditions d’ouverture n’étaient pas adaptées à la situation inédite de la COVID-19.

Cet aménagement s’est opéré en plusieurs phases :

• le chômage partiel pour cause de force majeure a été mis en place du 18 mars au 30 juin 2020. Le régime prévoyait une procédure accélérée pour les entreprises fermées sur décision gouvernementale, une dérogation aux délais habituels, un système d’avance versée aux entreprises et une indemnisation plancher pour les salariés impactés correspondant au Salaire Social Minimum (SSM) pour salariés non qualifiés ;

• des mesures particulières relatives au chômage partiel ont ensuite été adoptées pour la période allant du 1er juillet 2020 jusqu’au 30 juin 2021, dans le cadre de la « relance économique ». Les modalités arrêtées tenaient compte de 4 cas de figure selon les secteurs économiques concernés et prévoyaient des restrictions progressives des possibilités de recours au chômage.

Depuis le 1er juillet 2021, le chômage partiel est octroyé conformément aux conditions « normales » prévues par les dispositions de Livre V, Titre premier : Prévenir des licenciements et maintien de l’emploi du Code du travail. Toutefois, l’indemnisation plancher a été étendue jusqu'au 31 décembre 2021.

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Le chômage partiel est limité à 1.022 heures maximum par an et par salarié à temps plein. Les salariés placés en chômage partiel perçoivent une compensation égale à 80 % de leur salaire horaire brut normal (plafonné à 250 % du SSM pour salariés non qualifiés) et versée directement par l’employeur.

La fin du régime spécifique de chômage partiel et de certaines mesures de soutien aux entreprises risque d’avoir un impact sur les entreprises fragilisées par un an et demi de crise. Quels sont les outils juridiques à disposition des entreprises souhaitant sauvegarder ou supprimer des emplois dans une période post-COVID-19 ?

Le présent article se propose de faire le point sur les mesures de sauvegarde de l’emploi (chômage partiel et plan de maintien dans l’emploi) ainsi que sur les différentes mesures envisageables pour supprimer des emplois (préretraite-ajustement, licenciements individuels ou collectifs).

Mesures de sauvegarde de l’emploi

Le recours au chômage partiel de droit commun

Le chômage partiel permet aux entreprises d’obtenir une subvention de l’État en cas de réduction temporaire de la durée du travail des salariés.

Le Code du travail prévoit deux régimes principaux de chômage partiel : le chômage partiel de source conjoncturelle dont l’objectif est de soutenir les entreprises en période de récession économique à caractère général, et le chômage partiel de source structurelle qui a vocation à soutenir une entreprise rencontrant des difficultés liées à son organisation juridique, sociale, fiscale ou commerciale(1).

Si les deux systèmes obéissent à des conditions d’ouverture différentes, leur régime est cependant commun.

Le chômage partiel de source conjoncturelle est notamment destiné aux entreprises issues d'un secteur ou d'une branche économique déclarés en crise par le gouvernement. La branche économique concernée doit accuser, par suite d’un recul considérable des carnets de commandes, une baisse prononcée de son taux d’activité par rapport à la moyenne des 3 dernières années, de sorte qu’il y a lieu de s’attendre à une diminution importante de ses besoins en main-d’oeuvre. Il faut, en outre, que les difficultés aient une origine essentiellement conjoncturelle et un caractère temporaire. Enfin, l’évolution prévisible de la conjoncture doit permettre d’escompter une reprise normale des affaires assurant le rétablissement du plein-emploi dans un délai raisonnable. L’entreprise qui sollicite le chômage partiel de source conjoncturelle doit s’engager à ne licencier aucun salarié pour motifs économiques.

