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Ces dernières années, plusieurs pays membres de l’Union européenne, tels que la France avec l’EIRL (Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée), la Belgique avec la SPRL-Starter ou encore l’Allemagne avec la Mini-GmbH, ont pris des mesures visant à rendre la création d’entre-prise plus flexible.

Le gouvernement luxembourgeois a ré-cemment décidé de suivre leurs traces avec un projet de loi visant à simplifier les formalités et à réduire les coûts liés à la création d’une société afin de promouvoir l’entrepreneuriat, concrétisant ainsi la proposition de la Chambre de Commerce faite quatre ans plus tôt de créer une société à responsabilité limitée à partir d’un capital social de 1 EUR.

Adopté par le gouvernement luxem- bourgeois le 21 janvier 2015, sur une proposition du ministre de la Justice, Félix Braz, puis déposé à la Chambre des députés le 2 février 2015, le texte a pour objet d’instituer une version simplifiée et complémentaire de la traditionnelle société à responsabilité limitée (S.à r.l.) : la S.à r.l.-S.

Fortement influencés par les droits belges et allemands en la matière, les rédacteurs du projet ont fait le choix de créer une « variante » de la société à res-ponsabilité limitée, plutôt qu’une toute nouvelle forme juridique de société. De ce fait, les dispositions s’appliquant aux actuelles sociétés à responsabilité limitée s’appliqueront également aux versions simplifiées de ces dernières, hormis dérogations prévues par la loi.

Le gouvernement espère qu’une fois approuvée, cette loi encouragera la création d’entreprises et stimulera, à terme, la croissance, l’investissement et la création d’emplois.

Une procédure simplifiée: la possibilité de constituer une société sous seing privé avec un capital social de 1 EUR.

Avec son projet, le gouvernement sou-haite laisser aux entrepreneurs le choix de constituer leur S.à r.l.-S par acte sous seing privé ou par acte authentique, dans un souci de rendre la procédure plus rapide et moins coûteuse.

Les entrepreneurs pourront s’adresser à un conseil juridique afin de se faire assister dans la préparation de leurs statuts. Toutefois, s’ils ne souhaitent pas avoir recours à de tels services, il leur sera possible de solliciter les chambres professionnelles, qui pourront envoyer, à leur demande, des modèles de statuts.

Quel que soit le choix de l’entrepreneur, l’acte constitutif de la société devra être publié intégralement au Mémorial. Par ailleurs, il convient de noter que les conditions de constitution d’une S.à r.l. classique restent inchangées, cette dernière continuera donc à être établie obligatoi-rement par acte notarié.

En plus de rendre les entrepreneurs davantage indépendants, la loi leur permettra de créer leur S.à r.l.-S avec un capital social strictement compris entre 1 et 12.394,68 EUR, ce dernier devant être intégralement souscrit et libéré au moment de la constitution de la société.

Ainsi, le texte a pour but de faciliter la création d’entreprise, en réduisant substantiellement les coûts qui y sont associés – le gouvernement avance dans son projet qu’il serait possible de créer une entreprise à partir de 191 EUR, hors cotisations auprès de la Chambre de Commerce, sous réserve que la société soit constituée sous seing privé – et d’accélérer le processus d’établissement.

Néanmoins, se pose la question de savoir qui sont les potentiels destinataires de ces mesures et à quel point ce nouveau régime pourrait être intéressant pour eux.

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Un projet de loi à destination des petits entrepreneurs, à certaines conditions

Le projet de loi vise à encourager les entrepreneurs (personnes physiques) dont les moyens sont limités à concrétiser leur projet en créant leur société.

Par conséquent, il s’adresse essentielement aux entrepreneurs pour qui l’apport d’un capital minimum obligatoire constitue un obstacle à la création de leur société, mais dont l’activité commerciale (de type prestation de service) ne requiert pas un capital de départ important. En effet, les créateurs d’une S.à r.l.-S, ayant une activité nécessitant une certaine quantité de liquidités, pourraient se trouver dans l’incapacité de contracter un prêt auprès d’un établissement financier, sauf à invoquer leur patrimoine personnel comme garantie, le capital social de leur société ne pouvant guère servir de garantie suffisante.

