Le meilleur atout de votre capital humain pourrait bien être, dès maintenant, sa capacité à apprendre. La technologie, parmi d'autres tendances de fond, continue d'évoluer, et avec elle le marché du travail. La pandémie de COVID-19 a accéléré cette tendance, incitant encore plus les employés à apprendre continuellement de nouvelles compétences, afin de se préparer à un avenir aux contours toujours mouvants. À bien des égards, cela restera une constante. Dès lors, comment individus et entreprises parviendront-ils à construire une employabilité pour la vie ? Le présent article a pour but d’expliquer comment le développement des compétences doit être un élément essentiel de la stratégie d'une organisation dans un monde numérique en constante évolution.

L'année 2020, et la crise qui la marquera à jamais, constitue pour presque tous les secteurs d'activité une étape importante en termes de transformation digitale accélérée. Bien sûr, l'ère numérique était déjà en marche. Cela fait maintenant des années que les technologies évoluent à vitesse grand V, et notre capacité à apprendre à les utiliser est tout aussi rapidement mise à l’épreuve.

L'époque où la plupart des gens se lançaient dans une carrière toute tracée et y restaient toute leur vie est révolue. Aujourd'hui, les gens doivent faire face aux méandres des développements technologiques qui jouent un rôle crucial dans la définition – puis la redéfinition – des emplois du futur (que nous abordons en profondeur dans notre blog PwC Luxembourg).

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Parallèlement aux nouvelles technologies, une nouvelle combinaison de compétences est demandée : un pilier est l'expertise technique approfondie, l'autre pilier est l'expertise numérique approfondie ; ces deux piliers doivent être combinés et conjugués grâce aux compétences transversales.

Et, bien que nous nous concentrions sur la technologie dans cet article, ce n'est qu'une des tendances de fond qui remodèlent le marché du travail. Par exemple, nous sommes déjà témoins de l’effet phénoménal d’une pandémie – en l'occurrence le COVID-19 – sur notre façon de travailler. Elle nous a montré que le travail à distance à grande échelle est réalisable et, pour de nombreux employés, souhaitable à plein temps et de manière durable. La pandémie est également considérée comme un catalyseur de la productivité numérique, de la transformation organisationnelle, de l'adoption des critères ESG, du changement de comportement des consommateurs, du rééquilibrage et du déplacement des circuits logistiques, etc.

Sans parler des avertissements quotidiens selon lesquels l'homme pousse la planète vers le point de rupture. Le changement climatique devrait avoir un effet massif, et ses conséquences sont visibles en ce moment même partout dans le monde. Une chose que nous avons apprise entre 2020 et aujourd'hui, c'est que nous devons essayer de préparer l'avenir autant que possible, ce qui inclut la formation pour les emplois de demain. Car il faut aussi tenir compte d’un certain degré d'imprévisibilité. La technologie est peut-être le principal catalyseur aujourd'hui, mais d'autres tendances de fond occuperont cet espace dans les années à venir, modifiant la nature des carrières et creusant le fossé des écarts de compétences entre les besoins des entreprises et les profils disponibles sur le marché.

Pour étayer cette affirmation, nous nous appuyons sur les publications du Forum Économique Mondial (FEM), et notamment son Enquête 2020 sur l'avenir des emplois. Les résultats montrent clairement le niveau auquel les entreprises prévoient de restructurer leurs effectifs en réponse aux nouvelles technologies.

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La technologie est peut-être le principal catalyseur aujourd'hui, mais d'autres tendances de fond occuperont cet espace dans les années à venir, modifiant la nature des carrières et creusant le fossé des écarts de compétences entre les besoins des entreprises et les profils disponibles sur le marché.

En particulier, les entreprises interrogées ont indiqué qu'elles envisageaient également de transformer la composition de leur chaîne de valeur (55 %), d'introduire davantage d'automatisation, de réduire leur main-d'oeuvre actuelle (43 %) ou d'augmenter leur main-d'oeuvre en raison d'une intégration technologique plus poussée (34 %), et de recourir davantage à des sous-traitants pour des tâches spécialisées (41 %).

Dans le même rapport 2020 du FEM, les employeurs opérant dans le secteur des services financiers ont été interrogés pour savoir ce que l'avenir réserve aux emplois de ce secteur. Les entreprises ont été invitées à identifier les postes très demandés et ceux qui sont de plus en plus redondants. Les résultats montrent que les trois principaux métiers émergents sont les spécialistes et analystes de données, les spécialistes du big data et les spécialistes du marketing et de la stratégie digitale. De l'autre côté du spectre, on trouve les commis à la saisie de données, les comptables et employés de services de paye, ainsi que les secrétaires administratifs et de direction.

