enterprises-magazine-numero-70

Créatrices d’emploi et à l’origine de nouveaux services et produits, les PME luxembourgeoises sont les fers de lance de l’économie grand-ducale. Elles sont 30.000 et représentent plus de 66 % de l’emploi et près de 68 % de la valeur ajoutée (1).

Si la première valeur est dans les clous européens, la deuxième est plus élevée (17 % de plus que la moyenne de l’Union européenne). Autre fait saillant, la PME luxembourgeoise est principalement familiale, c’est-à-dire que 51 % du capital est détenu par une même famille et ses membres jouent un rôle opérationnel quotidien dans sa gestion. On retrouve bien quelques start-up, mais 70 % des PME sont une affaire de famille. Essentiellement actives dans des secteurs traditionnels comme le commerce de gros et de détail ainsi que la construction, ces « géants » de l’économie ont pour terrain de jeu un marché transnational : la Grande Région. Dans l’ensemble, le Luxembourg est une terre fertile pour les entrepreneurs. Pourtant, certains aspects comme l’appétit d’entreprendre, la transmission et la charge des procédures administratives constituent des freins à la pérennité des PME au Grand-Duché. Tour d’horizon des enjeux.

Réveiller l’étincelle entrepreneuriale

On entend souvent dire que l’esprit d’entreprise n’est pas le point fort du pays. Pourtant, 43 % des Luxembourgeois (2) se disent capables de devenir entrepreneur et près de 20 % indiquent qu’ils sont prêts à se lancer dans l'aventure dans les 3 ans (3). Pure intox donc. En réalité, ce n’est pas tant l’appétit d’entreprendre qui fait défaut au Grand-Duché, mais le taux d'activité entrepreneuriale. Deux ans après le lancement de leur activité, les entrepreneurs ne sont plus que 2 % à être encore dans la course. En Europe, le Luxembourg fait ici figure de mauvais élève.

De manière générale, l’aventure entrepreneuriale séduit moins les Luxembourgeois que les individus issus des économies axées sur l’innovation (4) (39,4 % contre 53,5 %). Il faut dire que beaucoup succombent aux sirènes de la fonction publique qui offre confort et sécurité.

Le casse-tête du « reprenariat »

portrait-robotUn tiers des chefs d'entreprise au Luxembourg ont plus de 55 ans et cherchent un successeur. Et 1.500 d'entre eux auront dans les cinq ans un vrai problème de succession (5). Puisque la grande majorité de ces PME sont des entreprises familiales, on pourrait croire que la relève est assurée. Sauf qu’en Europe seulement 30 % des sociétés se transmettent du fondateur à la deuxième génération. Proportion qui dégringole de moitié quand il s’agit de la génération suivante. C’est d’autant plus problématique que la transmission de l’entreprise reste le parent pauvre de l’entrepreneuriat au Luxembourg. En effet, peu d’entrepreneurs semblent se pencher sur la question. A défaut de successeur, ces PME sont condamnées à vieillir et à s’éteindre avec leurs dirigeants.

Faut-il pour autant en déduire que l’entrepreneuriat est en voie d’extinction ? Que nenni. Les success-stories existent. Les serial entrepreneurs aussi. Nombre d’entre eux font figure de proue et s’attachent à prêcher la bonne parole en partageant leur expérience. Et c’est bien ce type d’initiative qu’il faut favoriser, promouvoir et coordonner pour (r)allumer la flamme entrepreneuriale.

Simplification administrative: ce vieux serpent de mer

Interagir avec l'administration quand on est entrepreneur relève souvent du par-cours du combattant. Partout en Europe, on parle de simplification administrative. Quid de l’administration luxembourgeoise ? Le premier point de contact de l'entrepreneur avec l'administration, c'est le portail Guichet.lu. On y trouve toutes les actions et obligations auxquelles doit se confronter l'entrepreneur. Mais cela reste administratif. La simplification administrative rime-t-elle avec informatisation et deshumanisation ? L’informatisation est vertueuse si l’ensemble des administrations communiquent entre elles. Quant au volet humain, il est essentiel de maintenir un contact entre administration et entrepreneurs. Reconnaissons qu’en la matière, les administrations luxembourgeoises sont accessibles. En plus de collecter des informations, elles expliquent et cherchent à aider. On a affaire à un vrai service public, au sens noble du terme. Seul bémol, peu de dirigeants y font appel.


"Il est essentiel de maintenir un contact entre administration et entrepreneurs. Reconnaissons qu’en la matière, les administrations luxembourgeoises sont accessibles. En plus de collecter des informations, elles expliquent et cherchent à aider. On a affaire à un vrai service public, au sens noble du terme. Seul bémol, peu de dirigeants y font appel"


Serge Saussoy - Associé Leader PwC Entrepreneur
Serge Saussoy - Associé Leader PwC Entrepreneur

Les aides octroyées par l’administra-tion s’inscrivent dans la même lignée. Il en existe 33 distribuées par 9 administrations différentes. Il y a celle pour la création, la reprise, le développement, l’emploi, l’environnement ou la recherche et le développement. De quoi laisser l’entrepreneur perplexe tant le système d’aides aux PME est parcellaire. D’autant que faire la chasse aux subventions n'est pas une démarche naturelle chez eux. Plutôt que de simplifier ne faudrait-il pas faciliter la communication entre l'entrepreneur et l'administration. C’est finalement une autre manière de stimuler l’entrepreneuriat.


"En réalité, ce n’est pas tant l’appétit d’entreprendre qui fait défaut au Grand-Duché, mais le taux d'activité entrepreneuriale. Deux ans après le lancement de leur activité, les entrepreneurs ne sont plus que 2 % à être encore dans la course. En Europe, le Luxembourg fait ici figure de mauvais élève".


Christophe Loly - Associé  PwC Luxembourg
Christophe Loly - AssociéPwC Luxembourg

Dans un monde idéal, on pourrait créer son entreprise en une heure et avoir affaire à une personne. Les informations relatives aux entreprises seraient collectées par les administrations qui utiliseraient les mêmes standards, de telle sorte que les dirigeants n’auraient pas à fournir plusieurs fois la même information. Dans le meilleur des mondes, on créerait un guichet unique dédié aux subventions qui proposerait aux entrepreneurs des aides adaptées. Mieux encore, les aides seraient supprimées au profit d’un taux d'imposition plus favorable, comme c’est déjà le cas dans certains pays.

 

(1) Source: Fiche technique Small Business Act 2014 Luxembourg, Commission européenne (2014).
(2) Source: GEM Luxembourg 2013 Report, Global Entrepreneurship Monitoring (2013).(3) Source: GEM Luxembourg 2013 Report, Global Entrepreneurship Monitoring (2013).
(4) Global Entrepreneurship Monitoring considère qu’une économie est axée sur l’innovation (innovation-driven economies en anglais) lorsque les conditions-cadres propices à l’entrepreneuriat deviennent des leviers de développement économique.
(5) Source: Chambre des Métiers du Luxembourg.