S’agissant du chômage partiel de source structurelle, l’entreprise doit être confrontée à une baisse prononcée de son taux d’activité sur une période d’au moins 6 mois pour en bénéficier et l’origine de ses difficultés doit être structurelle (c’est-à-dire qu’elle ne doit pas seulement être liée à une récession économique généralisée). Par ailleurs, la reprise normale des affaires assurant le maintien de l’emploi dans un délai raisonnable doit être incertaine. D’un point de vue pratique, les entreprises de moins de 15 salariés doivent présenter un plan de redressement avec des objectifs quantifiables à réaliser suivant un échéancier déterminé ; les autres entreprises sont quant à elles tenues de mettre en place un plan de maintien dans l’emploi. Contrairement au chômage partiel de source conjoncturelle, les entreprises bénéficiant du chômage partiel de source structurelle gardent la possibilité de procéder à des licenciements économiques selon les modalités du plan de redressement/ plan de maintien dans l’emploi.

Les deux types de chômage partiel ne peuvent être demandés qu’après épuisement de toutes les possibilités de maintien d’un niveau normal de l’emploi par des moyens propres à l’entreprise. La requête doit être adressée au Comité de conjoncture pour le 12 du mois précédant celui visé par la demande, après consultation de la délégation du personnel, et devra être renouvelée chaque mois, le cas échéant. Le chômage partiel est limité à 1.022 heures maximum par an et par salarié à temps plein. Les salariés placés en chômage partiel perçoivent une compensation égale à 80 % de leur salaire horaire brut normal (plafonné à 250 % du SSM pour salariés non qualifiés) et versée directement par l’employeur. L’entreprise sera ensuite remboursée sur base d’une déclaration mensuelle adressée à l’ADEM et d’un décompte individuel signé par chaque salarié concerné.

Un nouveau projet de loi n° 7858 a été déposé début juillet à la Chambre des députés. Il vise notamment à augmenter temporairement le nombre d'heures de travail pouvant être admises au titre du chômage partiel de source structurelle dans le cadre d'un plan de maintien dans l'emploi, ainsi que le nombre d'heures éligibles pour des entreprises couvertes par un accord tripartite sectoriel.

La négociation d’un plan de maintien dans l’emploi

La législation luxembourgeoise offre aux entreprises qui envisagent des suppressions d’emploi pour des raisons économiques un cadre juridique spécifique leur permettant de discuter avec les représentants des salariés (délégation du personnel et syndicats le cas échéant) un plan dit de maintien dans l’emploi. L’objectif escompté est de réduire les coûts salariaux de manière temporaire, dans l’attente de l’amélioration de la situation économique, tout en évitant, dans la mesure du possible, les suppressions d’emplois.

Les discussions pour la conclusion d’un plan de maintien dans l’emploi interviennent à l’initiative du Comité de conjoncture (au plus tard lorsqu’il constate que l’entreprise a notifié 5 licenciements économiques sur 3 mois ou 8 licenciements économiques sur 6 mois) ou des partenaires sociaux conjointement.

Parmi les mesures pouvant être mises en oeuvre dans ce contexte, le recours au chômage partiel reste la plus répandue. Mais il existe d’autres modalités d’aménagement du temps de travail, comme par exemple le travail volontaire à temps partiel ou l’augmentation de la période de référence dans le cadre d’un plan d’organisation du travail.

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Lorsque le nombre des licenciements pour motifs économiques envisagés est au moins égal à 7 sur une même période de 30 jours ou 15 sur 90 jours, la procédure de licenciements collectifs devra être mise en oeuvre. Entrent dans ces seuils non seulement les licenciements au sens propre (qui doivent être au nombre de 4 minimum) mais également les autres cessations du contrat de travail se fondant sur des motifs non liés à la personne du salarié et résultant de l’initiative de l’employeur (par exemple les mises en préretraite).

Outre les mesures de réduction du temps de travail, le plan de maintien dans l’emploi peut contenir des mesures liées à la rémunération (modification de la rémunération variable, suppression d’avantages extralégaux, réduction temporaire de salaire), des reclassements internes ou externes (mutation interne ou en intragroupe, prêt temporaire de main-d’oeuvre), des pauses dans la carrière (achat de jours de congé, congé sans solde, congé parental) ou des suppressions de postes (départ volontaire, préretraite, etc.)

