La procédure législative pour l’adoption le 26 mars dernier par le Parlement européen de la nouvelle directive sur le droit d’auteur a dû surmonter, depuis 2016, une série d’obstacles eu égard au lobbying intense dénonçant une censure de l’Internet et des géants du Web. Les Etats membres auront deux ans pour transposer la directive dans le droit national.

La directive européenne réformant le droit d’auteur dans le marché unique numérique : une adaptation controversée, mais un soutien aux artistes et ayants droit, et une volonté de préserver la liberté d’expression.
La directive européenne réformant le droit d’auteur dans le marché unique numérique : une adaptation controversée, mais un soutien aux artistes et ayants droit, et une volonté de préserver la liberté d’expression.
 

 

La réglementation actuelle n’avait pas évolué depuis 2001, période où les usages de l’Internet étaient plus limités qu’actuellement.

La Commission européenne militait avec des acteurs sectoriels liés au droit d’auteur pour que ce dernier évolue favorablement pour les artistes et ayants droit titulaires du droit d’auteur afin d’introduire des mécanismes facilitant la défense des intérêts des artistes face notamment aux diverses plateformes Internet. Ces dernières s’étant multipliées et diffusant des oeuvres sans rémunérer les auteurs de manière équitable eu égard aux revenus générés par les retombées publicitaires par les vidéos, chansons… hébergées sur leur site.

Le rapport de force dans l’équilibre à trouver a donné lieu à de vives contestations par les GAFA notamment et les défenseurs de la liberté du Net.

Désormais, la directive rend les plateformes en ligne responsables des contenus téléchargés par les utilisateurs. C’est une nouvelle obligation légale introduite à charge pour les plateformes, lesquelles doivent s’assurer que l’hébergement gratuit des oeuvres ne viole pas le droit d’auteur. Cette disposition suppose donc une automatisation de recherche de contenus illégaux par les géants du Net et l’implémentation de filtres. Or, il n’est pas toujours évident que la technologie puisse différencier le téléchargement d’oeuvres protégées au contenu licite à des fins de citation, de critique, d’avis, de parodie, de caricature… et un contenu qui violerait le droit d’auteur.

Toutefois, la directive précise que le téléchargement d’oeuvres dans des encyclopédies en ligne dans un but non commercial (Wikipédia, par exemple), de même celles des start-up seront soumises à des obligations moins strictes.

Un nouveau droit voisin

De surcroît, la directive introduit un nouveau droit voisin au droit d’auteur au profit des entreprises de presse afin qu’elles soient mieux rémunérées lorsque leurs productions sont réutilisées par des agrégateurs de contenus. Toutefois, les hyperliens vers des articles d’actualité, accompagnés de « très courts extraits » pourront être partagés librement. Sur ce point encore, deux visions diamétralement opposées : ceux qui perçoivent le danger de cette disposition pour les modèles économiques liés à la gratuité des sites, lesquels insèrent des liens, et ceux qui, à l’inverse, estiment que cette disposition contribue à pérenniser un journalisme professionnel de terrain pour contrer le risque de désinformation. Les nouvelles règles protègent aussi la liberté d’expression en donnant automatiquement le droit aux éditeurs de presse de négocier des accords au nom des journalistes pour tout article repris par les agrégateurs de nouvelles.

Retenons que les nouvelles règles sur le droit d’auteur numérique introduit une modification du statu quo en permettant un droit de négociation renforcé pour les auteurs et interprètes, et la signature d’accords de licence équitables avec les titulaires de droits pour l’utilisation de leurs oeuvres exploitées par voie numérique, en considérant les sociétés Internet comme responsables du contenu téléchargé par leurs utilisateurs.

 

Me Emmanuelle Ragot, Partner, Head of Data – IP –, TMT Practice, Wildgen S.A.
Me Emmanuelle Ragot, Partner, Head of Data – IP –, TMT Practice, Wildgen S.A.