La démographie des entreprises luxembourgeoises est en perpétuelle évolution et le nombre d’assujettis à la TVA ne cesse d’augmenter. D’après le rapport annuel 2018 de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines et de la TVA, la masse a plus que doublé en 15 ans et, fin 2018, l’administration dénombrait presque 78.000 assujettis actifs.

D’après le même rapport, on constate également que le personnel de l’AEDT, resté relativement stable depuis 2008, a sensiblement augmenté en 2018 ; son rôle premier étant de garantir la juste et exacte perception des impôts indirects dont la TVA (1). Pour atteindre son objectif, le travail de vérification et d’imposition s’est intensifié. Le résultat est que, sur les presque 78.000 bulletins d’impôt émis, quasi 11.000 bulletins comportaient des redressements. De ces correctifs, ont découlé des réclamations administratives, des recours judiciaires et des poursuites diverses.

Le présent article a pour vocation de parcourir succinctement les règles applicables en matière de contentieux TVA.

Obligations déclaratives

Le contentieux TVA trouve sa source dans les obligations déclaratives des entreprises individuelles ou personnes morales.

Conformément à l’article 64 de la loi TVA (2), « tout assujetti (…) doit déposer, selon les modalités et dans la forme prescrites par l’administration, une déclaration dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris (…) le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées ou ne rentrant pas dans le champ d’application territorial de la taxe ».

Le dépôt de la déclaration TVA (3) entraîne un travail d’analyse de l’AEDT dont la première phase est celle d’investigation et la seconde celle d’imposition. Le travail d’investigation peut se limiter à une simple imposition automatique de la DTVA, suivie de l’établissement d’un bulletin d’information, mais peut également conduire à un contrôle, sommaire ou approfondi, avec ou sans investigation sur place, avec ou sans transmission du FAIA (4) ; vérification qui sera suivie d’un bulletin d’information si le contrôle ne décèle aucune anomalie ou d’un bulletin de rectification ou de taxation d’office dans le cas contraire.

Pouvoirs d’investigation et Service Anti-Fraude

Les pouvoirs d’investigation de l’AEDT sont régis au chapitre X (5) de la LTVA.

La constatation d’infractions et de faits qui établit (ou concourt à établir) l’exigibilité de la taxe ou d’une amende se fait via l’émission d’un procès-verbal dressé par les agents de l’AEDT. Celuici vaut jusqu’à preuve du contraire. Dès lors, si l’assujetti n’est pas d’accord, il a tout intérêt à prendre ce procès-verbal en considération au vu de la force probante renforcée qui lui est conférée.

Le 2e pouvoir d’investigation est que :

  • « toute personne sera tenue de (…) communiquer sur demande des agents de l’administration les documents et factures qu’elle a reçus (…) et de leur fournir tous les renseignements relatifs à ces opérations. La même obligation de communication incombe aux assujettis en ce qui concerne tous les livres, journaux et pièces comptables, les quittances, les extraits bancaires, les bons de commande et les documents d’expédition et de transport. Il en va de même des contrats relatifs à leur activité professionnelle, ainsi que des données concernant leurs caisses enregistreuses et leur gestion de stocks (…) » ;
  • tous ces documents sont à consulter sur place et ne peuvent être déplacés par les agents de contrôle qu'avec l’accord des personnes en cause » ;
  • « les agents de l’administration ont le droit de retenir, pour les joindre à leurs procès-verbaux, les factures et autres documents qui prouvent les infractions (…) respectivement qui établissent ou qui concourent à établir l’exigibilité d’une taxe ou d’une amende. Ce droit ne s’étend pas aux livres commerciaux » ;
  • lorsque les livres, documents et, généralement, toutes données (…) existent sous forme électronique, ils doivent être, sur demande de l’administration, communiqués, dans une forme lisible et directement intelligible, certifiée conforme à l’original, sur papier, ou suivant toutes autres modalités techniques que l’administration détermine.»
    En d’autres mots, l’AEDT peut, dans les conditions prévues par la législation, réclamer le fichier FAIA.

