Insuffler l’esprit d’entreprise et faciliter le fonctionnement des entreprises établies figurent parmi les nombreuses missions du ministère de l’Economie et plus particulièrement de sa Direction générale PME et entrepreneuriat. Entretien avec Laurent Solazzi, conseiller de direction Entrepreneuriat et politique d’entreprise, et Vincent Hieff, attaché.

Laurent Solazzi, conseiller de direction Entrepreneuriat et politique d’entreprise, et Vincent Hieff, attaché, Direction générale PME et entrepreneuriat, ministère de l’Economie.
Laurent Solazzi, conseiller de direction Entrepreneuriat et politique d’entreprise, et Vincent Hieff, attaché, Direction générale PME et entrepreneuriat, ministère de l’Economie.
 

Photo-Focalize/Emmanuel Claude

De grands projets ont pris forme ces derniers mois. Pouvez-vous nous parler des principaux ?

Le projet de loi sur le nouveau régime d’aides en faveur des PME a été finalisé et la procédure législative a été lancée. Les aides à l’investissement en faveur des PME, les aides aux services de conseil en faveur des PME et les aides à la participation des PME aux foires, qui existaient déjà, ont été adaptées par le projet de loi. En outre, quatre nouvelles mesures ont été ajoutées, à savoir les aides couvrant les coûts de coopération supportés par les PME participant à des projets de coopération territoriale européenne, les aides en faveur des jeunes entreprises, les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles et les aides au financement des risques. Parallèlement, un Pakt Pro Commerce et un Pakt Pro Artisanat ont été élaborés afin de pouvoir piloter différentes interventions, notamment dans les domaines de la digitalisation et de la promotion de ces deux grands secteurs de notre économie. Afin de promouvoir la diversité de leurs savoir-faire auprès des jeunes et leur démontrer que les métiers manuels et techniques peuvent constituer des carrières de choix, nous avons contribué au lancement des campagnes Hands Up de la Chambre des Métiers (promotion de l’artisanat auprès des jeunes), WinWin de la Chambre de Commerce (promotion de l’apprentissage dans le commerce, les services, l’Horeca et l’industrie) et Hello Future de la Fedil (promotion des métiers de l’industrie).

Pour revenir à la digitalisation des entreprises commerciales et artisanales, des projets sont-ils déjà en cours ?

Etant donné que la digitalisation est un défi pour de nombreuses PME, nous sommes en train de mettre en place, avec les communes et la clc, une plate-forme nationale pour aider les petits commerçants à disposer d’un site Internet transactionnel. L’idée est de les accompagner, avec une équipe, dans la mise en ligne de leurs produits et la gestion des transactions. Sachant que l’ecommerce génère également du passage dans les commerces, nous considérons qu’il s’agit là d’une belle opportunité pour (re)dynamiser le commerce local. Cet accompagnement prendra la forme d’un abonnement annuel, peu onéreux, payé en partie par le commerçant et par les communes et le ministère de l’Economie. A terme, nous pensons ouvrir la plate-forme aux secteurs du tourisme et de la culture afin que tout Internaute ait une vue globale de la vie locale de telle ou telle ville lorsqu’il effectue des recherches.

Par ailleurs, en matière commerciale, nous avons « dépoussiéré » certaines lois, notamment en ce qui concerne les liquidations volontaires des stocks pour lesquelles il n’est plus nécessaire de demander préalablement une autorisation au ministère de l’Economie. De même que pour la fixation des prix, les anciennes dispositions concernant la vente à perte n’ont plus cours. Le concept des soldes est conservé, mais les commerçants ont plus de latitude pour faire des promotions tout au long de l’année.

Quant au secteur de l’artisanat, la Chambre des Métiers a déjà un projet bien avancé puisqu’une Cellule digitalisation dans l’artisanat sera créée en automne et que le nouveau Brevet de maîtrise comporte dorénavant un package digitalisation sectoriel.

En matière de création d’entreprise, le guichet.lu facilite depuis quelques années, toutes les démarches administratives aux intéressés. Peut-on encore aller plus loin ?

