La réforme fiscale, mise en place par le gouvernement, est entrée en vigueur ce 1er janvier. Mais d’emblée, force est de constater que le 2e pilier des pensions, ou en d’autres termes les pensions complémentaires d’origine professionnelle, en est l’un des grands absents.

En revanche, le 3e pilier, c’est-à-dire la prévoyance procédant d’une démarche purement individuelle, comme la souscription d’une assurance vie, a vu ses avantages fiscaux élargis. Le législateur a en effet estimé que le dispositif de la prévoyancevieillesse devait être davantage ciblé vers les titulaires de revenus moins élevés. Or, ce constat peut tout autant s’appliquer aux pensions complémentaires d’entreprises : il est également primordial d’encourager l’accès à ce 2e pilier. Si la pension légale (qui relève du 1er pilier des pensions) doit demeurer la pierre angulaire de la sécurité sociale, les différents piliers de notre système de pensions doivent, ensemble, permettre à terme d’assurer à chacun un revenu de remplacement à la retraite qui demeure socialement acceptable et économiquement viable.

Une fiscalité engageante

Pour rendre ce 2e pilier plus attractif, il conviendrait notamment de réorienter certaines dispositions au niveau fiscal. A ce stade, citons quatre mesures :

1. Allocations patronales : un réajustement de leur imposition

Les contributions qu’un employeur affecte au financement de son plan de pension, sont actuellement imposées au moment de leur versement et ce, à un taux de 20 % (auquel s’ajoute encore une « taxe rémunératoire » de 0,90 %). Et même si cet impôt est versé par l’employeur, il est bel et bien à charge des salariés, bénéficiaires du plan de pension. Cette composante « allocation patronale » devrait constituer un mode avantageux de rémunération différée dans le chef de ces salariés. Or, ce n’est certainement pas le cas dans le chef des salariés à revenus peu élevés, dans la mesure où ils se voient en effet appliquer un taux d’imposition global nettement plus bas. Comment remédier à cette situation ? Tout simplement en abaissant le taux appliqué sur les allocations patronales dans l’optique d’un développement indispensable de ces régimes :

  • le taux de base serait ramené à 15 % ;
  • en outre, un effort tout particulier serait fait à l’égard des affiliés rémunérés au salaire social minimum (ce qui représente quelque 40.000 personnes) : dans ce cas, cette imposition serait même limitée à 10 %, voire moins.

2. Cotisations personnelles : une majoration du plafond déductible

Un régime complémentaire de pension repose souvent sur deux sources de financement : des cotisations prélevées directement sur la rémunération des salariés viennent compléter les allocations de l’employeur. Ces cotisations personnelles sont, à l’instar de la prévoyance-vieillesse, déductibles du revenu imposable, mais seulement ici à concurrence d’un plafond de 1.200 EUR par an, un montant qui n’a jamais été revu depuis 2000. Aujourd’hui, ce montant s’avère nettement moindre que le plafond applicable précisément à cette prévoyance-vieillesse, porté désormais pour tout le monde à 3.200 EUR en 2017. Pourquoi ne pas porter le plafond « Cotisations personnelles » au même niveau et mettre ainsi 2e et 3e piliers sur un même pied d’égalité ?

3. L’ouverture du 2e pilier aux indépendants

Actuellement, les non-salariés n’ont pas la possibilité de se constituer une pension complémentaire dans le cadre de leur activité professionnelle, alors même que la constitution de la pension légale de vieillesse n’opère pas de distinction entre salariés et indépendants. Les besoins d’un revenu complémentaire dans le futur sont pourtant identiques. Les deux derniers gouvernements l’avaient bien compris, promettant de leur ouvrir ce 2e pilier. Mais aujourd’hui, rien de concret n’a encore été mis sur la table : il faut en effet adapter l’encadrement juridique de ces régimes complémentaires de pension, mais aussi bien entendu l’accompagner de dispositions fiscales appropriées.

