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La grande majorité des innovations impliquent de nouvelles créations ou inventions, qui sont le plus souvent le fruit des investissements – notamment financiers – d’une ou de plusieurs sociétés. Mais le simple fait d’être à l’origine d’une innovation ou de l’avoir financée ne signifie pas nécessairement que l’on détient les droits y afférents. Pour s’assurer de pouvoir librement exploiter son innovation, il convient de prêter une attention particulière aux clauses contractuelles portant sur les droits de propriété intellectuelle.

L’innovation est un sujet transversal qui touche tous les domaines et industries. Si les formes d’innovation peuvent varier de la modernisation de l’image d’une société à l’amélioration ou au renouveau du processus de production jusqu’à la création de nouveaux produits ou services, les principes restent identiques: on crée quelque chose de nouveau, de différent, de meilleur, qui permet de distinguer sa propre entreprise des autres opérateurs du marché.

Or, une grande majorité des innovations sont constituées de créations intellectuelles qui forment souvent l’objet d’un droit de propriété intellectuelle. Ainsi, un nouveau processus de fabrication ou un nouveau produit pourra être protégé par un brevet. Un programme d’ordinateur ou une œuvre originale (telle que la photographie utilisée comme support publicitaire) pourra de son côté être protégé par le droit d’auteur. De plus, ces droits ne sont pas nécessairement exclusifs les uns des autres, mais peuvent protéger différents aspects d’une même innovation: le nouveau logo déposé en tant que marque pourrait également jouir d’une protection au titre du droit d’auteur s’il remplit certaines conditions.

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Malgré cette variété de droits et des régimes juridiques qui leur sont applicables, une règle générale vaut pour l’ensemble des droits de propriété intellectuelle: le titulaire des droits dispose d’un monopole d’exploitation. Ceci a pour conséquence que cette personne est seule à pouvoir exploiter ou autoriser l’exploitation des innovations protégées. Il est donc crucial de s’assurer de disposer des droits pour en garantir une exploitation paisible.

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Quid des droits de propriété intellectuelle des salariés?

Un nombre limité de cessions légales bénéficie aux employeurs, mais mieux vaut inclure des cessions de droits de propriété intellectuelle dans les contrats de travail.

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De principe, les salariés sont titulaires des droits de propriété intellectuelle sur leur travail. Tel sera par exemple le cas des membres du département Marketing qui créent une nouvelle brochure, mais aussi de l’auteur d’une note d’utilisation d’un produit. Dans certains domaines, le législateur a toutefois introduit des exceptions à ce principe en la forme de cessions légales bénéficiant aux employeurs.

La loi du 20 juillet 1992 sur les brevets d’inventions, telle que modifiée, prévoit ainsi que des inventions effectuées par des salariés dans l’exécution d’un contrat de travail comportant une mission inventive ou dans le cadre d’études ou de recherches qui sont explicitement confiées au salarié appartiennent à l’employeur. Il en va de même des inventions faites par un salarié dans le cours de l’exécution de ses fonctions, dans le domaine des activités de l’entreprise ou par la connaissance ou l’utilisation de techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise qui l’emploie ou de données procurées par cette dernière.

En matière de programmes d’ordinateur, l’employeur bénéficie également d’une cession légale en vertu de la loi du 18 avril 2001 sur les droits d’auteur, telle que modifiée. En effet, seul l’employeur est habilité à exercer tous les droits patrimoniaux afférents au programme d’ordinateur créé par un employé dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur. Seule la société qui emploie l’auteur du programme d’ordinateur peut donc inter alia reproduire, distribuer, représenter, communiquer, adapter, traduire, louer ou prêter ce dernier. En revanche, l’employé reste titulaire des droits moraux, c’est-à-dire notamment du droit de divulgation et de paternité ainsi que du droit de s’opposer à toute déformation de son œuvre.

Néanmoins, la cession légale n’empêche pas qu’un contrat de travail puisse prévoir que l’ensemble des droits appartiennent à l’employé ou, à l’inverse, que ce dernier cède l’ensemble de ses droits (au Luxembourg, y compris les droits moraux) à son employeur. Dans certains cas, une rémunération spécifique devra toutefois être versée à l’employé concerné en cas de cession de ses droits.

Toute société devrait donc vérifier la présence, ainsi que la formulation, des clauses relatives à la propriété intellectuelle dans les contrats de travail de ses employés, du moins pour les employés susceptibles de créer de la propriété intellectuelle. Ce constat vaut d’ailleurs également pour tout contrat de prestation de services, tout particulièrement si le sous-traitant intervient dans le développement de l’innovation.

Déterminez le sort des droits dès la conclusion du contrat

L’innovation résulte également très souvent de projets importants en matière de R&D. Dès lors qu’une société fait intervenir un tiers dans une telle quête à l’innovation, la détermination contractuelle de la titularité et de l’exploitation des droits de propriété intellectuelle devient cruciale.

En l’absence de clauses spécifiques dédiées à la propriété intellectuelle, l’invention ou la création effectuée par un tiers (tel qu’un prestataire de services ou un partenaire) dans le cadre d’un projet de R&D pourrait appartenir à part entière à ce tiers. Sans cession des droits de propriété intellectuelle résultant du projet de R&D ou de licence y afférents, la société qui a financé la recherche sans y participer activement pourrait donc se voir dans l’impossibilité d’exploiter les innovations en résultant. Puisqu’en matière de propriété intellectuelle tout ce qui n’est pas autorisé est interdit, le bénéficiaire d’une licence doit aussi veiller à s’assurer que les termes de celle-ci couvrent l’intégralité des usages qu’il entend faire de l’innovation.

Etant donné qu’il est généralement plus difficile de trouver un accord sur ce sujet une fois qu’une innovation importante a été effectuée, il est recommandé de déterminer – du moins dans les grandes lignes – la titularité des droits et les termes d’une éventuelle licence (y compris son caractère exclusif) dès la conclusion du contrat. Dans l’hypothèse où les parties s’accordent sur le fait que tout droit de propriété intellectuelle qui pourrait résulter d’un projet de R&D devrait être détenu en copropriété, les quotes-parts et le régime de copropriété devraient également être fixés le plus tôt possible.

Le savoir-faire et les secrets d’affaires doivent également être protégés

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Me Natalie Schall IPT/TMT Associate Allen & Overy

Enfin, certaines innovations ne sont pas protégées par des droits de propriété intellectuelle stricto sensu, mais constituent du savoir-faire ou des secrets d’affaires. Si certains outils juridiques existent pour garantir une protection a posteriori de ce savoir-faire ou de ces secrets d’affaires, ceux-ci peuvent s’avérer inadaptés. Raison pour laquelle ces connaissances devraient également faire l’objet de clauses contractuelles protectrices spécifiques dans les contrats de travail, de prestations de services, de collaboration et de tout autre contrat en vertu duquel une personne physique ou morale pourrait avoir accès au savoir-faire ou aux secrets d’affaires de votre société.