L’ensemble des mesures convenues devront être formalisées dans un plan de maintien dans l’emploi qui fixera sa durée d’application.

La conclusion d’un plan de maintien dans l’emploi présente un intérêt certain pour les entreprises puisque certaines mesures et aides étatiques ne sont accessibles que dans ce cadre, notamment l’accès au chômage partiel en cas de réduction d’au moins 40 % du temps de travail ou la participation de l’Etat en matière de préretraite (voir ci-après Mesures de suppression d’emploi – Préretraite - ajustement).

À côté des mesures de sauvegarde de l’emploi, des mesures plus drastiques de suppression de postes peuvent s’avérer malheureusement nécessaires, en fonction de la situation de l’entreprise.

Mesures de suppression d’emploi

En période de crise, une attention particulière est accordée à la performance des salariés. Dans un contexte de réduction des coûts, la résiliation du contrat de travail des salariés les moins performants reste donc une mesure envisageable, pour autant que les insuffisances aient été documentées et communiquées aux salariés.

De la même manière, les entreprises peuvent opter pour la rupture des contrats en cours de période d’essai et le nonrenouvellement des contrats temporaires (CDD et contrats intérimaires).

En parallèle, des mesures de préretraite, et notamment la préretraite-ajustement, peuvent être considérées ainsi que des licenciements économiques proprement dits.

Préretraite-ajustement

La préretraite-ajustement est une mesure de suppression de poste alternative au licenciement sec en cas de restructuration de l’entreprise ou de transformation Lorsque le nombre des licenciements pour motifs économiques envisagés est au moins égal à 7 sur une même période de 30 jours ou 15 sur 90 jours, la procédure de licenciements collectifs devra être mise en oeuvre. Entrent dans ces seuils non seulement les licenciements au sens propre (qui doivent être au nombre de 4 minimum) mais également les autres cessations du contrat de travail se fondant sur des motifs non liés à la personne du salarié et résultant de l’initiative de l’employeur (par exemple les mises en préretraite). septembre/octobre 2021 99 L’esprit d’entreprise d’emplois consécutive à des mutations technologiques. Initiée par l’entreprise, cette mesure implique la conclusion d’une convention avec le ministère du Travail, de l’Emploi et de l'Économie sociale et solidaire pour une durée d’un an (ou pour la durée d’application du plan social ou du plan de maintien dans l’emploi si la préretraite fait partie des mesures décidées dans ce cadre).

La préretraite-ajustement n’est possible que pour les salariés âgés d’au moins 57 ans (et maximum 63 ans) et ayant une ancienneté de 5 ans ou plus dans l’entreprise (sauf faillite ou liquidation de l’entreprise). Par ailleurs, pour pouvoir y prétendre, le salarié doit être éligible soit à une pension de vieillesse, soit à une pension de vieillesse anticipée au plus tard 3 ans après le départ en préretraite.

Le salarié en préretraite-ajustement perçoit de l’employeur une indemnité dégressive sur 3 ans, correspondant à 85 %, 80 % puis 75 % de son dernier salaire (avec un plafond équivalent à 5 fois le SSM). L’intérêt de cette mesure est que l’entreprise peut se faire rembourser une partie de l’indemnité (y compris les cotisations patronales) par le Fonds pour l’emploi. La participation de l’employeur dépend de sa situation financière (entre 30 et 75 % pour les entreprises en situation financière équilibrée selon le Comité de conjoncture). Une participation inférieure à 30 % reste possible mais uniquement en cas de préretraite décidée dans le cadre d’un plan de maintien dans l’emploi.