La loi prévoit enfin que les agents de l’AEDT ne peuvent se présenter qu’aux locaux professionnels de l’assujetti.

Une réorganisation de l’AEDT a été nécessaire et un service de contrôle nommé Service Anti-Fraude, dont les compétences sont inscrites dans la loi (6), a été créé.

Bulletins

Il est nécessaire de distinguer le bulletin d’information, le bulletin de rectification d’office et le bulletin de taxation d’office : 

  • le bulletin d’information est celui qui informe l’assujetti que sa DTVA est correcte. « Cette information n’a cependant qu’un caractère provisoire et n’empêche pas l’administration d’émettre ultérieurement un bulletin de rectification ou de taxation d’office si des faits et circonstances, qui n’étaient pas à sa connaissance au moment de l’émission de l’information, justifient cette mesure » ;
  • les erreurs constatées lors d’un contrôle, sommaire ou approfondi, seront d’office corrigées par l’AEDT. L’assujetti recevra un bulletin de rectification d’office avec le montant de TVA éventuellement dû ;
  • les doutes, sur base de présomptions graves, précises et concordantes quant à l’exactitude des DTVA déposées ou l’absence de DTVA ou de justificatifs complets et exacts seront eux consignés dans un bulletin de taxation d’office qui sera envoyé à l’assujetti avec le montant de TVA dû.

Les 2 derniers bulletins ne sont que des moyens d’assurer le payement de la taxe au cas où l’assujetti resterait en défaut de déposer ses déclarations. Ils ne constituent dès lors pas une mesure de sanction. Des amendes administratives pourront être réclamées en parallèle (7).

Le délai de prescription est de 5 ans. Les bulletins pourront être corrigés tant que la prescription n’est pas acquise.

Réclamation

« Le bulletin portant rectification ou taxation d’office (…) est notifié à l’assujetti, lequel est censé l’avoir reçu à la date de la notification y figurant. »

L’assujetti ou ses représentants dûment mandatés disposent alors d’un délai de 3 mois à compter de la date de notification du bulletin pour déposer réclamation. Celle-ci doit :

  • être dûment motivée. Des explications détaillées, notamment en faisant référence aux textes de loi, et des pièces justificatives devront être communiquées afin d’appuyer les arguments avancés par l’AEDT ;
  • être envoyée par écrit en français, allemand ou luxembourgeois. Il est conseillé à l’assujetti, devant pouvoir prouver l’envoi et la réception de sa réclamation dans le délai de 3 mois, d’envoyer son courrier par lettre recommandée avec accusé de réception ;
  • faire explicitement référence à l’article 76§3 LTVA et indiquer clairement qu’il s’agit d’une réclamation contre le « bulletin du ».

Si la réclamation est acceptée, un nouveau bulletin sera émis. Si elle est rejetée, elle sera transmise au directeur de l’administration qui émettra soit un avis confirmatif, soit un bulletin portant rectification du bulletin contesté.

Relevé de forclusion

« Un assujetti qui s’est trouvé, sans faute de sa part, dans l’impossibilité d’agir dans le délai imparti (…) pour introduire une réclamation auprès du bureau d’imposition compétent, peut demander à être relevé de la forclusion. »

Recours judiciaire

Lorsque la réclamation est rejetée, l’assujetti a encore un droit de recours qu’il peut introduire par une assignation devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière civile. Ce recours doit être signifié à l’AEDT en la personne de son directeur dans un délai de 3 mois à compter de la date de notification figurant sur la décision du directeur.

Rejet implicite de la réclamation

« Lorsqu’une réclamation a été introduite et qu’une décision n’est pas intervenue dans le délai de 6 mois à partir de la réclamation, le réclamant peut considérer la réclamation comme rejetée et introduire un recours contre le bulletin qui fait l’objet de la réclamation. Le recours est introduit par une assignation devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière civile. »Dans ce cas, le délai de 3 mois ne court pas.

