Définition du travailleur frontalier « atypique » : celui qui a déménagé au sein de la Grande Région pour s’installer de l’autre côté de la frontière, tout en continuant à travailler dans sa région (pays) d’origine. Autrement dit, c’est quelqu’un qui devient frontalier dans son propre pays.

L’Observatoire interrégional du marché de l’emploi (OIE), installé dans les locaux de l’Info-Institut à Sarrebruck, vient de publier une note statistique (Newsletter OIE 23.1.2014) à base de données issues des fichiers de l’IGSS. C’est aux frontaliers luxembourgeois, c’est-à-dire ayant la nationalité luxembourgeoise, que nous allons nous intéresser dans le cadre de cet article.

Une progression constante et soutenue

Frontaliers luxembourgeois - évolution globale
Frontaliers luxembourgeois - évolution globale


En dix ans, entre 2003 et 2013, le nombre de frontaliers luxembourgeois habitant en Allemagne, en Belgique et en France a augmenté de 2.753 personnes, soit + 182 %. A noter que la tendance qui consiste à quitter le pays, tout en continuant à y travailler, s’est encore accélérée en fin de période :

- 2003-2006 :
+ 532 pers. sur trois ans ;
19,3 % de la croissance totale ;
+ 177 pers./an ;

- 2010-2013 :
+ 993 pers. sur trois ans ;
36,1 % de la croissance totale ;
+ 331 pers./an.

Où habitent-ils ?

Aujourd’hui, le contingent le plus important de frontaliers luxembourgeois (1.903 personnes, soit 44,7 % du total) habite en Allemagne. Mais c’est le cas depuis 2006 seulement, comme nous l’indique le tableau 1 :

Frontaliers luxembourgeois par pays
Frontaliers luxembourgeois par pays


Globalement, depuis 2003, c’est l’Allemagne qui a été la grande « gagnante » (graphique 2). La politique active de création de nouveaux lotissements et une stratégie de communication – parfois, c’est du vrai marketing territorial – « musclée » de la part de certaines communes allemandes toutes proches y sont évidemment pour quelque chose.

Voici comment la commune de Wincheringen (D) cherche à attirer ces « expatriés » d’un nouveau type pour peupler son nouveau lotissement « Auf Mont » : « Devenez membre d’une communauté internationale. Nos habitants viennent du monde entier : Luxembourg Allemagne France Belgique Canada Australie Grande-Bretagne – Etats-Unis – Espagne – Portugal (…) » (annonce trouvée dans la Business Revue n°. 25, sept. 2011).

Frontaliers luxembourgeois - bilan par pays
Frontaliers luxembourgeois - bilan par pays


Le troisième graphique s’intéresse à l’évolution de la répartition des frontaliers luxembourgeois par pays. Depuis 2011 – comme en début de période d’ailleurs –, la balance penche de nouveau du côté belge. C’est principalement 2013 qui est en cause, puisque l’année dernière, pas moins de 413 personnes actives luxembourgeoises ont choisi de s’installer en Belgique contre « seulement » 114 en Allemagne et 84 en France. Il s’ensuit que la proportion de frontaliers luxembourgeois habitant sur le territoire belge a retrouvé son niveau de 2006.

Evolution de la répartition par pays
Evolution de la répartition par pays


Si la progression est continue, elle est loin d’être régulière. Des années particulièrement dynamiques ont été 2012/13 (+ 611 pers.), 2007/08 (+ 422 pers.) et 2006/07 (+ 339 pers.). Pour la Belgique, la « meilleure » année a été 2012/13, pour l’Allemagne 2007/08 et pour la France l’année 2012/13 également. Ce bilan doit être apprécié dans le contexte du renchérissement des prix des terrains et des logements au Luxembourg qui, visiblement, n’est pas près de s’arrêter.

Un phénomène de proximité géographique

Il ressort du matériel statistique disponible (pas de chiffres détaillés pour la Lorraine) que la mobilité résidentielle transfrontalière reste un phénomène de proximité, les personnes au départ cherchant à minimiser la distance entre leurs nouveaux lieux de résidence et leurs lieux de travail respectifs.

Prenons le cas de l’Allemagne, qui compte environ 1.900 frontaliers luxembourgeois au total. Près de 700 habitent dans le Kreis Trier-Saarburg, 450 dans le Kreis Bitburg-Prüm et une centaine dans d’autres endroits de la Rhénanie-Platinat. 600 autres habitent dans le Kreis Merzig-Wadern, en Sarre, les autres, une bonne vingtaine, un peu plus loin seulement. En ce qui concerne la Belgique (quelque 1.400 frontaliers luxembourgeois depuis peu), neuf frontaliers sur dix habitent dans la Province du Luxembourg et les trois quarts dans le seul arrondissement d’Arlon.

Claude Gengler

claude.gengler@forum-europa-lu