L’octroi de nouveaux agréments à des compagnies qui ont choisi de quitter la Grande-Bretagne pour s’implanter au Luxembourg dans l’éventualité d’un Brexit soutient les résultats du secteur des assurances.

Au Luxembourg, le secteur de l’assurance recouvre deux réalités bien distinctes. On ne peut se contenter d’évaluer sa santé à l’évolution globale de l’encaissement des primes, indicateur communiqué et analysé chaque trimestre par le Commissariat aux Assurances. Le régulateur, d’ailleurs, prend soin de le décortiquer, chaque fois, commentant les tendances à l’œuvre. Une année, c’est l’activité liée à l’assurance vie, qui au Luxembourg sert avant tout une clientèle internationale à des fins de structuration patrimoniale, qui va doper la performance du secteur. Une autre année, c’est l’assurance non-vie ou directe, qui couvre les risques du quotidien d’une clientèle davantage locale, qui soutiendra la performance du secteur. 

Depuis le début de l’année, l’effet Brexit se poursuit et se révèle dans
le détail des chiffres
Depuis le début de l’année, l’effet Brexit se poursuit et se révèle dans le détail des chiffres

2018, une année en demi-teinte

Si l’on regarde l’évolution de l’encaissement global des primes pour 2018, on peut parler d’une année en demi-teinte. Par rapport à 2017, on assiste à une progression de 3,63 %. On peut se réjouir d’un secteur en croissance. Cependant, la performance est bien moins importante que durant l’exercice précédent, le secteur ayant connu une progression à deux chiffres (13,66 %) entre 2016 et 2017, et les primes encaissées passant de 23,8 milliards EUR à 27 milliards EUR.

En analysant dans le détail les résultats de 2018, on constate que l’encaissement lié à l’assurance vie a évolué positivement de 0,99 % tandis que les branches non-vie progressent de 20,88 %. Pendant l’exercice précédent, la croissance était respectivement de 15,22 % et 4,43 %.

Progression modeste pour l’assurance vie

Attardons-nous d’abord sur la performance de l’activité assurance vie, que e Commissariat aux Assurances qualifie de « modeste ». En effet, lors de la période précédente, l’assurance vie avait connu une progression spectaculaire de 15,22 %. Mais la branche recouvre de nombreuses activités, destinées à divers marchés. « La progression de 0,99 % se décompose en une croissance de 38,85 % de l’encaissement relatif aux produits à rendements garantis face à un recul de 10,86 % de celui des produits vie en unités de compte, commentait le Commissariat aux Assurances, partageant son analyse des résultats en février dernier. Une analyse sur les différents trimestres de 2018 montre que la préférence pour les produits garantis était constante tout au long de l’année et que, sauf pour le dernier trimestre, l’encaissement des produits en unités de compte était en recul. »

L’évolution des produits classiques reste influencée par les produits d’épargnepension au titre de l’article 111bis de la loi sur l’impôt sur le revenu. Ces produits ont progressé de manière importante. « Les quelque 96.102 contrats – en progression de 17,98 % par rapport à 2017 – ont généré un encaissement de 137 millions EUR, soit 15,45 % de plus qu’en 2017. L’épargne gérée à ce titre s’élève à 995 millions EUR à la fin de 2018 », soulignait le Commissariat aux Assurances.

 

Le Brexit soutient les résultats de la branche non-vie

D’autre part, l’assurance non-vie – hors assurances maritimes du 4e trimestre – progresse de 20,88 % sur les douze mois de 2018. Comme quoi, nous vous le disions, une année n’est pas l’autre. « Cette progression remarquable continue d’être impactée de manière significative par les retombées de l’agrément de compagnies ayant choisi le Luxembourg comme lieu d’installation suite à la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne », indiquait le Commissariat aux Assurances.

