Lorsqu’un employeur met en place un plan de pension dans son entreprise, il a le choix entre deux types de régimes aux philosophies sous-jacentes fondamentalement différentes : un plan Defined Benefit ou un plan Defined Contribution. Dans ce dernier type de régimes, il s’avère essentiel de fournir aux affiliés une information particulièrement pointue.

Dans le cadre d’un plan Defined Benefit (ou à prestations définies), l’employeur prend l’engagement d’octroyer une prestation bien déterminée à ses affiliés au moment de leur retraite. Son financement devra bien entendu respecter certaines règles légales, mais le risque financier pèse ici uniquement sur l’employeur. Ainsi, quel que soit le produit de ses placements, il devra honorer sa promesse de pension.

En revanche, dans l’autre système, le plan Defined Contribution (ou à contributions définies), le risque financier s’est déplacé vers les affiliés : ici, l’engagement de l’employeur se limite, en principe, à verser les contributions fixées par le règlement de pension. Cet employeur ne garantit plus à ses affiliés le résultat qui en résultera à la retraite. Ce qui explique aussi, en partie, la tendance se développant ces dernières années, visant à privilégier ce type de plan de pension. Dès lors, vu cette incertitude du point de vue des affiliés, dans des pays comme la Belgique, par exemple, le législateur est intervenu pour imposer une obligation de rendement minimum à charge de l’employeur : aujourd’hui, ce taux minimum est fixé à 1,75 % tant sur les allocations patronales que sur les cotisations personnelles affectées au financement d’un plan de pension belge. Et si à l’occasion de la retraite (ou en cas de transfert de droits acquis), la prestation à octroyer n’a pas atteint ce rendement minimum, l’employeur est, à ce moment, tenu de combler ce déficit. Une telle règle n’existe pas au Grand-Duché. Dès lors, si les contributions de l’employeur luxembourgeois n’ont pas été affectées à un produit à taux garanti, l’affilié ne connaît pas a priori l’importance de la prestation qui pourrait lui revenir à sa retraite. En revanche, s’il est également fait appel à des cotisations personnelles, prélevées sur son salaire, celles-ci devront toujours bénéficier du taux maximum garanti pouvant être alloué en assurance vie par les assureurs luxembourgeois. Ce qui revient aujourd’hui à leur appliquer un taux de 0,75 %. 

Un risque à assumer par l’affilié

Ce contexte ne signifie pas pour autant que l’employeur qui met en place un plan de pension de type Defined Contribution, se voit exonéré de toute responsabilité dès le moment où il s’est acquitté des contributions prévues. De fait, la loi lui laisse toute liberté quant au design de son plan de pension, mais il ne doit cependant pas perdre de vue l’objectif premier qui est d’assurer un complément de revenu à la retraite. Dans cette optique, plusieurs possibilités s’offrent à lui :

  • investir exclusivement ses allocations patronales dans un seul produit qui génère un taux d’intérêt garanti. C’est évidemment la démarche la plus simple, mais se limiter à un rendement de l’ordre de 0,75 % (brut) comme c’est actuellement le cas, ce n’est probablement pas très attractif pour son personnel. Il pourrait évidemment rechercher un assureur étranger autorisé à opérer au Grand-Duché, pouvant lui offrir un taux supérieur sur base de sa propre réglementation, mais la différence risque de ne pas être très significative : en Belgique, par exemple, le taux actuellement pratiqué par les assureurs varie entre 0,50 % et 1,60 % alors que le taux maximum autorisé vient d’y être ramené à 2 % ;
  • outre ce produit à taux garanti (qui doit de toute façon toujours être obligatoirement proposé aux affiliés), cet employeur pourrait aussi offrir le choix entre une palette de fonds d’investissement : fonds d’actions, d’obligations ou fonds mixtes (par exemple, de type Balanced 50 % actions/50 % obligations ou sur base d’autres pondérations). Dans ces fonds d’investissement, le risque est clairement mis à charge des seuls affiliés. Il faut que ceux-ci en soient parfaitement conscients : ils n’auront en effet aucune garantie quant à la prestation finale qui leur sera octroyée à la retraite. Si les marchés ont subi quelques turbulences, celle-ci pourrait très bien s’avérer inférieure au total des contributions qui auront été versées par l’employeur. Tout dépendra de l’évolution des actifs sous-jacents des fonds choisis. Mais il faut pouvoir l’accepter. 

