La récente publication mensuelle sur l’état de la conjoncture luxembourgeoise du STATEC tenait le secteur financier pour « principal responsable » dans la baisse de la progression du PIB luxembourgeois (croissance de 2,3 % contre 3,4 % prévus) en 2017. Selon cette note, « cette contre-performance contraste avec le regain de confiance dans le secteur, la hausse des marchés boursiers et les créations d’emplois ».

Si les dernières statistiques du STATEC restent inchangées, alors la part de la valeur ajoutée du secteur des activités nancières et d’assurance dans la somme des valeurs ajoutées du pays en 2017 aura été, pour la deuxième année consécutive, décroissante. Bien que les fortes croissances des secteurs des activités spécialisées scienti ques et techniques et des TIC (respectivement 7,7 % et 6,5 % par an depuis 2015) puissent – en partie – expliquer le échissement marqué du poids relatif du secteur nancier lors de ces deux dernières années, le paysage nancier semble avoir subi une profonde mutation depuis quelque temps.

Au sein des activités nancières et d’assurance, il y a trois sous-secteurs : les activités des services nanciers hors assurance et caisses de retraite (les établissements bancaires, les activités des sociétés holding, les sociétés de participation nancière (Sopar ), les Fonds Communs de Placement (FCP), les sociétés d’investissement (SICAV, SICAF, SICAR), les sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF), les activités de la Banque centrale, les caisses rurales, les services nanciers postaux, le crédit-bail), les activités auxiliaires de services financiers et d’assurance (la prestation de services connexes des services nanciers et d’assurance ou étroitement liés à ceux-ci qui comprend les entreprises œuvrant dans l’administration, les supports juridiques, les services de conseil et de courtage, la gestion de fonds d’investissement et de pension ainsi que la gestion de fortune) et nalement l’assurance (la souscription de contrats d’assurance de rente et d’autres formes de contrat d’assurance, l’investissement des primes pour constituer un portefeuille d’actifs nanciers en prévision des sinistres futurs, la fourniture de services d’assurance et de réassurance directe ainsi que les caisses de retraite). La proportion de la valeur ajoutée de ces différents sous-secteurs au sein du secteur des activités nancières et d’assurance a beaucoup évolué au l du temps.

Au milieu des années 1990, les activités du sous-secteur des services nanciers représentaient 83,8 %, alors qu’en 2016 ce sous-secteur ne pesait plus que pour 61,7 %, suivi par les activités des sous-secteurs auxiliaires de services nanciers et d’assurance (30,7 %) et d’assurance (7,6 %).

En perte de vitesse depuis 2008

Depuis la crise économique et nancière de 2008, une dégradation s’observe au sein de l’ensemble du secteur des activités nancières et d’assurance de la place luxembourgeoise (1). Cette perte de vitesse s’exprime à la fois en baisse de progression de la valeur ajoutée en volume et en chute de la productivité apparente du travail (mais en hausse du nombre d’heures travaillées). La productivité apparente du travail du secteur af chée en 2017 est inférieure à celle de 2002 et la valeur ajoutée en volume (produite en 2017) correspond plus ou moins à celle obtenue en 2014.

Le STATEC a d’ailleurs fourni davantage d’explications sur les raisons de la diminution de la valeur ajoutée du secteur dans sa dernière note conjoncturelle. La faible performance des banques (6 % en volume en 2017 par rapport à 2016) explique le recul de la valeur ajoutée du secteur (entier) nancier luxembourgeois. L’augmentation des dépenses a n de s’adapter à la digitalisation et à la régulation croissante du secteur (nouvelles réglementations et coûts de conformité) a pénalisé leurs résultats tandis que leurs revenus ont cru plus faiblement qu’espéré. Cette hausse des dépenses touche principalement les banques privées. En effet, bien que les 139 banques installées au Luxembourg aient enregistré un total de 260 milliards EUR de dépôts bancaires en 2017 (+ 7,5 % par rapport à 2016), elles ont annoncé un résultat bancaire de 3,8 milliards EUR, soit 21 % de moins qu’en 2016 selon l’ABBL.