Licenciements pour motifs économiques

En cas de difficultés économiques (avérées ou anticipées), de nécessité de mettre en oeuvre une réorganisation ou simplement de volonté de sauvegarder la compétitivité, les sociétés sont autorisées à procéder à des licenciements économiques. En effet, les tribunaux reconnaissant aux employeurs la liberté d’organiser/réorganiser leur entreprise d’une manière plus rationnelle, même si cela conduit à des suppressions de postes, à condition que cette faculté ne soit pas un prétexte pour se débarrasser d’un salarié devenu indésirable et ni exercée avec « légèreté blâmable ».

Selon le nombre de salariés concernés et la période au cours de laquelle les licenciements interviennent, ceux-ci suivent soit la procédure du licenciement individuel, soit la procédure du licenciement collectif. Ainsi, lorsque le nombre des licenciements pour motifs économiques envisagés est au moins égal à 7 sur une même période de 30 jours ou 15 sur 90 jours, la procédure de licenciements collectifs devra être mise en oeuvre. Entrent dans ces seuils non seulement les licenciements au sens propre (qui doivent être au nombre de 4 minimum) mais également les autres cessations du contrat de travail se fondant sur des motifs non liés à la personne du salarié et résultant de l’initiative de l’employeur (par exemple les mises en préretraite). Dans tous les autres cas, la procédure de licenciement individuel sera applicable.

La procédure de licenciement individuel pour motifs économiques est similaire à la procédure de licenciement individuel pour motif personnel, à laquelle s’ajoutent une obligation d’information et de consultation de la délégation du personnel ainsi qu’une obligation de notification au Comité de conjoncture. Par ailleurs, la jurisprudence actuelle met à la charge de l’employeur une obligation de tentative de reclassement interne avant de notifier un licenciement individuel pour motifs économiques, faute de quoi le licenciement pourrait être qualifié d’abusif. Tout salarié licencié pour motifs économiques peut faire valoir une priorité de réembauche pendant un an à compter de la fin de son contrat de travail pour tout poste devenu vacant et correspondant à ses qualifications. Bien que la loi ne prévoie pas une telle interdiction, la société qui procède à des licenciements pour motifs économiques devrait éviter de recruter pour un poste similaire pendant un certain temps après la mesure entreprise, sous peine que les licenciements soient déclarés abusifs.

La procédure de licenciements collectifs implique la négociation d’un plan social avec les représentants du personnel et, le cas échéant, les syndicats signataires de la convention collective de travail, selon un calendrier très strict (15 jours). Les négociations doivent porter sur les possibilités d'éviter ou de réduire le nombre de licenciements (mesures alternatives aux licenciements) et d'en limiter les conséquences (mesures financières compensatoires). À défaut d’accord sur le contenu d’un tel plan, une procédure de conciliation est prévue devant l’Office National de Conciliation (ONC). Une fois le plan social (ou le procès-verbal de non-conciliation) signé, l’employeur peut procéder aux licenciements des salariés. Pour les salariés dont l’ancienneté est inférieure à 5 ans, les délais de préavis sont portés à 75 jours, voire 90 jours sur décision du ministre du Travail (sauf dispositions conventionnelles plus favorables).

En conclusion

Plusieurs solutions existent pour les sociétés qui souhaiteront sauvegarder l’emploi, ou qui seront contraintes de supprimer des postes pour rester compétitives dans une période post-COVID-19. Toutes les mesures disponibles ne sont évidemment pas adaptées à toutes les sociétés. Il est donc nécessaire que chaque société mène au préalable une réflexion sur le type de mesures qu’elle peut proposer au vu de sa taille, de son organisation, des salariés concernés et de sa culture.

Me Marielle Stevenot Partner
Me Marielle Stevenot Partner

Me Sabrina Alvaro Counsel Employment PwC Legal
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(1) Peuvent également bénéficier du chômage partiel les entreprises qui sont en lien de dépendance économique avec des entreprises admises au chômage partiel ou qui sont confrontées à un cas de force majeure ou à une réduction de minimum 40 % du temps de travail après avoir conclu un plan de maintien dans l’emploi.