Au Luxembourg comme ailleurs, les compétences évoluent à mesure que la technologie s’infiltre dans toutes les veines de l’économie. A côté des connaissances techniques, cruciales, les profils recherchés à l’avenir devront aussi disposer d’une bonne dose de soft skills. 

Heureux celui qui aurait une boule de cristal pour lui dévoiler avec certitude les compétences utiles permettant d’assurément trouver un métier – ou simplement conserver un poste – dans les années à venir. Un constat s’impose : le digital s’infilre dans toutes les veines de l’économie. Aucune entreprise ou industrie n’y échappe, même si l’évolution à prévoir est plus ou moins forte selon les secteurs d’activité.

Se préparer à l’inéluctable

Quel que soit le métier considéré, chaque travailleur met en oeuvre, consciemment ou pas, un certain nombre de compétences qui lui permettent d'évoluer dans son environnement professionnel. Mais, alors que dans le cadre du travail, rien ou presque n’a changé de l’après-guerre à la fin du XXe siècle, les technologies sont aujourd’hui omniprésentes et leur évolution n’est pas près de s’arrêter. « Dans la prochaine décennie, de nouvelles machines intelligentes vont entrer dans nos bureaux, nos usines et nos foyers, dans des proportions que nous n'avons jamais connues auparavant ». Ce constat, issu de l’étude e-jobs publiée par l’Institut Universitaire International Luxembourg (IUIL), dont l’objectif est de soutenir l’économie par l’enrichissement des compétences, est partagé par tous. Omniprésentes, ces nouvelles machines remplaceront une partie du travail réalisé aujourd'hui par les hommes, et elles ont déjà commencé à le faire, mais surtout modifieront profondément nos comportements et nos emplois. Mais comment s’y préparer efficacement ?

Depuis plus de dix ans, le gouvernement luxembourgeois soutient fortement le développement des technologies de l’information et de la communication. Avec une infrastructure de pointe, une capacité d’hébergement hautement sécurisée, une connectivité parmi les meilleures au monde et des prestataires de services IT de qualité, le Luxembourg se place parmi les leaders européens de l’économie numérique, ce qui lui permet de continuer à attirer de nouvelles entreprises actives dans la sphère financière, mais aussi en dehors.

Cependant, pour rendre ces services IT au Luxembourg encore plus fiables, plus performants et plus sécurisés, pour développer encore davantage le secteur, pour attirer encore plus d’entreprises et leur permettre de rentrer dans le marché international, les compétences en gestion des risques, contrôle, analyse des données, gouvernance et sécurité sont indispensables.

L'économie devient smart

Plus largement, le pays s’apprête à embrasser ce qu'on appelle la Troisième Révolution Industrielle, un développement qui touche à toutes les facettes de la vie au quotidien. Selon ce modèle, développé par Jeremy Rifkin, les technologies de l'information et de la communication, les énergies renouvelables et les nouveaux moyens de transport devront converger au sein d'un réseau intelligent. L'étude stratégique commanditée par le gouvernement a pour vocation de rendre pour les générations futures le modèle économique existant plus durable et interconnecté. Le Luxembourg est le premier pays à s’y engager à l’échelle nationale.

Le développement de ce secteur crée de nouveaux besoins qui conduisent à des nouveaux métiers. Ceux-ci, encore méconnus jusqu’alors, ont généré une nouvelle vague d’offre d’emplois avec des profils très spécifiques. Ces métiers nécessitent des compétences techniques et sociales particulières, acquises autant en formation initiale que développées au sein des entreprises ou encore en apprentissage autodidacte. Ces e-jobs associent compétences techniques spécifiques au métier, mais aussi sociales, managériales et entrepreneuriales.

Une montée en gamme des besoins

La technologie s’infiltre dans toutes les couches d’économie et les compétences technologiques sont nécessaires dans de nombreux secteurs dont la banque, les fonds d’investissement et l’assurance, piliers jusqu’ici incontournables de la Place. En banque privée, les compétences nécessaires pour accompagner une clientèle fortunée et internationale sont aujourd’hui beaucoup plus élevées et diversifiées qu’hier, la plus grande étant de trouver du personnel pour occuper des fonctions réglementaires, compliance et risk management. Les besoins sont gigantesques. Toujours selon l’étude de l’IUIL, l'employé idéal « dispose de compétences comportementales, de soft skills de type organisationnel, de négociation, etc., tout en ayant des compétences business de type stratégique, marketing, finance, légal, etc. ». A titre d’illustration, les directeurs ou représentants des Ressources humaines interrogés lors de l’étude mettent principalement en avant leur volonté de recruter des employés autonomes, créatifs et capables de penser out of the box, ayant un esprit de synthèse, capables de communiquer à différents publics (clients, comités de direction, etc.), capables de travailler en équipe et « agiles ».

Autrement dit, il faut posséder des compétences flexibles et multiples pour s’adapter à des évolutions technologiques qui ne peuvent pas toutes être anticipées. D’autant que, d’après le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP), à l’horizon 2025, environ 49 % des emplois au Luxembourg pourraient nécessiter un niveau de compétences plus élevé, contre 39 % en 2013 (CEDEFOP, 2015).

Des initiatives locales fédératrices

Afin d’anticiper les besoins de demain, différentes initiatives ont été prises au cours de ces dernières années. Elles sont essentiellement le fait de fédérations professionnelles. L’Université du Luxembourg et d’autres organismes de formation veillent, eux aussi, à répondre aux évolutions du marché. Autre exemple qui s’inscrit parfaitement dans l’air du temps, l’école WebForce3, qui forme des développeurs-intégrateurs Web immédiatement opérationnels, a ouvert sa première école au Luxembourg voici deux ans déjà. Cette ouverture s’inscrit dans l’initiative stratégique Fit4Coding lancée par le gouvernement et cofinancée par le Fonds social européen.

Dans le secteur plus traditionnel de l’artisanat, lui aussi confronté à des changements accélérés de son environnement, la Chambre des Métiers, la Fédération des Artisans, les Centres de Compétences Génie Technique du Bâtiment et Parachèvement, et l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment unissent leurs forces afin de de proposer une offre de formation adaptée aux évolutions en cours et futures. Rien que pour le secteur particulier de la construction, ces formations intègrent aussi bien des cours techniques dans les domaines de la performance énergétique, du gros-oeuvre, du génie technique du bâtiment, du parachèvement que des cours de sécurité-santé et de gestion et organisation d’entreprise. Cette offre pour le secteur de la construction s’adresse à 4.000 entreprises et 60.000 salariés.

L’autre défi pour l’artisanat, et peutêtre le plus important à l’horizon 2020, est d’attirer les jeunes vers ces métiers encore trop souvent dévalorisés aux yeux de grand public, alors qu’ils sont indispensables à l’économie luxembourgeoise de demain.

Michaël Peiffer