Une information pointue

Offrir ainsi le choix entre différentes possibilités d’investissement peut s’avérer séduisant. Une telle démarche permet en effet de rencontrer les différents profils de risque des affiliés et leurs besoins en la matière. Mais attention : lorsqu’il met en place un tel système, l’employeur n’est pas dégagé de toute responsabilité dès lors qu’il s’est acquitté des contributions dues. En effet, il ne peut pas laisser ses affiliés prendre des risques inconsidérés, sans aucun garde-fou alors que les contributions patronales qui sont assimilées à de la rémunération sont tout de même destinées à constituer un complément de revenu à leur retraite. Il y a ainsi de fortes chances que si, au moment de prendre sa retraite, un affilié fait une très mauvaise affaire financière (il part, par exemple, peu après un krach boursier), il risque d’essayer d’impliquer son ancien employeur. Pour limiter le risque de tels litiges, il est à conseiller à cet employeur de veiller tout particulièrement à la qualité de l’information fournie à chacun de ses affiliés. Non seulement au moment de leur affiliation au plan de pension, mais aussi durant toute leur carrière. A leur affiliation, il a tout intérêt à dresser leur profil de risque, puis suivre celui-ci tout au long de leur carrière, avec leur mise à la retraite comme horizon de placement. Et même si le choix entre les produits proposés revient à ses affiliés, au moins ceux-ci pourront alors difficilement lui reprocher ultérieurement de leur avoir permis de prendre des risques excessifs.

Ce devoir d’information ne s’arrête cependant pas là. L’employeur sera également bien inspiré de suivre les performances des différents fonds retenus et de relayer, au moins une fois par an, cette information auprès de ses affiliés afin que ceux-ci puissent, le cas échéant, revoir leurs options d’investissement. A cet égard, la fiche de pension annuelle pourrait servir de support à une telle information, mettant en exergue les risques assumés. L’employeur doit en effet pouvoir s’assurer que le choix opéré par ses affiliés a bien été effectué en pleine connaissance de cause.

L’employeur pourrait aussi opter pour un encadrement plus strict de ses affiliés quant au choix permis entre les différents fonds d’investissement, par exemple : plus les affiliés avancent en âge, plus les contributions futures, voire l’épargne déjà constituée, seraient progressivement et automatiquement dirigées vers des fonds au profil de plus en plus « défensif ». 

Cette façon de procéder, généralement connue sous le vocable de life cycle, est sans doute moins souple dans le chef des affiliés puisqu’elle encadre leur liberté de choix d’investissements, mais au moins, elle permet mécaniquement de réduire quelque peu les risques et donc aussi, par la même occasion, de protéger l’épargne accumulée en vue toujours de la retraite.

Dès lors, au vu de ces démarches plus que nécessaires, il serait donc plutôt simpliste de soutenir que dans les plans de pension Defined Contribution, un employeur se trouverait dégagé de toute responsabilité par le simple fait de s’être acquitté des contributions dues.

Enfin, terminons par une suggestion : lorsqu’un affilié est ainsi investi dans des fonds au moment d’arriver à sa retraite, il pourrait s’avérer opportun de ne pas lui imposer la liquidation automatique de l’épargne ainsi constituée comme c’est actuellement le cas, mais de l'autoriser à conserver ses positions. Ce qui lui permettrait, par exemple, de traverser un peu plus sereinement des turbulences boursières sans devoir nécessairement acter une perte.

Pierre Doyen, Conseiller juridique - ESOFAC Luxembourg S.A.
Pierre Doyen, Conseiller juridique - ESOFAC Luxembourg S.A.