Nous réfléchissons actuellement à l’organisation visuelle de l’application afin d’apporter plus de clarté et de confort aux personnes qui remplissent les documents en ligne, en intégrant toutes les démarches administratives sur une seule page. Mais comme nous travaillons sur une grande réforme du droit d’établissement afin d’en faciliter l’accès, il est peut-être encore trop tôt pour apporter des changements sur le portail. Nos partenaires de la House of Entrepreneurship se tiennent également à la disposition des intéressés pour les guider et les aider dans leurs démarches administratives.

Et concernant la transmission d’entreprises dans les secteurs du commerce et de l’artisanat, y a-t-il eu des avancées ?

Afin de faciliter la transmission des entreprises individuelles, c’est-à-dire dans lesquelles les personnes exercent leur profession en nom propre en qualité de commerçant, artisan ou travailleur intellectuel indépendant, des mesures fiscales d’exonération existent à présent pour que le fruit de la transaction ne soit plus considéré comme un revenu à taxer intégralement sur la personne physique. Le problème se posait régulièrement dans le secteur de l’Horeca, notamment, lorsque les parents souhaitaient céder leur commerce à leurs enfants. Concernant le secteur de l’artisanat, nous travaillons actuellement avec les acteurs concernés pour trouver des solutions aux freins que représentent les coûts de l’immobilier et qui dissuadent les repreneurs potentiels. Par exemple, lorsque des ouvriers d’entreprises à céder se portent acquéreurs et qu’il y a de l’immobilier à l’actif de l’entreprise, c’est très compliqué d’établir un plan financier réaliste car le prix de la reprise est exorbitant pour quelqu’un qui va débuter sa vie entrepreneuriale et que les banques ne vont pas suivre.

Le thème de la cession/reprise d’entreprises est d’ailleurs un sujet que nous allons mettre en avant l’an prochain en organisant une grande conférence avec la Chambre de Commerce et l’asbl Transeo (European Association for SME Transfer).

Inculquer l’esprit d’entreprise aux plus jeunes est-il dans vos priorités ?

Il l’est, bien évidemment. Avec le ministère de l’Education nationale, nous venons de lancer 4 lycées entrepreneuriaux au sein de l’ECG (École de Commerce et de Gestion) à Luxembourg, du Lycée Technique de Lallange, du Lycée Ermesinde à Mersch et de l’Ecole Privée Marie-Consolatrice à Esch/Alzette, qui dispenseront 2 heures d’éducation entrepreneuriale par semaine. Ces cours seront donnés, dès la 7e, par leurs différents professeurs autour de challenges de niveaux de difficulté divers, de visites d’entreprises, d’accueil d’entrepreneurs dans les classes… Il s’agira donc d’un travail créatif, en équipes, visant à insuffler des réflexes entrepreneuriaux dès le lycée. L’asbl Jonk Entrepreneuren est également partie prenante à ce projet.

Dans le domaine des nouvelles technologies, le ministère de l’Education nationale a introduit, depuis le début de l’année, le label Future Hub pour valoriser les lycées innovants en matière de TIC. Ce label s’inscrit dans le cadre de la stratégie Digital for Education avec l’ambition de préparer les jeunes aux métiers numériques du 21e siècle : programmation, big data, FinTech, développement de jeux vidéo (gaming)... Le label a été attribué à trois lycées en tant que pôles de compétences et de formation régionaux : le Lycée des Arts et Métiers à Luxembourg (LAM), le Lycée Technique d’Esch-sur-Alzette (LTE) et le futur Lycée Edward Steichen à Clervaux (LESC).

Le Creative Industries Cluster est en place depuis avril 2017. Quel est son rôle ?

Ce forum pour les métiers créatifs s’adresse aux professionnels de l’industrie créative (programmeurs de jeux vidéo, réalisateurs de films, designers, architectes, artisans d’art…) et a pour but de les réunir sous une même enseigne afin qu’ils échangent, testent de nouvelles idées, travaillent ensemble sur des projets nationaux, européens ou internationaux…, le but étant d’augmenter la visibilité de tous ces savoir-faire et de montrer une des nombreuses facettes du Luxembourg. Le pays compte près de 2.200 entreprises actives dans le domaine des industries créatives, qui emploient plus de 6.300 personnes. En plus de la valeur économique directe qu'elles produisent, les industries créatives jouent aussi un rôle important dans le développement de l'innovation. Depuis son lancement, les retours sont très positifs et des collaborations se sont déjà nouées avec l’Allemagne ou la Belgique.

Propos recueillis par Isabelle Couset