4. L’impôt minimum à charge des fonds de pension

En 2013, le législateur a étendu l'impôt minimum sur le revenu des collectivités à l'ensemble des organismes à caractère collectif et ce, d'une manière qui atteint également les fonds de pension. Or, par définition, ces derniers ne poursuivent aucun but de lucre. Leur seul objet est d’assurer le financement du plan de pension mis en place par un employeur sur base des contributions qui leur sont allouées. Et pourtant, ils se sont retrouvés imposés à concurrence de 3.210 EUR par an. On aurait pu penser que la réforme fiscale corrigerait cette anomalie : bien au contraire, puisqu’elle a encore majoré ce montant pour le porter à 4.815 EUR. Ce qui revient évidemment à alourdir la charge patronale liée au financement d’un plan de pension alors que, dès 2000, le Luxembourg a voulu se positionner comme point d’ancrage pour fonds de pension paneuropéens. Si le montant de cette imposition n’est pas en soi conséquent, c’est le principe même d’une imposition de ces fonds de pension qui apparaît désastreux en termes d’image vis-à-vis de l’étranger. Là où ces organismes sont expressément exonérés de toute imposition. Dès lors, une telle exemption au profit des fonds de pension établis au Grand-Duché s’avère indispensable si les autorités veulent toujours développer ce secteur d’activité. Un point d’autant plus crucial après l’adoption par le Parlement européen d’une nouvelle directive sur les fonds de pension.

Une modernisation « sociale »

A côté de ces mesures fiscales, il est tout aussi indispensable de mener à bien le chantier de modernisation du volet social de la législation. Celle-ci affiche aujourd’hui quelque 17 ans au compteur. Si elle a fait preuve de grande stabilité, il est devenu temps d’en adapter le cadre juridique. Ces adaptations peuvent être regroupées dans deux domaines particuliers :

1. Une extension du champ d’application de la loi

En premier lieu – et on l’a déjà évoqué –, il s’agit de concrétiser l’ouverture annoncée de cette loi aux indépendants et d’adapter dès lors l’environnement légal à cette catégorie de travailleurs pour leur permettre de se constituer une pension complémentaire dans le cadre de leur activité professionnelle. Par ailleurs, afin de promouvoir le recours à ce 2e pilier, une piste serait de développer le régime dit « dûment agréé ». Aujourd’hui, il s’agit d’une simple structure d’accueil, destinée à recueillir des droits acquis en cas de départ d’une entreprise, sans possibilité de financement ultérieur. L’idée serait de permettre aux salariés ne disposant pas encore d’un plan de pension (ou n’en disposant plus après avoir quitté un employeur) de pouvoir se constituer par ce biais une telle pension complémentaire en y affectant une contribution plafonnée au montant retenu en matière de cotisations personnelles. Cette démarche pourrait ainsi peut-être inciter, à terme, leur employeur à mettre en place un plan de pension dans leur entreprise.

2. Une modernisation du cadre des régimes complémentaires de pension

L’encadrement juridique et social des régimes complémentaires de pension nécessite d’être modernisé, en s’appuyant sur l’expérience acquise depuis 2000. Il s’agit de mesures purement pratiques, sans aucun impact budgétaire, mais qui devraient aider au développement des pensions complémentaires dans notre pays. Cela vise des matières aussi diverses que l’information des affiliés, la procédure en cas de départ de l’entreprise, la couverture en cas de décès des droits acquis, le délai maximum d’acquisition de ces droits… Dans ce dernier cas, par exemple, il s’agit de transposer une directive européenne qui limite ce délai d’acquisition à 3 ans maximum pour les salariés quittant leur employeur pour aller prester dans un autre Etat européen. Ce principe devrait évidemment être aussi étendu au niveau local et assorti de dispositions transitoires pour les salariés actuellement affiliés à un plan de pension. A l’évidence, ce ne sont pas les sujets d’actualité qui manquent en cette matière. On espère pouvoir y revenir au cours de cette année 2017

Pierre Doyen, Conseiller juridique, ESOFAC Luxembourg S.A.
Pierre Doyen, Conseiller juridique, ESOFAC Luxembourg S.A.