Il y a toutefois lieu de nuancer ces bons résultats, comme a pris soin de le faire le régulateur du secteur, en distinguant les performances du dernier trimestre des acteurs travaillant essentiellement, sinon exclusivement sur le marché luxembourgeois, de celles des compagnies opérant à l’étranger dans les branches non-vie. Les premiers n’ont enregistré une croissance de leur encaissement que de 0,75 % tandis que les seconds faisaient valoir une hausse de 35,70 % de leurs primes.

Hausse des encaissements, recul des résultats

L’encaissement ne reflète pas toujours l’évolution des résultats des acteurs du secteur. « Les chiffres du dernier trimestre de 2018 font état d’un recul important des résultats du secteur des assurances directes : avec 331,46 millions EUR, les bénéfices sont en diminution de 32,65 % par rapport aux 492,17 millions de 2017 et avoisinent le niveau enregistré en 2014 », analysait le Commissariat aux Assurances.

Du côté de l’assurance-vie, avec 255,15 millions EUR, le résultat après impôts est en diminution de 13,14 % par rapport à celui de 2017. Avec un excédent après impôts estimé à 76,30 millions EUR, le résultat des entreprises d’assurances non-vie luxembourgeoises, hors assurances maritimes du 4e trimestre, recule de 61,56 % par rapport à celui de 2017. Une part importante de cette diminution résulte des frais d’établissement des compagnies britanniques ayant rejoint le Luxembourg dans le cadre du Brexit.

2019 sera une année faste, et c’est peu dire

Selon les premiers chiffres enregistrés pour 2019, cette année devrait être meilleure. Et c’est un euphémisme. Au cours du 1er trimestre 2019, l’encaissement du secteur des assurances enregistre de nouveau un mouvement de hausse notable. « Toutes branches d’assurances confondues, les primes augmentent de 46,18 % par rapport à la même période de l’exercice précédent », commente le Commissariat aux Assurances. L’effet Brexit se poursuit et se révèle dans le détail des chiffres. « La progression de l’activité touche l’ensemble des secteurs, poursuit le Commissariat. Si l’encaissement des branches vie progresse de 7,19 % par rapport au 1er trimestre 2018, les primes en assurance non-vie augmentent de 217,57 % par rapport à la collecte du trimestre correspondant de l’exercice précédent. » Excusez du peu.

Toujours les retombées d’un Brexit éventuel

Cette progression « remarquable » est en effet essentiellement imputable aux retombées de l’agrément de compagnies ayant choisi le Luxembourg comme lieu d’installation suite à la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne. Les entreprises opérant en dehors du Luxembourg dans les branches d’assurances non-vie, autres que les assurances maritimes, connaissent ainsi une hausse de leur encaissement de 323,42 %. « Cette évolution devrait continuer, sinon même s’accentuer encore au cours des deux prochaines années », explique le Commissariat aux Assurances. Les assureurs luxembourgeois, de leur côté, enregistrent une croissance de leur encaissement de 3,51 %, qui n’est pas négligeable.

Les rendements garantis toujours privilégiés

En assurance vie, la hausse de l’encaissement au 1er trimestre masque des évolutions divergentes et de grande ampleur suivant les types de produits. « Pour les produits à rendements garantis, les primes sont en augmentation de 28,49 % par rapport au trimestre correspondant de l’année précédente. En dépit de la faiblesse des garanties offertes et des efforts des assureurs visant à promouvoir les contrats en unités de compte, la préférence de la clientèle pour des produits sécurisés ne se dément pas », précise le régulateur. En effet, la clientèle semble toujours privilégier la sécurité, malgré un environnement dans lequel les taux sont très bas et les rendements faibles, à des investissements de leur épargne en actions, plus risqués mais sans doute plus profitables à long terme.

Le total des provisions techniques des assureurs vie, à la fin du premier trimestre 2019, s’établit à 186,74 milliards EUR, en progression de 7,99 % par rapport à la fin mars 2018, et de 5,59 % par rapport à la fin décembre 2018. Cette croissance remarquable de l’ordre de 10 milliards EUR est imputable à raison de 2 milliards à un transfert de portefeuille vers une entreprise luxembourgeoise dans le contexte du Brexit.

Sébastien Lambotte