Une façon de voir les choses est de dire que le marché du travail est en train de se métamorphoser.

Quelles compétences actuelles et émergentes les gens doivent-ils maîtriser aujourd'hui pour rester pertinents demain ? Comment une entreprise peutelle permettre à sa main-d'oeuvre de tenir le rythme du changement ?

Cela peut naturellement conduire à la question suivante : qui est responsable de la mise en oeuvre de tout cet effort de formation ? Par exemple, selon la dernière étude Hopes & Fears de PwC, 74 % des travailleurs interrogés considèrent la formation comme une question de responsabilité personnelle. Pour que cette dynamique de formation continue soit efficace, elle doit reposer sur trois acteurs : les entreprises, bien sûr, mais aussi l'État et l'individu lui-même.

Dans un monde idéal, voici comment l’on voit un écosystème sain :

• l’individu apprend à créer son autonomie, et de nombreuses entreprises ont adopté des méthodes d'apprentissage autogéré dans leurs stratégies de formation continue ;

• l’entreprise, avec une responsabilité partagée entre les RH et le métier, fondée sur l'équité et la rétention des employés, pour une efficacité opérationnelle ;

• les pouvoirs publics peuvent soutenir les employeurs tant par des aides financières que des dispositifs d’assistance technique, en se concentrant sur les secteurs les plus fortement touchés. (Pourtant, la situation actuelle, selon le FEM, montre que « ... au moins 54 % de tous les employés auront besoin de se requalifier et de se perfectionner d'ici 2022. Pourtant, seuls 30 % des employés menacés par les changements technologiques ont reçu une formation au cours de l'année écoulée, et les personnes les plus exposées sont souvent celles qui ont le moins de chances de bénéficier d'une reconversion quelconque ») ;

• les organismes de formation de l’enseignement supérieur et professionnel doivent proposer des formations pertinentes alignées sur le marché du travail, les établissements d'enseignement s'adaptant au rythme du changement et adoptant véritablement l'apprentissage tout au long de la vie.

Construire l'employabilité pour la vie, et l'explosion de la formation en ligne

Pour chaque travailleur, il est désormais nécessaire non plus d'apprendre un métier pour la vie, mais de se construire une employabilité pour la vie. Dans ce contexte, et alors que les événements en présentiel se sont estompés comme de vieux souvenirs, la formation à distance a explosé au cours de l'année 2020.

Selon le rapport Future of Jobs, nous avons enregistré en 2020 une augmentation très importante des inscriptions à des formations, principalement en ligne. Le phénomène du micro apprentissage a également gagné du terrain. Il s'agit de modules très courts qui apportent des connaissances ciblées sur certains sujets. C'est comme si nos habitudes de consommation avaient enfin atteint le domaine de l'éducation.

L'enquête Hopes and Fears 2021 a recueilli l'avis du nombre impressionnant de 32.500 travailleurs. Cette étude nous apprend que 40 % d'entre eux ont réussi à améliorer leurs compétences numériques pendant la pandémie et que 77 % sont prêts à acquérir de nouvelles compétences ou à se reconvertir complètement.

Pour rester dans le jeu, il faut apprendre en permanence, mais qu'est-ce que cela signifie vraiment ? Il faut d'abord apprendre à apprendre. La facilité d’apprentissage est en effet fondamentale, quel que soit le métier. Cette compétence « humaine » ne doit cependant pas occulter la nécessité d'acquérir des compétences plus techniques, notamment pour tout ce qui concerne les données – sécurité des données, gestion des données, etc. À l'avenir, ces compétences liées aux données deviendront transversales et aussi indispensables que de parler anglais aujourd'hui. Avec la généralisation du télétravail, il est également devenu indispensable de savoir gérer les interactions à distance.

Mises en avant depuis plusieurs années, les fameux soft skills (les compétences transversales) restent essentielles, notamment dans les métiers de l'informatique. C’est une tendance commune dans presque toutes les organisations. Parallèlement aux nouvelles technologies, une nouvelle combinaison de compétences est demandée : un pilier est l'expertise technique approfondie, l'autre pilier est l'expertise numérique approfondie ; ces deux piliers doivent être combinés et conjugués grâce aux compétences transversales. Ce n'est pas un concept nouveau, mais nous le visualisons sous la forme d'un H, avec les deux piliers et les compétences transversales qui les relient. Ces dernières comprennent la communication, la collaboration, le travail interdisciplinaire, la résolution de problèmes, la créativité et l'apprentissage accéléré.