Appel en garantie (8)

« En cas d’inexécution fautive des obligations légales incombant aux administrateurs délégués, aux gérants ainsi qu’à tout dirigeant de droit ou de fait qui s’occupent de la gestion journalière, le directeur de l’Administration de l’enregistrement et des domaines ou son délégué peut émettre (…) une décision d’appel en garantie. Cette décision confère à l’administration le droit de recouvrer (…) la taxe sur la valeur ajoutée due par les personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée. »

Lorsque la faute du représentant légal est clairement établie, l’AEDT a le droit de récupérer les sommes dues directement auprès de cette personne.

Conclusion

La TVA n’est pas une matière simple en raison notamment du fait que, même s’il s’agit d’un impôt intracommunautaire, les règles peuvent différer d’un Etat membre à l’autre et qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer comment, où et par qui l’opération doit être déclarée. Cette complexité peut dès lors entraîner des erreurs déclaratives et, en cas de contrôle, engendrer des redressements par l’AEDT.

D’un autre côté, certains assujettis ne respectent pas toujours leurs obligations déclaratives ou tardivement.

Toutes ces erreurs et négligences ont pour effet que le contentieux administratif et judiciaire est appelé à se développer ; contentieux face auquel les assujettis ont des possibilités de se défendre par le biais des réclamations et du recours judiciaire. L’important est de veiller à respecter le formalisme et les délais imposés par la LTVA et à s’adresser au bon interlocuteur.

Je remercie chaleureusement Monsieur E. Loquet de m’avoir permis d’utiliser sa présentation pour rédiger cet article.

Catherine Degive
CODEJA S.à r.l.

Liste des taux de TVA applicables dans les États membres (en %), 1er janvier 2019 

États membres Code Taux super réduit Taux réduit Taux standard Taux parking
Belgique BE - 6 / 12 21 12
Bulgarie BG - 9 20 -
Rép. Tchèque CZ - 10 / 15 21 -
Danemark DK - - 25 -
Allemagne DE - 7 19 -
Estonie EE - 9 20 -
Irlande IE 4.8 9 / 13.5 23 13.5
Grèce EL - 6 / 13 24 -
Espagne ES 4 10 21 -
France FR 2.1 5.5 / 10 20  -
Croatie HR - 5 / 13 25 -
Italie IT 4 5 / 10 22 -
Chypre CY - 5 / 9 19 -
Lettonie LV - 12 21 -
Lituanie LT - 5 / 9 21 -
Luxembourg LU 3 8 17 14
Hongrie HU - 5 / 18 27 -
Malte MT - 5 / 7 18 -
Pays-Bas NL - 9 21 -
Autriche AT - 10 / 13 20  13
Pologne PL - 5 / 8 23 -
Portugal PT - 6 / 13 23 13
Roumanie RO - 5 / 9  19 -
Slovénie SI - 9.5 22 -
Slovaquie SK 10 20 -
Finlande FI - Oct-14 24 -
Suède SE - 6 / 12 25 -
Royaume-Uni UK - 5 20 -

N.B.: Exemptions with a refund of tax paid at preceding stages (zero rates) are not included above (see section V)

Source : https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/vat_fr

(1) Ci-après AEDT.
(2) Texte coordonné de la loi du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée à retrouver sur http://www.aed.public.lu/tva/ loi/index.html – ci-après LTVA.
(3) Ci-après DTVA.
(4) Fichier Audit Informatisé AED – http://www. aed.public.lu/FAIA/index.html.
(5) Articles 68 et suivants.
(6) Règlement grand-ducal du 5 décembre 2018 fixant l’organisation des services d’exécution de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA, abrogeant le règlement grand-ducal modifié du 25 octobre 20017 déterminant l’organisation de la direction de l’administration de l’enregistrement et des domaines et les attributions de son personnel – http://legilux.public.lu/eli/etat/ leg/rgd/2018/12/05/a1107/jo.
(7) Chapitre XI LTVA.
(8) Articles 67-1 à 67-4 LTVA.