Tableau 1 :

Evolution de la valeur ajoutée en volume, du nombre d’heures travaillées et de la productivité apparente du travail en pourcentage par an du secteur entier lors des périodes 1998-2007 et 2008-2017

Au sein de ce secteur, les trois sous-secteurs évoluent différemment :

Tableau 2 :

Evolution de la valeur ajoutée en volume, du nombre d’heures travaillées et de la productivité apparente du travail en pourcentage par an des trois sous-secteurs lors des périodes 1999-2007 et 2008-2016

En résumé, la perte de vitesse en productivité apparente du travail et en valeur ajoutée en volume qu’expérimentent les activités des services nanciers hors assurance et des caisses de retraite pourrait donner lieu à des changements de stratégie (2) pour certaines entreprises du sous-secteur, voire résulter en plans de restructuration(3)

L’accroissement du poids relatif des activités auxiliaires de services nanciers et d’assurance risque d’apporter une instabilité (supplémentaire ?) au secteur entier des activités nancières et d’assurance, car ce sous-secteur semble très sensible aux aléas des périodes d’euphorie ou de dépressions nancières. Gardons à l’esprit que les périodes de fortes valorisations boursières impliquent des hausses de prix des services nanciers et pénalisent les activités auxiliaires ainsi que l’évolution en volume des fonds. Dès lors, une diversi cation interne aux activités auxiliaires de services nanciers et d’assurance serait béné que puisqu’en plus d’accroître la valeur ajoutée dans un sous-secteur hautement productif, elle contribuerait à apporter un effet stabilisateur au secteur nancier.

Pour autant, le secteur (entier) des activités nancières et d’assurance n’est pas sans ressource. Il peut à nouveau reprendre du « poil de la bête » si les deux sous-secteurs de l’assurance et des activités auxiliaires de services nanciers et d’assurance continuent à af cher des résultats encourageants en termes de valeur ajoutée – en volume – et en gains de productivité – apparente du travail. Le sous-secteur de l’assurance semble d’ailleurs être une niche – en particulier l’assurance vie en libre prestation de services (4), la réassurance et les assurances non-vie – pour le Grand-Duché avec la relocalisation éventuelle de certaines entreprises du secteur suite au Brexit(5). Pour le moment, cette perspective n’est pas encore matérialisée car elle est masquée par le ralentissement global du sous-secteur des activités des services nancier hors assurance et caisses de retraite, apparente depuis 2008.

Thomas Valici
Thomas Valici

(1) Il est important de constater que les activités nancières et d’assurances (codes NACE : 64, 65, 66) évoquées dans cette étude ne regroupent pas l’ensemble des activités de la place nancière luxembourgeoise. Par exemple, celle-ci n’inclut pas les cabinets d’audit (code NACE : 69 – activités juridiques et comptables) et les activités des sièges sociaux ; conseil de gestion (code NACE : 70), qui font partie du secteur des activités spécialisées, scienti ques et techniques.

(2) Les activités de la place nancière ont déjà commencé à se diversi er vers la micro nance, la philanthropie et la nance islamique.

(3) « La tendance croissante des coûts pour les banques enregistrée ces dernières années se poursuit, alors que, dans le même temps, le produit bancaire continue de baisser », a indiqué Guy Hoffmann (nouveau président de l’ABBL). Selon lui, « le secteur bancaire connaît des transformations qui vont avoir des conséquences ».

(4) Il s’agit d’une « directive européenne octroyant à toute compagnie d’assurances agréée, établie dans un pays membre de l’Union européenne (UE), le béné ce d’un passeport européen lui permettant d’exercer son activité dans tous les autres pays de l’UE sans devoir s'y établir physiquement », selon Bâloise Assurances.

(5) Parmi les assurances qui ont souhaité créer une structure au Luxembourg a n de préserver le passeport européen après le Brexit, nous retrouvons : AIG, FM Global, CNA Hardy, RSA, Hiscox, Liberty Mutual, Aioi Nissay Sowa Insurance (ADI), Tokio Marine, Sompo et Britannia