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Par ailleurs, la constitution d’une S.à r.l.-S est soumise à certaines conditions, révélatrices du souhait du gouvernement de répondre en particulier aux besoins d’un secteur spécifique. Le texte prévoit, par exemple, que l’objet social d’une

S.à r.l.-S soit restreint à l’exercice d’activités soumises à une autorisation d’établisse-ment. Ce type de société n’est donc pas pertinent pour les sociétés dont l’objet social est limité à des activités de holding et de financement ou des activités soumises à un agrément particulier.

En outre, les associés d’une S.à r.l.-S doivent impérativement être des personnes physiques. Une personne morale ne peut pas, sous peine de nullité, être associée d’une telle société. Selon le gouvernement, cette limite est instituée dans le but d’éviter les abus et l’interposition de sociétés.

Enfin, si une S.à r.l.-S peut avoir un ou plusieurs associés, un individu ne peut être l’associé de plusieurs de ces sociétés à la fois, sauf en cas de transmission de parts dans le cadre d’un décès. Le texte prévoit à ce titre que tout individu déjà associé d’une S.à r.l.-S acquérant des parts d’une autre S.à r.l.-S, à moins de les avoir reçues dans le cadre d’un décès, sera réputé

caution solidaire des obligations de cette autre société et ce jusqu’à la dissolution de la société ou la perte de son statut de S.à r.l.-S. Encore une fois, le gouvernement justifie cette disposition en avançant que le but de la S.à r.l.-S est de faciliter l’accès à la création d’entreprise et non pas de permettre à un individu d’être associé d’une multitude de ces sociétés. En revanche, rien ne semble indiquer dans le projet de loi qu’un individu ne pourrait pas être associé à la fois d’une S.à r.l.-S et d’une autre forme de société.

Une société de démarrage pour débuter une activité, plutôt qu’un choix sur le long terme

Si le gouvernement souhaite rendre possible la constitution d’une société avec un capital social de 1 EUR, il entend tout de même protéger les potentiels créan-ciers des fondateurs d’une S.à r.l.-S. Pour cette raison, les rédacteurs du texte ont prévu de soumettre les entrepreneurs à l’obligation de prélever annuellement 5 % de leurs bénéfices nets afin de constituer une réserve, jusqu’à ce que le montant de ladite réserve soit suffisamment élevé pour permettre, lors d’une augmentation de capital, de porter le capital social à un montant de 12.394,68 EUR

L’obligation précédemment citée semble venir s’ajouter à l’impératif auquel sont soumises toutes les S.à r.l. de constituer une réserve représentant jusqu’à 10 % de leur capital social en prélevant annuellement 5 % de leurs bénéfices nets..

L’idée est de permettre, qu’à terme, le montant du capital social puisse atteindre le montant minimum requis pour la création d’une S.à r.l. classique. Cependant, si la transformation de la S.à r.l.-S en S.à r.l. paraît être l’un des objectifs sous-jacents de cette mesure, le législateur n’impose.

rien aux associés d’une S.à r.l.-S et précise qu’une fois le montant demandé atteint, il sera « loisible » aux associés de modifier les statuts de leur société.

On voit donc que, même si aucune durée limite n’a été prévue par le gouvernement, la S.à r.l.-S semble être in fine une forme transitoire de société, permettant aux entrepreneurs de démarrer leur activité, dans l’optique de transformer leur S.à r.l.-S en S.à r.l. par la suite.

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Me Chan Park Partner Avocat aux Barreaux de Bruxelles et Luxembourg (liste IV) MOLITOR Avocats à la Cour

En bref

Le texte du gouvernement promeut l’en-trepreneuriat et la création d’entreprise tout en posant clairement des limites à son application afin de limiter les abus. Si la S.à r.l.-S peut se révéler être un formidable outil pour les entrepreneurs et commerçants fournissant des prestations de services, il n’est pas sûr qu’elle convienne aux start-up les plus innovantes, souvent plus gourmandes en capitaux.