La transformation numérique n'est pas un exercice informatique, il s'agit plutôt d'un énorme changement culturel qui affecte vos collaborateurs et leur avenir, et donc le vôtre.

Ainsi, la valeur de la compétence « dure » (hard skill) ne doit pas être diminuée. S'il est désormais possible de se former grâce à des micro modules de 3 minutes, ceux-ci ne font pas automatiquement de nous des experts. Avoir une vraie compétence n'est pas une mince affaire. Prenons l’exemple de la conduite du changement, un sujet essentiel dans la transformation digitale des organisations. Pour être efficace dans ce domaine, il est indispensable de maîtriser des méthodes qui sont de l'ordre des compétences très techniques.

Les personnes au coeur de la transformation organisationnelle

Selon le FEM, la révolution de la requalification doit avoir lieu car « valoriser le capital humain permet non seulement de doter les individus des connaissances et des compétences nécessaires pour répondre aux changements systémiques, mais aussi de leur donner les moyens de participer à la création d'un monde plus égalitaire, inclusif et durable. »

On dit toujours que les gens ont peur du changement. Et le changement peut faire peur, en particulier après des années d'inégalité croissante des revenus, d'inquiétudes quant au déclassement des emplois par la technologie, et les chocs sanitaires et économiques combinés de 2020, qui ont perturbé et continueront de perturber le marché du travail. C'est pourquoi il est si important de se rappeler que la transformation numérique n'est pas un exercice informatique, il s'agit plutôt d'un énorme changement culturel qui affecte vos collaborateurs et leur avenir, et donc le vôtre.

Dans l'enquête Hopes and Fears 2021, nous avons constaté que les gens sont préoccupés par la sécurité de l'emploi dans ce monde en constante évolution et que 60 % d'entre eux craignent que l'automatisation ne mette en danger de nombreux emplois. On observe toutefois un changement de culture, puisque l'enquête a révélé une situation plutôt optimiste, bien qu'elle comporte des aspects préoccupants. Les travailleurs ont déclaré se sentir enthousiastes ou confiants dans l'avenir. La plupart ont déclaré être convaincus de pouvoir relever les défis de l'automatisation – et ils l'ont prouvé pendant la pandémie en acquérant de nouvelles compétences numériques et en s'adaptant rapidement au travail à distance. Cela signifie qu'ils commencent à accepter le changement. Et, ce qui est peut-être plus important encore, ils commencent à réaliser que le changement est la seule constante, tout comme la nécessité et la capacité d'apprendre pour rester pertinent sur le marché du travail.

Au cours des cinq à sept dernières années, nous avons pris conscience de la nécessité d'une formation continue pour s'adapter à l'évolution des technologies. Les entreprises s'efforcent de devenir plus compétitives et cela peut parfois ressembler à une course qu'il faut gagner rapidement. Mais dans cette quête d'un avantage (qu'il s'agisse de productivité, de prix, de technologie, etc.), les entreprises ne doivent pas oublier les personnes, ni les laisser sur le carreau. Les compétences techniques et humaines ne doivent pas être en conflit. Ensemble, elles forment l'arsenal des compétences essentielles et valorisées dont nous avons besoin dans le monde numérique.

Pour chaque travailleur, il est désormais nécessaire non plus d'apprendre un métier pour la vie, mais de se construire une employabilité pour la vie.

Nous avons la capacité de requalifier et d'améliorer les compétences des individus à une échelle sans précédent, et de créer des cartes qui orientent les travailleurs menacés vers les emplois de demain où ils pourront s'épanouir. Nous devons simplement agir rapidement et intelligemment, car la fenêtre d'opportunité se raccourcit sur un marché du travail qui subit sans cesse de nouvelles contraintes.

Virgine Laye(1) Director PwC Luxembourg
Virgine Laye(1) Director PwC Luxembourg

Pour en savoir plus, vous pouvez écouter le podcast de PwC, The One on Skills for a Digital World.

(1) Virginie Laye, directrice chez PwC Luxembourg, est spécialisée dans le développement des compétences et la transformation organisationnelle. Elle estime qu'il est important de comprendre que la trajectoire « formation initiale-diplôme et profession à vie est définitivement dépassée. Les organisations ont désormais pris conscience du fait qu'elles ne pourront rester compétitives que si elles disposent des bonnes compétences, au bon endroit et au bon moment. Cela nécessitera un effort constant en matière de formation continue afin de s'adapter à l'évolution des technologies et d'autres tendances émergentes ».